Daphné Jacamon : A la découverte de l’oral du lecteur. Témoigner de son expérience d’une œuvre littéraire : telle est désormais la tâche de l’élève dans la 2nde partie de l’oral de français au baccalauréat.
Comment préparer à cet exercice pour le rendre authentique et intéressant ? Dans quelle mesure cet « oral du lecteur » peut-il se déployer dans la classe pour aider les élèves à fortifier leur relation aux œuvres tout en développant leur maitrise de la parole ? Professeure de lettres au lycée Louis Jouvet à Taverny, Daphné Jacamon éclaire ici les modalités et les enjeux d’un tel travail, progressif et coopératif. Avec la belle possibilité enfin offerte aux élèves de dire « je » et de partager une pensée en mouvement ? La notion d’ « oral du lecteur » est neuve : pouvez-vous en éclairer le sens ?
Isabelle Dornic : Dans la beauté du geste de l’élève. Evaluer, c’est donner de la valeur : la plus belle des valorisations serait-elle alors désormais la publication en ligne des créations d’élèves ?
C’est une leçon qu’enseigne le fort joli blog « A fleur de mots » d’Isabelle Dornic, professeure de lettres au collège Amand Brionne à Saint-Aubin-d’Aubigné dans l’académie de Rennes. D’une classe à l’autre, d’une année à l’autre, les productions partagées sont variées et inspirantes : vidéopoèmes, bandes-annonces de livres, affiches contre le sexisme, « book in a box », carnets d’enquête romanesques… La publication ouverte suscite fierté, engagement, sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage.
Elle rend vivante une culture scolaire devenue participative et donne un authentique enjeu au travail : « J'aime l'idée que les élèves soient dans la beauté du geste, plutôt que dans l'obsession de la rentabilité… » Comment devient-on une professeure-blogueuse aussi inventive ? Merci ! Sarah Alami : Dans l’atelier d’une professeure de français. Une enseignante de français au travail : c’est ce que donne à voir joliment un ouvrage que publie Sarah Alami aux éditions Tsarines.
On y perçoit combien l’enseignante se pose des questions délicates: comment étudier un classique sans ennuyer la classe ? Comment lire de vieux textes avec de jeunes élèves ? Comment lire de gros livres avec des ados peu lecteurs ? … On découvre, à travers des comptes rendus précis de séquences menées en 2nde sur « Phèdre », « Madame Bovary » ou « Les lettres persanes », des propositions qui diversifient l’approche de la littérature pour mettre authentiquement les élèves en activité de lecture, d’investigation, d’expression écrite ou orale, de coopération, de créativité. Lettres d’amour interclasses. Peace and love au collège ?
Et si, à rebours de la violence du cyberharcèlement, l’Ecole invitait à écrire des lettres d’amour, entre élèves, entre classes, entre établissements ? Fruit d’une collaboration entre Grégory Devin, Violaine Gouzien et Lionel Vighier, cet étonnant projet de correspondances amoureuses relie des 4èmes du collège Pablo Picasso à Montesson et du collège Marcel Grillard à Bricquebec-en-Cotentin. Le jeu de rôles et d’écriture conduit à incarner un personnage imaginaire, à rédiger en son nom une lettre d’amour, à l’adresser à un autre élève, qui répondra à son tour, par une lettre de rupture.
I-voix lycéennes : Déclaration romanesque des Droits de la Femme. « Les personnages féminins de romans, représentantes des mères, des filles, des sœurs, constituées en Assemblée internationale, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » : tel est le Préambule de la Déclaration qu’ont écrite et publiée les lycéen.nes du lycée de l’Iroise à Brest dans le cadre de leur projet i-voix.
Iels font ainsi résonner tout à la fois la DDFC d’Olympe de Gouges et des récits contemporains racontant l’expérience féminine d'un monde sous domination masculine. Déclaration romanesque des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Rachel Pouliquen : Coopérative de voix lycéennes. Peut-on renouveler le format scolaire de l’exposé ?
Au lycée Vauban à Brest, Rachel Pouliquen en propose une revitalisante transformation : dans le cadre de l’étude de « La princesse de Clèves », elle a invité ses élèves à mener des recherches thématiques, puis à préparer et enregistrer en groupes des émissions de radio autour de problématiques collectivement définies. Par-delà l’appropriation de l’œuvre et le travail des compétences orales, le dispositif présente bien des intérêts : le format radio « déréalise la dimension scolaire de l'exercice en permettant de toucher au grand sérieux du jeu », coopérations et interactions produisent un « beau moment » tout à la fois « d'effacement et d'affirmation de soi », « le plaisir éprouvé aura nourri de manière positive l'image que les élèves peuvent avoir d'eux face à la matière et face à la pratique de l'oral. » Eclairages sur les coulisses d’émissions réalisées avec le soutien de la Coopérative Pédagogique Numérique du Finistère…
Marie-Astrid Clair : Professeure de français youtubeuse. Faut-il aller chercher les élèves jusque sur les plateformes qu’ils fréquentent assidument ?
