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De la dengue à la lutte antivectorielle biologique, Pierre-Alexandre Bliman

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Le virus de la dengue, mais aussi ceux du chikungunya, de la fièvre zika, de la fièvre jaune, sont transmis aux humains par plusieurs espèces de moustiques du genre Aedes.

La fièvre jaune est la plus grave de ces maladies. Elle touche 200.000 personnes par an dans le monde entier, dont 30.000 décèdent. Aucun remède n’est connu, mais un vaccin préventif existe, sûr et efficace (obligatoire par exemple pour voyager en Guyane…).
Pour les autres maladies, il n’existe actuellement aucun vaccin satisfaisant, et aucun remède. La plus répandue est la dengue, avec près de 400 millions de cas annuels, dont 500.000 prennent une forme hémorragique grave, mortelle dans 2,5% des cas. Ainsi, la mortalité de la dengue est bien inférieure à celle de la fièvre jaune, mais l’ordre de grandeur des décès qu’elles provoquent est le même.
Près de 4 milliards de personnes vivent dans des zones où elles risquent d’attraper la dengue. Initialement présente dans les régions tropicales et subtropicales du monde, cette maladie s’étend aux zones tempérées des deux hémisphères, en suivant la lente invasion de ces régions (probablement favorisée par le réchauffement climatique) par l’espèce Aedes albopictus — le fameux moustique tigre, plus résistant au froid que le vecteur « historique » qui peuple les régions tropicales, Aedes ægypti. Non détecté en France métropolitaine avant 2004, le moustique tigre est maintenant considéré comme installé dans 64 de ses départements.
La dengue a touché l’Europe dans le prolongement de cet essor, apportée de zones endémiques par des voyageurs infectés, puis transmise lors d’une piqûre à des moustiques locaux. En 2020, 834 cas de dengue importés ont été confirmés en France métropolitaine, mais aussi 13 cas autochtones.
En l’absence de vaccin, la prévention individuelle contre ces maladies consiste essentiellement en des mesures de protection contre les piqûres. La prévention collective repose sur divers moyens de lutte antivectorielle. Il s’agit en premier lieu de mesures d’éducation sanitaire et de mobilisation sociale destinées à réduire les gîtes de ponte. Par ailleurs, l’usage d’insecticides tend actuellement à diminuer: non seulement l’absence de spécificité de ces produits les rend dangereux à d’autres espèces, mais ils induisent un phénomène de résistance qui réduit leur efficacité.
Des méthodes de lutte biologique, plus spécifiques, sont maintenant étudiées. La plus ancienne est la technique de l’insecte stérile, consistant à lâcher dans la nature de grandes quantités de moustiques mâles élevés en laboratoire, et stérilisés par irradiation dans des installations spécialisées : leur accouplement avec les femelles en liberté a pour effet de réduire la taille de la population sauvage, et de diminuer ainsi la propagation des virus. Une autre méthode, plus récemment conçue, consiste à inoculer ces moustiques avec une bactérie appelée Wolbachia, naturellement présente chez la plupart des arthropodes. Cette bactérie a la propriété remarquable de réduire leur capacité de transmettre la dengue, le zika et le chikungunya à ceux qu’ils piquent. Elle passe de la mère à la progéniture, et c’est en lâchant des moustiques intentionnellement infectés en laboratoire par Wolbachia que l’on compte réaliser sa mise en œuvre. Des essais correspondants commencent à avoir lieu en plusieurs points du globe, y compris en Nouvelle-Calédonie. Les mathématiques appliquées participent à l’analyse qualitative et quantitative de la faisabilité de ces méthodes de lutte contre des infections graves émergeant en Europe.

Inserm - La science pour la santé. Le risque épidémique associé à la dengue est très élevé dans les Antilles françaises.

