« Jusqu'à quand ? » (Frédéric Lordon)
Face à cette réalité, Frédéric Lordon nous livre ses trois thèses qui apparaissent fondamentales. Tout d'abord, il démontre que la concurrence, alliée à la cupidité, est la force par excellence de l'aveuglement du risque et de l'emballement collectif. Les acteurs des marchés financiers recherchent le profit à tout prix quel que soit le niveau de risque. Pour ne pas se faire distancer et atteindre le même niveau de rentabilité que la concurrence, les institutions financières prennent les mêmes risques les concurrents ayant atteint la meilleure rentabilité. En réalité, la concurrence tend à produire de l'homogénéité au détriment de la diversité. Dans la même veine, l'auteur montre que « l'innovation » financière, bien loin d'apporter un quelconque progrès, correspond en réalité à un déni des risques qui favorise leur accumulation. La dernière thèse de Frédéric Lordon est que la mesure du risque ex-ante est impossible.
01/ FRÉDÉRIC LORDON, « VIVE LA LOI EL KHOMRI ! »
Cette loi on s’en fout, dit LORDON, dans une très chaude ambiance, « mais il nous manquait réellement quelque chose pour faire précipiter à grande échelle tout ce qui est en suspension depuis si longtemps. » Nous ne revendiquons rien, « revendiquer c’est déjà s’être soumis, revendiquer c’est s’adresser à une puissance tutélaire aimable, un débonnaire bienfaiteur. Les enfants réclament, grandis, ils revendiquent. » « Qui a besoin de qui ? Un reportage radio d’Anaëlle Verzaux [15’28]. Télécharger le MP3- Écouter dans une nouvelle fenêtre - Marie GALL attend vos messages sur le répondeur de Là-bas si j’y suis au 01 85 08 37 37 reportage : Anaëlle VERZAUX réalisation : Jérôme CHELIUS préparation : Jonathan DUONG (Vous pouvez podcaster ce reportage en vous rendant dans la rubrique "Mon compte", en haut à droite de cette page.)
Le complotiste de l’Élysée, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 2 février 2019)
On peut tenir pour l’un des symptômes les plus caractéristiques des crises organiques l’emballement des événements, et la survenue à haute fréquence de faits ou de déclarations parfaitement renversants. En moins de vingt-quatre heures, nous aurons eu les enregistrements Benalla, aussitôt enchaînés avec une rafale de propos à demi-« off » signés Macron, et la mesure du dérèglement général est donnée à ceci que, dans la compétition des deux, c’est Benalla qui fait figure de gnome. En fait, on n’arrive plus à suivre. Lire aussi Mathias Reymond, « Ils l’ont tant aimé », Le Monde diplomatique, février 2019. Il le faut pourtant, car tout est magnifique. Macron en « off », c’est chatoyant. Avec « Jojo » déjà, il y avait de quoi faire — un hashtag #JeSuisJojo par exemple ? C’est tellement ahurissant qu’on est presque obligé de se demander s’il n’y a pas quelque part de malignité chez les scribes du Point. Qui s’étonnera, en tout cas, que la stratégie RT rentre comme dans du beurre ?
Le capitalisme ne rendra pas les clés gentiment, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 22 novembre 2019)
Vous vous dites « à contresens de (votre) époque ». Vous mobilisez en effet un quatuor qui n’a plus très bonne presse à gauche : Lénine, Trotsky, dictature du prolétariat et grand soir. Quand l’idéal de « démocratie directe horizontale » s’impose avec force, pourquoi cette résurrection ? Par enchaînement logique. Un spectre hante votre livre : « combien ». C’est la question décisive. Ce nombre serait, au lendemain de la révolution, « le seul antidote au déchaînement » capitaliste. J’allais dire que c’est l’écart entre une condition nécessaire et une condition suffisante. Au titan (le capital), vous assurez qu’il faut opposer un géant (les masses). « Rupture globale ou (…) rien », résumez-vous. Je ne dirais pas ça — « entre-deux ». Vous rappelez que l’écrasement de Kronstadt par les bolcheviks a marqué « un coup d’arrêt » démocratique. Oui, il y était. Il y a dans vos pages un souci de l’homme ordinaire — de « la gente común », diraient les zapatistes. Même pas d’une.
Charlot ministre de la vérité, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 22 février 2017)
Admettons-le : au début on n’a pas voulu y croire. Lorsque le 3 janvier on a entendu Samuel Laurent, « décodeur » en chef au Monde, annoncer « une innovation technologique (1) » conçue pour défaire la post-vérité, on s’est dit que c’était trop beau pour être vrai. Mais l’époque dispense sans compter, et il faut désormais tenir pour acquis qu’elle est capable de tout. La suite a prouvé combien. Il y a d’abord ce nom grotesque, Decodex, qui fait surtout penser aux collants bleus de Fantômas ou bien au manteau noir de Judex — et donne irrésistiblement envie d’avoir accès aux minutes du brainstorming, qu’on imagine quelque part entre Veritator, Orthofact et Rectifias. Il y a surtout une trouvaille dont on ne sait plus s’il faut l’assimiler au geste d’une performance artistique ou au comique du cinéma muet. L’hôpital, la charité Pour son malheur en effet, il n’est pas une de ses phrases qui ne puisse aussitôt lui être retournée. Quand les autorités ne font plus autorité Normalisation de fer
Paniques anticomplotistes, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 25 novembre 2020)
Si Hold-up n’avait pas existé, les anticomplotistes l’auraient inventé. C’est le produit parfait, le bloc de complotisme-étalon en platine iridié, déposé au Pavillon de Breteuil à Sèvres. De très belles trouvailles, des intervenants dont certains ont passé le 38e parallèle comme des chefs : une bénédiction. Altérée cependant parce que, certes, on est content d’avoir raison et d’être la rationalité incarnée, mais quand même l’époque est sombre et on rit moins. La Terre plate et la Lune creuse, on veut bien, ça c’est vraiment drôle, mais QAnon beaucoup moins, ça fait de la politique, le cas échéant ça prend des armes ; aux fusils près et du train où vont les choses on pourrait bientôt avoir les mêmes à la maison. D’ailleurs, on commence à les avoir. D’une forme à l’autre (mais la même) Lire aussi Serge Halimi, « Dès maintenant ! Complotistes ou décrypteurs ? Mais les médias ont passé ce point d’inquiétude où l’on sent bien qu’on ne peut plus se contenter de la stigmatisation des cinglés.