Professeure de français au collège REP+ Georges Rouault à Paris, Marie-Astrid Clair a lancé sur YouTube la chaîne de vidéos « Le français c’est clair ». La chaîne est organisée selon un système de playlists : orthographe, grammaire, conjugaison, littérature, oral, méthodologie. Selon une ligne éditoriale : chaque vidéo donne à voir et écouter l’élaboration en direct d’une carte mentale.
197_Sommaire. Quand des professeur.es de lettres participent à un hackathon. Peut-on repenser la formation des enseignant.es pour favoriser collaboration et créativité ?
Les 12 et 13 octobre, au lycée Les Bruyères à Sotteville-les-Rouen, 40 professeur.es de lettres ont participé à un hackathon. Leur mission : élaborer en équipes un scénario pédagogique original pour engager les élèves dans la lecture au long cours d’une œuvre complexe. Résultats par exemple pour « La Peau de chagrin » : dresser la liste de ses envies pour aborder l’œuvre, matérialiser l’acte de lecture grâce à une création concrète qui s’enrichira au fil de la lecture (un tableau avec les objets à accrocher au fur et à mesure de l’étude), rédiger un magazine dédié au roman, constituer un journal de lecture collaboratif, réaliser une émission radio (lectures, interviews, playlist de Raphaël, café philosophique sur le thème « faire taire le désir est-il possible ?
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut Présentation de l’événement. EAF : Nouveau rebondissement pour l’oral. Nouveau rebondissement dans le feuilleton du « bac de français » : dans certaines académies, on informe que, comme en juin 2021, mais contrairement à ce qui avait été annoncé à la rentrée 2021, « les candidats pourront réglementairement disposer du livre qu’ils auront choisi de présenter lors de la seconde partie de l’oral des épreuves anticipées de français. » Le site lettres de l’académie de Versailles précise : « Le recours ou non au livre, pendant cette seconde partie, est laissé à l’entière discrétion du candidat.
Cette décision ne donnera pas lieu à une réécriture du texte réglementaire. » Cette possibilité offerte va assurément dans le bon sens, mais après de fréquentes modifications (nombre de textes, champ de la question de grammaire, surface de l’œuvre au programme d’Olympe de Gouges), ce nouveau virevoltage ne manque pas de surprendre. Il continue à donner le tournis aux élèves et aux enseignant.es de lettres pour compliquer la préparation à l’EAF. Emilie Gracia : Au web, citoyennes ! Comment éduquer aux réseaux sociaux pour apprendre y exercer sa citoyenneté plutôt que s’y livrer à la haine ?
En 1791, Olympe de Gouges transforme la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » en « Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne ». En 2021, au lycée Ozenne à Toulouse, les 1ères d’Emilie Gracia livrent leur réécriture en amenant l’autrice à exprimer ses valeurs et ses révoltes sur le réseau social Twitter. Le palimpseste d’actualisation favorise l’implication, la compréhension et l’appropriation. Le travail interroge même la nature de l’œuvre d’Olympe de Gouges : comme ses affiches, pétitions ou discours, il s’agit d’un texte politique que le programme de français vient autoritairement intégrer au champ de la littérature, comme pour questionner et déplacer les limites de celles-ci.
Jusqu’à inclure les réseaux sociaux dans le champ de la pédagogie ? M. Hamon et S. Canet : Créer un carnet numérique d’écrivain. On connait le carnet de lecteur, centré sur la réception de l’œuvre : et si on amenait aussi les élèves à créer un carnet d’écrivain, centré sur la production de l’œuvre ? Et si ce carnet d’écrivain trouvait à se déployer sous une forme numérique, multimédia, interactive ? Tel est le doublement beau projet qu’ont mené en 2nde au lycée Livet à Nantes Marianne Hamon, professeure de français, et Sébastien Canet, professeur de technologie. Le travail vient combler un vide de l’histoire littéraire : le carnet de travail de Zola sur le roman « Thérèse Raquin » n’a jamais été retrouvé.
Les élèves entrent alors dans la fabrique du roman pour en développer l’expertise. Le carnet s’enrichit ensuite numériquement jusqu’à devenir l’objet d’une exposition. Florence Lhomme : Quand une œuvre cesse d’être virtuelle. Et si les récentes périodes de travail à distance avaient mis les professeur.es de lettres face à leur défi essentiel : réduire la distance, en particulier entre les élèves et les œuvres littéraires ? Professeure au lycée Gabriel Faure à Foix, Florence Lhomme a relevé ce défi : pendant le confinement, elle a conduit ses 2ndes à produire une fiction sonore d’appropriation de la pièce de Corneille « Rodogune ». D’une « classe virtuelle » à l’autre, les élèves mènent des activités écrites et orales, créatives et collaboratives, pour tisser des monologues rétrospectifs de personnages.
