Enquête. Ce que veut vraiment l’Etat islamique | Courrier International Cette grande enquête publiée dans The Atlantic offre un éclairage sans précédent sur les objectifs et les fondements idéologiques de Daech. Soutenant la thèse selon laquelle l’organisation se définit essentiellement par sa lecture littérale du Coran, elle a suscité de nombreuses réactions. En voici, en exclusivité, l’essentiel. Qu’est-ce que l’Etat islamique [EI, Daech en arabe] ? L’organisation s’est emparée de Mossoul, en Irak, en juin 2014 et règne déjà sur une zone plus vaste que le Royaume-Uni. Nos lacunes sur l’EI sont d’une certaine façon compréhensibles : l’organisation a fondé un royaume isolé et peu de gens en sont revenus. Nous avons mal compris la nature de l’EI pour deux raisons. Oussama Ben Laden considérait le terrorisme comme un prologue au califat, qu’il ne pensait pas connaître de son vivant. En second lieu, nous avons été induits en erreur à cause d’une campagne bien intentionnée mais de mauvaise foi visant à nier la nature religieuse médiévale de l’EI. I. II. III.
Ces (nombreux) pays que l'existence de Daech arrange bien Olivier Roy, spécialiste de l'islam et fin connaisseur du djihadisme, est professeur à l'Institut universitaire européen de Florence. Il est notamment l'auteur de "La Peur de l'islam" (L'Aube, 2015) et de "L'échec de l'Islam politique" (Points, 2015). Comment peut-on lutter efficacement contre Daech ? - La question de la lutte contre Daech est rendue plus complexe du fait que certains acteurs dans la région n'ont pas intérêt à le voir disparaître. En Irak, les tribus sunnites ont eu recours à Daech pour se protéger des exactions des milices chiites ; les chiites d'Irak, eux, ne veulent pas prendre Falloujah ou Mossoul. Donc aucun acteur régional n'est prêt à en découdre au sol pour reprendre les terres sunnites de Daech ? - Non. La France, peut-être elle seule, voudrait éradiquer Daech. Bloqué au Moyen-Orient, Daech se lance donc dans une fuite en avant : le terrorisme globalisé. Propos recueillis par Sara Daniel et Marie Lemonnier
De la terreur au terrorisme Renaud Ego : Le mot “terrorisme” désigne une action politique violente menée par des individus ou des organisations qui contestent aux Etats ce monopole de la violence légitime sur lequel ils fondent leur autorité. Mais existe-t-il une qualification juridique du terrorisme ? Antoine Garapon : Il en existe une, mais qui ne fait pas consensus. Le terrorisme est une action politique qui, pour consacrer ses revendications, utilise la terreur comme moyen de pression sur les populations civiles. Cette définition ne repose pas sur les moyens “directs”, comme on le dirait en droit (poser des bombes, tuer…), mais sur l’effet qui en est attendu – terroriser les populations civiles afin de modifier des comportements. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A. R. A.