Inserm - La science pour la santé

Il fait l’objet de mesures spécifiques : programmes de surveillance des populations de moustique, surveillance épidémiologique via la déclaration obligatoire, dispositif d’alerte et de gestion des épidémies de dengue. En France métropolitaine, le moustique Aedes albopictus s'est progressivement disséminé du sud vers le nord depuis 2004. Il est désormais installé dans 33 départements dont le Val de Marne. Il a été intercepté dans 21 autres, dont le Val d’Oise, l’Essonne, la Seine-Saint-Denis et Paris. De par la présence de ce moustique dans ces départements, le risque de déclenchement d’une épidémie à partir de cas importés en métropole est devenu réel. La dengue. Technique de l’insecte stérile, lutte contre les insectes ravageurs à l’aide des techniques nucléaires. La technique de l’insecte stérile, ou TIS, fait partie des méthodes de lutte contre les insectes ravageurs les plus respectueuses de l’environnement.

Technique de l’insecte stérile, lutte contre les insectes ravageurs à l’aide des techniques nucléaires

L’irradiation, par exemple aux rayons gamma ou aux rayons X, est utilisée pour stériliser les insectes élevés en masse, ce qui les empêche de se reproduire sans toutefois les priver de leur compétitivité sexuelle. La TIS ne met en jeu aucun processus transgénique (manipulation génétique). La Convention internationale pour la protection des végétaux classe les insectes stériles dans la catégorie des organismes utiles.

Moustiques vecteurs de maladies. Pour limiter le risque d’importation et d’implantation des maladies dites vectorielles transmises par des moustiques, le ministère chargé de la santé a mis en place un dispositif de surveillance.

Moustiques vecteurs de maladies

Il s’oriente autour de trois grands axes : la détection précoce de la présence de ces moustiques vecteurs, une surveillance des cas humains de maladies qu’ils véhiculent (dengue, chikungunya…) et une sensibilisation des personnes résidant dans les zones où ces moustiques sont présents et actifs. Vous résidez en métropole et vous pensez avoir observé un moustique tigre dans votre commune ?

Chikungunya, dengue et zika - Données de la surveillance renforcée en France métropolitaine en 2019. Du 1er mai au 30 novembre de chaque année, Santé publique France coordonne la surveillance renforcée saisonnière du chikungunya, de la dengue et du Zika dans les départements métropolitains colonisés par le moustique vecteur, Aedes albopictus, en lien avec les ARS concernées (voir dispositif de surveillance et partenaires).

Chikungunya, dengue et zika - Données de la surveillance renforcée en France métropolitaine en 2019

Du 1er mai au 27 novembre 2020, ont été confirmés : 834 cas importés de dengue (dont 64% avaient séjourné en Martinique et 23% en Guadeloupe) ;6 cas importés de chikungunya ; 1 cas importé de Zika. Depuis le début de cette période de surveillance renforcée, six foyers autochtones de dengue ont été identifiés, pour lesquels les investigations épidémiologiques et actions de terrain ont été immédiatement mises en place (lutte antivectorielle notamment) : Wolbachia, une bactérie pour lutter contre la dengue.

Les premiers moustiques porteurs de Wolbachia, une bactérie qui les empêche de transmettre les arbovirus (dengue, Zika, chikungunya…), ont été lâchés ce mercredi 10 juillet 2019 à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre du World Mosquito Program* qui implique les équipes de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie.

Wolbachia, une bactérie pour lutter contre la dengue

L’objectif de ce programme est d’obtenir, par accouplement des moustiques infectés par cette bactérie avec des moustiques sauvages, une population de moustiques Aedes aegypti incapables de transmettre les arbovirus. Pour cela, les chercheurs de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie ont croisé progressivement ces moustiques porteurs de Wolbachia avec des moustiques non porteurs, assurant ainsi la transmission à la descendance.

Les premiers moustiques Aedes aegypti ont été libérés après avoir été infectés par la bactérie « Wolbachia » lors d’une cérémonie qui a eu lieu dans le centre-ville de Nouméa. Autres ressources : quelques articles mathématiques sur le sujet)