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Etat d'urgence, ce que nous pouvons, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 30 novembre 2015)

Etat d'urgence, ce que nous pouvons, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 30 novembre 2015)
S’il existait quelque chose comme une jauge de la faute et de la vertu des peuples, on pourrait dire que le corps social n’a jamais que « ce qu’il mérite ». Mais rien de tel n’existe sauf dans la vision moraliste du monde qui passe tout au tamis du jugement et de la rétribution. Nous avons cependant le recours de dire autre chose : de dire que le corps social fait, à chaque instant, la démonstration en actes de ce qu’il peut — de son degré de puissance. Ça n’est donc plus une question de jugement, c’est une question de mesure. Voir le dossier « Dans l’engrenage de la terreur », Le Monde diplomatique, décembre 2015.Dans ces conditions, il n’y a plus qu’à arpenter. Au fond de la dépossession, les citoyens protesteront qu’« ils n’y peuvent rien ». La rupture avec la pensée morale ne se fait complètement qu’à la condition de ne plus dire que nous sommes « individuellement responsables », et de substituer à ce type de jugement culpabilisateur la mesure de notre impuissance collective. Related:  Sujets de sociétéPolitique

Laïcité, le triomphe de l’équivoque, par Eddy Khaldi Pierre angulaire du modèle républicain, la laïcité fait aujourd’hui l’objet d’un unanimisme trompeur. Cette récupération du mot participe d’une dénaturation du concept, lequel revêt dorénavant des sens très divers, et parfois antinomiques. Dans une attitude de façade, l’extrême droite et la droite concentrent leurs feux sur l’islam, avec des arrière-pensées évidentes : « Je veux bien qu’on se cache derrière son petit doigt, mais les violations de la laïcité sont effectuées par un certain nombre de groupes politico-religieux musulmans, qui cherchent à imposer des lois religieuses au détriment des lois de la République. C’est pour cela que la laïcité s’affaisse », déclarait ainsi la présidente du Front national, Mme Marine Le Pen, le 3 avril 2011 (1). Dans le domaine institutionnel, l’offensive menée sur le terrain de l’école par l’Eglise catholique, avec l’appui d’élus locaux ou nationaux, de gauche comme de droite, favorise la remise en cause de la neutralité de l’Etat. Nouvelles cibles

Mélenchon et Le Pen côte à côte à l'hommage national : fourberie de Hollande et déliquescence du système médiatique. Le vendredi 28 novembre aux alentours de 16h00, quatre heures après avoir assisté à l’hommage national aux Invalides, Jean-Luc Mélenchon publie un tweet : « Attention particulière de la présidence : me placer à côté de Le Pen aux Invalides. Misérable. ». Immédiatement, ce tweet est partagé, analysé, commenté par toute la presse politique (et même non politique puisque on a pu voir des articles jusque dans Closer). Globalement, une même lecture des évènements : « un jour d’hommage national, quand même, c’est honteux de faire un tweet pareil ». Mais l’est-ce vraiment ? En ce jour d’hommage national aux victimes, de nombreux élus de la République étaient rassemblés dans la cour des Invalides. Évidemment, cela ne tient pas debout pour qui connaît son alphabet par cœur puisque Jean-Luc Mélenchon était placé à côté de Nicolas Bay, lui-même placé à côté de Marine Le Pen, elle-même placée à côté de Florian Philippot. Pourquoi ? Mais ce n’est pas le pire.

L'énigme des enfants précoces bientôt résolue Dans le langage courant, on les appelle « surdoués » ou « élèves précoces ». Les spécialistes préfèrent désormais les qualifier d’enfants à haut potentiel (HP). Leur point commun est d’avoir un QI supérieur ou égal à 130. Mais sur le plan scolaire, leur réussite varie fortement. Quand certains obtiennent le bac à 14 ans, d’autres redoublent. Pour la première fois, une équipe de scientifiques lyonnais a voulu résoudre cette énigme. Fanny Nusbaum, Olivier Revol et Dominic Sappey-Marinier, rapport du rectorat de l’académie de Lyon à la commission chargée de la prise en charge des enfants à haut potentiel à l’école, 2015.

Ce que s’abstenir veut dire, par Céline Braconnier & Jean-Yves Dormagen (Le Monde diplomatique, mai 2014) En France, les dernières élections municipales, les 23 et 30 mars 2014, ont suscité un déluge de commentaires sur la montée de l’extrême droite. Certains sont allés jusqu’à y voir un quasi-plébiscite local en faveur du Front national (FN). Ce flot de déclarations, d’articles et de reportages télévisés contraste avec ce qui constitue la donnée majeure du scrutin, et plus généralement de tous les scrutins depuis trente ans : le taux record d’abstention, dont l’étude précise conduit à nuancer les analyses produites à chaud. Si la progression du FN par rapport aux municipales de 2008 est incontestable, elle n’en demeure pas moins contenue. Même chose s’agissant de la « vague bleue ». Depuis près de trente ans, à chaque consultation, l’abstention bat un nouveau record. Le problème s’avère d’autant plus sérieux que cette minorité votante n’est pas représentative, socialement et politiquement, du corps électoral dans son ensemble. Un maire désigné par 12 % de la population