Le juge Marc Trévidic - "On manque d'hommes pour neutraliser les terroristes" Pendant dix ans, il a animé le Pôle judiciaire antiterroriste. Forcé de quitter ses fonctions en pleine tempête pour devenir vice-Président du tribunal de grande instance de Lille, Marc Trévidic nous avait longuement parlé, en septembre dernier. Son cri d'alarme a malheureusement trouvé un écho vendredi soir avec une série d'attentats sans précédent à Paris. Paris Match. Pourquoi un constat si alarmant ? Disposez-vous d'éléments indiquant qu'on se dirige vers ce type d'actions d'envergure ? "L'EI a recruté plus de membres qu'Al Qaïda en quinze ans" Comment en est-on arrivé là ? Il y a aussi des raisons politiques, idéologiques ? Ce n'est plus le cas aujourd'hui ? "Les Kouachi n'étaient pas partis pour une opération suicide !" Et le dispositif Sentinelle, qui mobilise des milliers d'hommes pour protéger des lieux symboliques, des sites sensibles, il n'est pas efficace? Que penser, alors, de la nouvelle stratégie française ? Marc Trévidic répond aux questions de Frédéric Helbert
Aux origines de Daech : la guerre du pétrole La France peut-elle continuer de signer des contrats avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, alors que ces deux pays ont contribué à fabriquer Daech contre lequel nous sommes aujourd’hui en "guerre" ? Comme le démontre notre enquête, le rôle joué par ses deux pays est en effet plus que trouble. L'influence de l'Arabie Saoudite et du Qatar Lors du renversement de Saddam Hussein, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont les intérêts divergent souvent par ailleurs, se rejoingent dans la crainte commune de voir se dessiner un croissant chiite aux frontières de leurs pays sunnites. Ils regardent donc favorablement le développement des groupes djihadistes sunnites, sur un terreau alimenté par la déliquescence de l’Etat Irakien, une corruption endémique, et une haine profonde des chiites et des occidentaux. De cette jungle émergeront des groupes djihadistes dont il existe aujourd’hui deux principales composantes : Al Nosra, et Daech. Des enjeux économiques à l'origine de la montée en puissance de Daech
DROIT PUBLIC NET, Pr. Pascal JAN Afin de "sécuriser" les prochaines échéances électorales de 2017, le Président a souhaité une nouvelle prorogation de l’état d’urgence en décembre 2016. C’est la cinquième prorogation compte tenu de l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public au sens de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Le bilan établi par l’exposé des motifs du projet de loi s’établit comme suit depuis un an : Au " 10 novembre 2016, 543 perquisitions administratives ont été réalisées depuis le 21 juillet 2016. Ces perquisitions ont donné lieu à 91 interpellations et 64 gardes à vue. Depuis le 14 novembre 2015 et à la date du 14 novembre 2016, sur l’ensemble des perquisitions administratives pratiquées dans le cadre de l’état d’urgence, soit plus de 4000, 653 d’entre elles ont abouti à l’ouverture d’une procédure judiciaire, tous chefs infractionnels confondus. Article 2 Article 3 Avis du Conseil d’Etat La loi de 1955 L’état d’urgence, régime et applications
S'associer à la douleur, penser l'avenir Paris, le 16 novembre 2015 — La Quadrature du Net s'associe au deuil et à la tristesse des Français et du monde après les attentats de vendredi 13 novembre à Paris et Saint-Denis, et réaffirme sa volonté de contribuer à des réponses politiques prenant la mesure de ce qui nous a conduit à ce drame. Vendredi 13 novembre, des actes criminels d'une violence inouïe ont frappé Paris et la France, touchant au cœur la société française. Le Conseil d'orientation stratégique et l'équipe opérationnelle de La Quadrature du Net présentent leurs condoléances aux proches des victimes et font part de leur profonde tristesse. À l'évidence, la France n'est plus épargnée par les massacres qui se déroulent quotidiennement dans de nombreuses parties du monde, et notamment au Moyen-Orient. Devant un tel drame, nous devons regarder en face la réalité et ne pas avoir peur de rechercher les causes complexes qui sont à l'origine de ces événements. En un mot, nous en appelons à plus de démocratie.
J’ai été otage de l’État islamique. Daesh craint plus notre unité que nos frappes aériennes | Nicolas Hénin En tant que français et fier de l’être, je suis bouleversé, comme tout le monde, par les événements de Paris. Mais je ne suis ni surpris, ni incrédule. Je connais l’État islamique dont j’ai été l’otage pendant dix mois et j’ai une certitude : notre douleur, notre tristesse, nos espoirs, nos vies ne les touchent pas. Leur monde est à part. La plupart des gens ne connaissent les djihadistes de l’État islamique qu’à travers leurs documents de propagande. Il m’arrive encore maintenant de parler à certains d’entre eux sur les réseaux sociaux, et je peux vous dire que l’idée que vous vous faites d’eux est pour l’essentiel le résultat d’une campagne de marketing et de relations publiques. Tous les otages décapités l’an dernier étaient mes compagnons de cellule. Ils procédaient à des simulacres d’exécution. Ils riaient et j’ai joué le jeu en hurlant, mais ce n’était pour eux qu’un amusement. J’ai été réellement impressionné par leur niveau de connexion technologique. Pourquoi la France ?
