Séries policières : « Morale et fiction sont deux notions distinctes » Tribune.
Elle est à la télévision ce que la petite robe noire est au vestiaire féminin : pratique, passe-partout, la série policière constitue un totem du petit écran, née avec lui et appréciée sur tous les continents pour son efficacité dramatique. Un épisode de série policière dite « procédurale », c’est en effet l’assurance d’un mystère, d’une enquête et d’un dénouement amené par une équipe de professionnels de la loi en moins d’une heure. Plus rapidement assimilable que son équivalent littéraire, ce cocktail de fausses pistes, de sueur et de sang maintient régulièrement les téléspectateurs en haleine depuis des décennies, sans avoir à faire évoluer sa formule en profondeur, et – vertu suprême pour les chaînes privées – se prête volontiers aux coupures publicitaires. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « NYPD Blue » ou les violences de la vie Les griefs sont nombreux. La «fantasy», voyages gonflés aux mythes. Si l’on évoque Dark Crystal, l’Histoire sans fin, Harry Potter, Shrek, Game of Thrones, Bilbo le Hobbit, le Seigneur des anneaux, Eragon ou encore Legend, vous pensez à… des films un peu relou, certes, volontiers grandiloquents, rabâchés dans leur manière, qui sentent le cuir et la fumée, le musc des bêtes et la sueur des personnages, voire l’inverse, dans une concrétion d’iconographie médiévale tirant vers le fantasme et noyée de musiques sursignifiantes, et donc vous pensez à la fantasy, à l’heroic fantasy même, et vous avez de la chance car Arte vous prodigue un long documentaire en deux parties ce week-end sur le sujet, vous allez pouvoir épater votre voisin de plage butor qui se tartine d’huile ambrée façon Musclor.
On ne saura pas trop d’où vient la fantasy ni ce qu’elle veut dire, on se contentera d’un mouvement large pour englober le phénomène : «Depuis la nuit des temps, les humains se racontent des histoires surnaturelles. Mentors Emancipée Les femmes ne sont pas oubliées. Sophie Martin : «Je voulais raconter une histoire et je ne pouvais plus faire un roman» Ils sont rares, les livres où chaque phrase coule comme une évidence.
Classés sans suite est de ceux-là. Chacune de ses formules, des dialogues rapportés, des anecdotes décrites, tombe juste, dans un style direct et limpide. «Je ne propose pas d’énigme à ceux que je rencontre.» Paru cinq jours avant le confinement, signé d’une autrice inconnue, le livre se propose de détailler les amours malheureuses de la narratrice par le menu, en explorant les petites maladresses et les grandes vexations, les hontes bues, le tout enrobé dans une autodérision ravageuse - on rit vraiment en le lisant.
Classés sans suite tient du récit, du journal, cela aurait bien pu être un roman, mais c’est un recueil de poèmes. Libération réserve cet article à ses abonnésPour poursuivre votre lecture, abonnez-vous 1€par mois pendant 3 mois Résiliable à tout moment Vous avez déjà un compte abonné? Je me connecte Guillaume Lecaplain Sophie Martin Classés sans suite Flammarion, 120 pp., 17 €. Les Feuilletons dans la presse. Le XIXe siècle est un moment significatif dans l’évolution de la presse, mais aussi du roman.
Le genre romanesque voit son importance grandir considérablement au fil des années, les sous-genres se préciser et se multiplier, la popularité du roman monter en flèche. Quant à la presse et aux journaux, c’est au XIXe siècle qu’ils prennent une importance et qu’a lieu l’avènement d’un âge dit « médiatique ». Or, ces deux mouvements sont liés : les journaux quotidiens commencent à publier des romans en 1836 – date où paraissent respectivement La Vieille fille de Balzac et La Comtesse de Salibury de Dumas – le but étant notamment de fidéliser le lecteur. Le phénomène prend très rapidement de l’ampleur, donnant lieu à un mode de publication spécifique qui concerne de très nombreux romans. Il s’agit de la publication dite « en feuilleton » c’est-à-dire par tranches quotidiennes, dans une rubrique spécifique appelée « feuilleton » ou « rez-de-chaussée », à savoir la partie inférieure de la page.
Frédéric Boyer : « Qu’est-ce que la fiction, sinon le corps silencieux de nos vies ? » Tribune.
Alors que je devais m’affronter comme éditeur aux questions concernant la vraisemblance d’événements et de personnes « réels » figurant dans un livre, et débattre de la part de fiction à l’œuvre dans un écrit autobiographique, je me suis demandé : « Qu’est-ce que la fiction, sinon le corps silencieux de nos vies ? » On traite avec beaucoup de légèreté, et parfois de mépris, ce désir obscur de certains d’avoir à raconter leur vie. Il s’agit de faire entendre le silence que nous sommes à nous-mêmes et aux autres, à notre propre existence. Et c’est cela la fiction à l’œuvre dans nos vies à raconter. Notre chair et la chair du monde que nous habitons sont faites de fiction. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Controverse autour du livre d’Emmanuel Carrère, « Yoga » J’en veux pour preuve que nous voulons croire en nous, croire en ce monde que nous disons le nôtre.
Demandons-nous d’abord quelle vie tiendrait sans fiction. Ecrire ne se satisfait jamais de ressembler au réel.