École privée ou publique ? Une bobo face à ses contradictions Delphine est bobo, blanche, diplômée. Elle habite un quartier de Paris où vivent des Noirs, des Arabes, des Asiatiques. Elle est de gauche, généreuse, pour la diversité et la mixité sociale. Mais quand ses filles ont l’âge d’aller à l’école, elle se trouve placée devant ses contradictions. Car « l’école publique, c’est pour les pauvres », lui résume une amie d’origine étrangère, qui a mis ses deux gamines dans le privé. « Liberté, égalité, fraternité » sur le fronton d’une école publique parisienne - STEPHANE DE SAKUTIN/AFP Un récit à la première personne, honnête et lucide, qui chronique les contradictions de la classe privilégiée et politisée. Chaque matin, comme tous les parents du quartier, Delphine emmène ses filles à l’école. « Il y a les gens des tours HLM, les pères en costume-cravate, les petits commerçants. » Mais vient un moment où le flot des gamins se divise : ceux qui vont à l’école privée et ceux qui vont à l’école publique. « Il y a un tri social et ethnique implacable. »

Le Front national verrouille l’ordre social, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, janvier 2016) Tout profite à l’extrême droite française : une économie en panne, un chômage dont la courbe s’envole au lieu de s’inverser, la hantise du déclassement et de la précarité, une protection sociale et des services publics menacés, un « projet européen » aussi savoureux qu’une gorgée d’huile de ricin, une vague migratoire que gonfle le chaos de plusieurs Etats arabes, des attentats de masse dont les auteurs se réclament de l’islam… Sans oublier, depuis près de trente ans, un Parti socialiste qui partage avec la droite à la fois la responsabilité de politiques néolibérales désormais cadenassées par les traités européens et le projet de se maintenir indéfiniment au pouvoir (ou, pour la droite, d’y revenir) en se présentant, élection après élection, comme le barrage ultime contre le Front national (FN). Evincé du second tour de l’élection présidentielle par M. Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002, le premier ministre Lionel Jospin parlait déjà ce soir-là d’un « coup de tonnerre ».

Michel Serres - L'innovation et le numérique - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne La révolution numérique en cours aura selon Michel Serres des effets au moins aussi considérables qu’en leur temps l’invention de l’écriture puis celle de l’imprimerie. Les notions de temps et d’espace en sont totalement transformées. Les façons d’accéder à la connaissance profondément modifiées. A cet égard, chaque grande rupture dans l’histoire de l’humanité conduit à priver l’homme de facultés ("l’homme perd") mais chaque révolution lui en apporte de nouvelles ("l’homme gagne"). Michel Serres, de l'Académie française, a prononcé cette conférence inaugurale le 29 janvier 2013 pour le lancement officiel du Programme Paris Nouveaux Mondes, l'Initiative d'excellence du Pôle de recherche et d'enseignement supérieur "hautes études, Sorbonne, arts et métiers"(Pres héSam).

Google choisira-t-il le prochain président des États-Unis ? Jusqu’où s’étendra le pouvoir du moteur de recherche Google ? Alors que le prochain président des États-Unis sera élu dans un an, deux chercheurs en psychologie révèlent que l’algorithme utilisé pour classer les résultats de recherche peut influencer le vote d’au moins 20 % des indécis (et dans certains groupes démographiques cette part peut monter jusqu’à 80 %). « L’effet de manipulation du moteur de recherche représente une sérieuse menace pour la démocratie », alerte Robert Epstein, l’un des auteurs. Pour aboutir à cette conclusion, cinq expérimentations ont été menées auprès de 4 500 personnes à la suite d’élections en Inde et aux États-Unis. Les chercheurs ont mis au point un moteur comparable à Google avec 30 résultats pour chaque élection. Robert Epstein et Ronald Robertson, « The search engine manipulation effect (SEME) and its possible impact on the outcomes of elections », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol.

Comment "les médiocres ont pris le pouvoir" “Les médiocres sont de retour dans la vallée fertile”, déclarait aux Inrocks le journaliste Daniel Mermet lors de son éviction de France Inter, en juin 2014. Le philosophe Alain Deneault, considérant la conjoncture globale, va plus loin : “Il n’y a eu aucune prise de la Bastille, rien de comparable à l’incendie du Reichstag, et L’Aurore n’a encore tiré aucun coup de feu. Pourtant, l’assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir”. Comment les médiocres ont-ils pris le pouvoir selon vous ? Alain Deneault – La généalogie de cette prise de pouvoir a deux branches. L’autre versant de cette prise de pouvoir réside dans la transformation de la politique en culture de la gestion. Ces deux phénomènes ont amené des penseurs au XXe siècle à constater que la médiocrité n’était plus une affaire marginale, qui concernait des gens peu futés qui arrivaient à se rendre utiles, mais qu’elle faisait désormais système. Je n’irai pas jusque-là.

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