Moyen-Orient. D’où viennent les armes de l’Etat islamique La découverte d’un fusil d’assaut de fabrication chinoise dans l’arsenal de l’organisation Etat islamique début 2015 avait relancé le débat sur le commerce des armes au Moyen-Orient. Les grands pays exportateurs d’armes, à commencer par les Etats-Unis, ne peuvent plus fermer les yeux sur cette question. Fin février, un chercheur de la société britannique Conflict Armament Research, spécialisée dans l’inventaire des armes de guerre, a fait une découverte étonnante. En mission à Kobané – ville du nord de la Syrie, théâtre des combats des forces kurdes contre l’organisation Etat islamique [(EI) ou son acronyme arabe Daech] pendant plusieurs mois –, il a mené une enquête à partir d’un fusil d’assaut ayant appartenu à un combattant de Daech. L’arme dont le numéro de série avait été effacé ressemblait en tout point à un M-16, le fameux fusil d’assaut de l’armée américaine en circulation dans la région. Lucie Geffroy
No Piers Morgan. This is how to destroy the Islamic State Yesterday, in the Daily Mail, Piers Morgan wrote about his “uncontrollable rage” at watching the video of the Jordanian pilot, Muaz al-Kasasbeh, being burned alive in a cage by the Islamic State. “If any Muslim remains in any doubt as to whether this is the right time to stand up and cry ‘NOT IN MY NAME OR MY RELIGION!’ then I suggest they too watch the video of Lieutenant al-Kasabeh [sic] being burned alive. He could be YOU. This is YOUR war.” Pathetically, neither he nor the Mail’s copyeditors could even be bothered to spell al-Kasasbeh’s name properly. “Any Muslim who won’t stand up to these barbarians,” screamed his headline, “must watch it too.” Morgan went on to compare IS to Nazis due to their aspirations to exterminate “large numbers” of people, pursue “power through death and mayhem”, and inflict “physical and mental torture and murder so depraved that it defies belief or reasoned understanding.” What role religion? This is precisely the path we appear to be on. Terror’s infrastructure
Vos guerres, nos morts Ce sont les nôtres qui sont morts la nuit dernière. À la terrasse d’un restaurant, dans un bar, dans la rue, dans une salle de concert. Morts parce que des assassins ont décidé de frapper en plein Paris et de tirer dans la foule, avec pour objectif de faire le plus de victimes possible. 11h30. Sarkozy vient de déclarer : « Nous sommes en guerre ». Pour une fois je suis d’accord avec lui. Vous êtes en guerre, vous les Sarkozy, Hollande, Valls, Cameron, Netanyahou, Obama. Et vous nous avez entrainés là-dedans, sans nous demander notre avis. Afghanistan, Iraq, Libye, Mali, Syrie… Nous n’avons pas toujours été très nombreux à protester. Car la guerre n’a pas commencé hier soir. L’une des causes de la sidération qui a touché de larges secteurs de la population, y compris les cercles militants, est la (re-)découverte de cette vérité : oui, la France est en guerre. Contre qui la France est-elle en guerre ? Voilà près de 14 ans que la France était en guerre sans l’assumer. 12h. Aveuglément ? 13h.
« Pour les désespérés, l’islamisme radical est un produit excitant » LE MONDE CULTURE ET IDEES | • Mis à jour le | Propos recueillis par Soren Seelow Cet entretien a été réalisé avant les attentats qui ont touché Paris et Saint-Denis vendredi 13 novembre. Professeur de psychopathologie à l’université Paris-Diderot, dont il dirige l’UFR Etudes psychanalytiques, Fethi Benslama s’intéresse au fait religieux depuis les années 1980. Son premier essai sur la fondation subjective de l’islam sort en 1988 (La Nuit brisée, Ramsay), quelques mois avant l’affaire Salman Rushdie, dont il prendra la défense à la suite de la fatwa le condamnant à mort. Son dernier livre en date est La Guerre des subjectivités en islam (Lignes, 2014). En quoi la psychanalyse aide-t-elle à penser le succès de l’islamisme auprès d’une partie de la jeunesse ? Le phénomène de la radicalité a pris une telle dimension qu’elle nécessite une intelligibilité au croisement du politique, de l’histoire et de la clinique. Que se passe-t-il lorsqu’un jeune rencontre cet « idéal total » ?