« Le Journal d’Anne Frank » dans le domaine public ? Les ayants droit refusent. « Chère Anne Frank » : c’est un universitaire-blogueur de 2015, Olivier Ertzscheid, qui prend aujourd’hui à témoin, 70 ans après sa mort à Bergen-Belsen, l’adolescente martyre d’Amsterdam, en mettant spectaculairement en ligne le PDF de son célèbre « Journal ».
Deux versions, plus précisément. La version intégrale, et la version commercialisée, expurgée après guerre par le père d’Anne Frank, Otto Frank, de passages jugés trop personnels, notamment sur les rapports de l’auteure à sa sexualité. Les ayants droit ont retardé l’échéance Pourquoi cette spectaculaire mise en ligne ? Pourquoi cette adresse d’outre-tombe – « Bienvenue dans la lumière, chère Anne » – à l’adolescente, aussi émouvante que Nadine Morano s’adressant aux mânes du général ? Parce que ce texte, conformément à la législation européenne, aurait dû tomber dans le domaine public 70 ans après la mort de l’auteure, début 2016. Très bien. Si c’était seulement une question de rente, on applaudirait le geste des deux mains. Entrée dans le domaine public pour le redoutable Mein Kampf. À l’approche du 1er janvier 2016, le livre d’Adolf Hitler, Mein Kampf refera surface plus que jamais.
En effet, le Land de Bavière, détenteur des droits, s’est donné pour mission d’en empêcher la publication imprimée. Chargé d’une lourde histoire, le livre est devenu une sorte de symbole diabolique du combat mené par le dictateur allemand. Le couler dans le béton, et le jeter au fond d’un lac ? Certes, mais les exemplaires à noyer sont encore nombreux. Jennie Stafford, CC BY NC ND 2.0 Initialement, la Bavière avait pris le parti de réaliser une édition annotée, avec le concours d’historiens. Mein Kampf écrit par Adolf Hitler est un des livres les plus emblématiques de la haine. Suite à une conférence des ministres du Land, on souhaite finalement revenir à une interdiction de nouvelles éditions du livre, prétextant qu’il s’agit simplement d’une incitation à la haine raciale.
. « Que ce livre soit enfermé dans le placard des ouvrages interdits n’est pas une bonne idée. Avez-vous le droit de chanter « Happy Birthday to You » ? Oui, si vous le faites dans l’intimité de votre salon, avec vos amis un peu ivres et votre grand-mère attendrie.
Non, si vous filmez la scène pour l’inclure dans votre grand projet de film autobiographique que vous voulez voir projeté à Sundance. Car « Happy Birthday to You », est protégée par l’un des copyrights les plus exorbitants de l’histoire. Lorsque vous voyez dans un film une scène où quelqu’un chante cette chanson, vous pouvez être sûre que les producteurs ont raqué pour l’inclure. Pourquoi "Le Petit Prince" n'est-il pas libre de droits en France ? De nouvelles études confirment la valeur du domaine public pour l’innovation et la créativité. J’avais écrit en avril dernier un billet à propos d’un article scientifique qui proposait une méthode indirecte pour calculer la « valeur économique » des photographies appartenant au domaine public figurant sur Wikipédia.
Ces chercheurs étaient arrivés à la conclusion que ces contenus généraient une valeur de 246 à 270 millions d’euros par an, en augmentant la visibilité des pages de l’encyclopédie et en réduisant les coûts de transaction pour les utilisateurs. En réalité, cette étude ne constituait que l’un des trois volets d’un rapport sur la valeur du domaine public, commandé par l’Intellectual Property Office au Royaume-Uni. Intitulé « Copyright and The Value Of Public Domain : An Empirical Assessment« , ce document est particulièrement intéressant, à la fois par sa méthodologie et ses résultats. Cliquez sur l’image pour accéder au document.
Outre la partie sur la valeur des photos sur Wikipédia dont j’ai déjà parlé, ce rapport contient deux autres sections. J'aime : Domaine public : Philosophiquement intéressant, selon Pellerin, sans plus. Le domaine public a donc pour vocation de rester un no man's land, flou artistico-juridique défini par défaut.
C'est un effort de paresse manifeste dont la ministre de la Culture a su faire preuve hier, en renvoyant l'amendement de la députée Isabelle Attard, qui tentait une modification du Code de la propriété intellectuelle. Objectif ? Définir, positivement la notion de domaine public. #OMG... Ramona Forcella, CC BY 2.0 Un gouvernement socialiste a approuvé l'arrivée du registre ReLIRE, l'une des pires formes d'oppression exercée sur les auteurs, et leurs œuvres, c'est de nouveau un gouvernement socialiste qui s'est ri de ce que l'on puisse aborder la question du domaine public, autrement que par défaut. Son amendement avait pour vocation de proposer « une définition positive du domaine public, afin de le consacrer, de le promouvoir et de le garantir contre les atteintes qu'il pourrait subir ». Limiter à 70 ans après la mort, strictement.