Le BD reportage et ses maîtres. Les Américains l’appellent « comics journalism » ou « graphic journalism ».
Autrefois, l’expression désignait les spécialistes, les critiques de bandes dessinées, les incollables des phylactères. Depuis une vingtaine d’années, elle s’applique à une nouvelle tribu de reporters qui ont troqué le clavier, l’appareil photo, le micro ou la caméra contre les crayons, les stylos et les encres - surtout noires. Le BD reportage (appelons-le comme ça) a ses héros internationaux : Art Spiegelman, le génie graphique de « Maus », descente hallucinée dans l’enfer des souris déportées et des chats bourreaux d’Auschwitz, et Joe Sacco, Maltais vivant aux Etats-Unis, qui publie avec un grand succès ses reportages puissants et engagés, de la Palestine à la Bosnie.
Du coup, de nombreux journaux états-uniens se sont mis à ouvrir des rubriques dessinées, à l’exemple de The Oregonian et sa « Culture-Pulp », où le dessinateur M.E. BD de reportage, début d’un âge d’or ? Le prix France Info de la BD vient d’être décerné à Christophe Blain pour En cuisine avec Alain Passard, paru chez Gallimard.
Ce prix, qui semble avoir laissé en chemin dans son intitulé sa double distinction « d’actualité et de reportage » originelle, consacre un album qui mélange reportage effectué par au moins l’un des auteurs et écriture BD. Parmi les récipiendaires, Lax, Etienne Davodeau et Joe Sacco l’ont déjà reçu deux fois (et les deux derniers étaient encore dans la sélection 2012) et Christophe Blain était cité pour deux albums, le vainqueur et pour Quai d’Orsay volume 2, excusez du peu. Avant d’ouvrir ce blog voilà bientôt trois ans, je n’étais pas très sensible aux BD qui s’ancraient dans un réel contemporain, à commencer par la production intense des albums qui autopsient la pantomime politique française. Ces deux dernières années la variété des BD de reportage s’est me semble t-il sensiblement élargie et a pris des formes inattendues. Sébastien Naeco. Bande dessinée et documentaire pour raconter le monde.
Mais que lire cet été sur la plage ou au bord de la piscine ?
Le Blog documentaire s’avance ici à une petite suggestion : la BD documentaire. Le genre n’est pas nouveau, mais il connaît aujourd’hui une nouvelle jeunesse. Petit panorama très suggestif réalisé par deux experts très inspirés : Edouard Gasnier, avec Justine Brisson. La BD reportage, une nouvelle façon de témoigner. Depuis deux décennies au moins, la bande dessinée a conquis de nouveaux publics, au-delà des enfants amateurs de séries humoristiques et des adolescents fous de super-héros.
Le cinéma hollywoodien n'est pas étranger à ce regain de popularité, à moins qu'il n'en soit une conséquence : en achetant les catalogues de Marvel ou de DC Comics, les sociétés de production de films se donnent la possibilité de tirer des longs métrages bourrés d'effets spéciaux en ravivant le succès de Hulk, Batman, Spiderman et autre Surfeur d'argent. Les héros européens ne sont pas en reste, comme en témoignent par exemple le récent opus de Spielberg (les aventtures de Tintin), et le passage au cinéma des Schtroumpfs ou d'Astérix.
Et c'est sans parler des héros de mangas qui sont rapidement déclinés en animes : Naruto, Detective Conan et One Piece n'en sont que quelques exemples. L’effet 11 septembre 2001 Bien entendu, montrer la réalité par le dessin ne date pas d'hier. L’image qui vaut mille émotions. BD reportages et documentaires - Sélections BD - Bandes dessinées.
Les journalistes et documentaristes en débattent depuis les origines de leur métier : faut-il s'effacer pour bien informer ?
Peut-on vraiment être neutre et objectif ? Les auteurs de bande dessinée ont tranché ! La "BD reportage" ou "BD documentaire" est née avec des auteurs militants et engagés au coeur des conflits armés et sociétaux et dans l'urgence d'informer...Et comment effacer ses sentiments quand on dessine ? Purement impossible... Qu’est-ce que la BD apporte au reportage ? Pionnier en la matière, Emmanuel Guibert, qui a notamment signé les deux chefs- d'œuvre de La guerre d'Alan et du Photographe, intègre dans ses albums non seulement des photos isolées mais des planches-contacts.
A son origine : une mission photographique effectuée en Afghanistan avec Médecins sans Frontières dès 1986. Dans ses albums, certains clichés apparaissent tantôt encadrés de rouge, tantôt biffés. Le travail de montage (qui fait avancer le récit à coup de va-et-vient entre texte, dessin et photo) complète celui du coloriste (Le Photographe a été créé en collaboration avec le photoreporter Didier Lefèvre et Frédéric Lemercier).
A la fin des années 80, William Klein avait déjà interrogé un tel procédé. Pourquoi diffuser tel cliché plutôt qu'un autre ? Simple rappel : "l'effet de réel" est un choix subjectif. Un précurseur comme Joe Sacco met en avant un dernier point fort. Sortir de sa bulle.