Sarah Pépin-Villar : A l’école théâtrale de la parole. Le numérique peut-il aider à travailler autrement les compétences orales en général et l’approche du texte théâtral en particulier ? Assurément pour Sarah Pépin-Villar qui en exploite bien des capacités au collège Jean-Jacques Rousseau du Pré Saint-Gervais (93), par exemple ici dans le cadre de l’étude en 5ème de la pièce de Molière « Les Fourberies de Scapin » : lecture de répliques en vrac, jeu de rôles par lequel l’élève se fait décorateur-scénographe, jeu de cartes et coffre de mots pour un exercice d’improvisation … Les créations, inspirantes et transférables, sont réalisées sur tablettes et partagées sur un blog. Et si lire le théâtre permettait de donner encore mieux la parole aux élèves ? L’entrée dans l’étude de la pièce de Molière s’est faite par une lecture de répliques variées et décontextualisées : comment déployez-vous cette activité ? Comment exploitez-vous ces 1ères lectures fragmentaires ?
Droits de l’homme : Olympe de Gouges avait raison. Œuvre au programme du français en 1ère, la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », écrite en 1791 par Olympe de Gouges, est une réécriture de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789. Le mot « homme » est-il ici, comme on l’a prétendu, un terme générique désignant l’espèce humaine et incluant les femmes ? Dans son nouvel ouvrage, Eliane Viennot démonte ce mythe en traquant l’étymologie, les définitions, les usages et les instrumentalisations du mot « homme », jusqu’à l’imposture récente de la majuscule. La langue française s’avère à nouveau masculiniste pour contrôler les esprits, la société, les lois. Charlotte Abaziou : A l’écoute de l’adolescence en 5ème. « Racontez au passé un évènement de votre histoire, vécu pendant l’adolescence ou ayant eu un impact sur votre adolescence » : au collège Louis Leprince-Ringuet à Genas, Charlotte Abaziou a amené ses 5èmes à créer collaborativement un podcast sur l’adolescence à la manière d’une émission radio documentaire.
Au menu du projet : activités créatives, lectures, anthologies personnelles de citations, débat, écriture collaborative sur pad, mise en voix, enregistrement numérique … Est-il pertinent d’inviter les élèves à livrer à l’Ecole des choses personnelles en particulier à travers l’intimité de la voix ? Assurément, répondent Charlotte Abaziou et ses élèves : pour faire entendre les « voix des jeunes, dont les discours sont parfois étouffés », pour « oser leur faire confiance sur la qualité de leur écoute, sur leur respect vis-à-vis des expériences vécues par les autres. » Dans quel contexte avez-vous mené ce beau travail ? Ce projet collectif « L’adolescence : La Vie devant soi ?
M. Bantignies et L. Barthélémy : Oser le datawall de lecture. Evaluer en français: Un Guide d’enfermement ? Christiane Chaule : Un projet culturel pour penser l’exil. Céline May-Nocera : Un réseau social de formation en lettres. 196_Sommaire. Thibault Lambert : Prof de francais en classe coopérative. Claire Augé : Cordes vocales et sensibles au lycée. Fabienne Plégat-Soutjis : Cercle vertueux de créativité en cycle 3. A lire : Un éloge paradoxal du « mauvais lecteur » Marie-Claude Pignol : Un commando poétique pour finir l’année en beauté. Deborah Lepoder : Jouer avec la langue au college. Verbatim : Enseigner le français en 2021, un naufrage ?
Françoise Cahen : A la conquête des plateformes d’écriture en ligne. Grégory Devin : Nouveau dictionnaire des idées reçues en 3ème. Gaelle Levesque : Ecrire une série littéraire en 5ème ? Annick Desandère : Voyage interdisciplinaire au centre d’un roman. Témoignages : L’écriture inclusive et les dys. Ecriture inclusive : La circulaire est publiée.
Joachim Arthuys : Vers l’explication collaborative de texte. Explorations d’un genre à risques : le conte. Elodie Lahaye : Et si on réécrivait Maupassant ? Claire Tastet : Transformer la lecture en rencontre. AFEF : Appel à un contrôle continu pour l'EAF. Mensuel 195. Réinterroger l’Idée qu’est la littérature. S. Dudek et A. Rousseau : Un distributeur de textes au CDI. Thibaud Hayette : Un prof de français face à PIX. Séverine Tailhandier : Une agence de casting littéraire au lycée. Nathalie Montassier : Pédagogie de projet par temps d’hybridation. Aurélie de Mattéis : Un escape game pour entrer dans Les Misérables. Mensuel 194. Philippe Maurel : Vers une écriture visuelle d’appropriation ?
Audrey Laurent : Quand les élèves créent un bookflix. Marion Delva : Oser Le Tartuffe en 6ème ! Mélanie Bardot : Faire le procès d’un écrivain ? Claire Tastet : Travailler les Lettres persanes par alternance. Laurel Holloman : Quand les élèves émeuvent l’artiste. Marie Soulié : Enseigner le français en couleurs ?