Maria Candea : « Le langage est politique »
08 septembre 2017 Entretien inédit pour le site de Ballast Maria Candea est enseignante-chercheuse en linguistique et sociolinguistique à l’université de Paris 3 (Sorbonne Nouvelle) et membre du comité de rédaction de la revue électronique GLAD ! Les membres de l’Académie française ont rendu hommage à Simone Veil, en parlant de leur « confrère décédée ». Cette sortie n’a pas relancé les débats sur la féminisation, contrairement au fameux « Madame le Président » lancé à l’Assemblée nationale, en 2014, à Sandrine Mazetier… « J’en veux à l’Académie française de diffuser ces messages sexistes, conservateurs, réactionnaires. » Ce n’est pas un sujet nouveau. Vous avez co-écrit un ouvrage, L’Académie contre la langue française, qui est une attaque en règle contre l’Académie, son ignorance et ses nuisances. Alors, haine… Oui, si quand même, c’est de la haine ! © Stéphane Burlot C’est un point qui a notamment été étudié par Daniel Garcia. Oui.
Pourquoi peut-on être féministe et dénoncer les arrêtés anti-burkinis ?
Plusieurs communes du sud de la France ont adopté cet été des arrêtés interdisant l’accès aux plages “à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime“. Si le vêtement n’est pas explicitement nommé, c’est bien lui qui est visé : le burkini, mot-valise formé de “burka” et “bikini” désignant une combinaison de bain intégrale musulmane. Interrogé par Nice Matin, le maire de Cannes, David Lisnard, qui a pris un arrêté de ce type, expliquait ne pas interdire “le voile, ni la kippa, ni les croix“, mais “simplement un uniforme qui est le symbole de l’extrémisme islamiste”. “Des actes d’humiliation sur fond de racisme et de sexisme” Deux jours plus tôt, Caroline De Haas, présidente d’Osez le féminisme, tweetait les fameuses photos du Daily Mail : Quand les Femen dénoncent les arrêtés anti-burkinis
Pour l'Académie française, l'écriture inclusive annonce la fin du monde
L’Académie française n’en est pas à son coup d’essai : depuis la mise en place, en 1984, de la commission Roudy-Groult ayant pour mission d’améliorer la terminologie relative au vocabulaire concernant les activités des femmes, la croisade que l’institution mène contre la « féminisation » du français n’a jamais vraiment cessé. Sa dernière déclaration, adoptée jeudi, est une belle illustration de surenchère communicante, avec une accumulation de vocabulaire et de tournures syntaxiques marquant la gravité solennelle de la situation. Les termes sont particulièrement tranchés : qualifiant l’écriture inclusive d’« aberration », l’Académie affirme que « la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures ». Repentissez-vous et faites vos prières, la fin du monde est proche ! Mais au fait, l’Académie française, c’est quoi ? En réalité, un petit détour historique nuance largement ce tableau.
Les attributs du pouvoir et leur confiscation aux femmes. Le genre et l’espace. – Sexisme et Sciences humaines – Féminisme
Partie 1 : l’occupation de l’espacePartie 2 : le temps de parole et le choix des sujets de conversationPartie 3 : l’expression de la colère Dans cette nouvelle série d’articles, nous nous intéresserons à différents comportements qui sont typiques des dominants (occuper beaucoup d’espace, avoir beaucoup de temps de parole et parler fort, exprimer certaines émotions comme la colère…). Nous verrons également qu’il est considéré comme peu convenable pour une femme de les arborer. Brigitte Laloupe aborde ce thème dans son livre « Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ». Cela m’a passionnée et j’ai voulu approfondir ce point. Les dominants ont droit à plus d’espace1. Plus précisément, l’espace personnel des dominants est plus grand2. En corrélation avec un plus grand espace personnel, les dominants ont tendance à occuper plus d’espace avec leur corps. L’utilisation de l’espace est donc un très bon indicateur de statut social. Cette socialisation se poursuit à l’adolescence. 1.
Le mythe de la virilité
Olivia Gazalé vient nous expliquer pourquoi elle aspire à une refondation de l'identité masculine, à l'occasion de la parution de son livre Le mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes. Lectures Ovide, Amours, Livre 3, Elégie VII, in Œuvres Complètes, Trad. M. Nisard, Firmin Didot Frères et Fils, 1869, par Georges Claisse Je l'ai tenue dans mes bras, et je suis resté impuissant ; honte à moi ! Quelle sera donc ma vieillesse, si j'y parviens jamais, quand ma jeunesse me fait ainsi défaut ? Extraits cinématographiques La Cage aux folles, réalisé par Edouard Molinaro, 1978 Scarface, réalisé par Brian de Palma, 1983 Musiques Baert Kaempfert, Twilight time Fréhel, C’est un mâle Muddy Waters, _Mannish boy Mahler, Symphonie n°5
Grande traversée : Women's power, les nouveaux féminismes : podcast et réécoute sur France Culture
Elles sont filles d'Olympe de Gouge et d'Angela Davis, de Simone de Beauvoir, de Judith Butler, de Virginia Woolf ou d'Audre Lorde. Depuis la révolution française, leurs aînées ont conquis peu à peu des fonctions qui furent longtemps réservées aux hommes, puis le droit à disposer de leur corps. Pourtant, en 2016, les femmes gagnent moins que les hommes et réalisent la majorité des tâches domestiques, avorter est encore tabou, la révolution sexuelle n'a pas aboutie, l'hétérosexualité reste la norme et tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Dans la sphère privée et dans la sphère publique les rapports entre hommes et femmes sont toujours inégalitaires. Les réformistes proposent de changer les lois. Cette grande traversée vous propose d'écouter la diversité du mouvement féministe. Charlotte Bienaimé est documentariste à France Culture. (Ré)écoutez les séries Nasawiyat 2014 et Nasawiyat 2015 Illustration : imakegirls En partenariat avec Grazia
Françoise Héritier : « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible »
L’ethnologue et anthropologue n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin. Quelques jours avant sa mort, elle s’était confiée à « La Matinale du Monde » sur son long parcours. LE MONDE | 05.11.2017 à 06h42 • Mis à jour le 30.11.2017 à 14h45 | Propos recueillis par Annick Cojean Je ne serais pas arrivée là si… Si je n’avais pas éprouvé une curiosité intense en entendant des camarades étudiants en philosophie me parler d’un séminaire absolument « exceptionnel » fait par un professeur dont je n’avais jamais entendu le nom et qui s’appelait Claude Lévi-Strauss. J’avais 20 ans, j’étudiais l’histoire-géographie, et leur enthousiasme était tel qu’il fallait que j’entende, de mes propres oreilles, ce qui se passait dans ce cours de l’Ecole pratique donné à la Sorbonne. De quoi traitait donc ce séminaire ? De la « parenté à plaisanterie » à Fidji. J’ai suivi la première année de cours avec passion. De nature à vous faire changer d’orientation ? Oh oui !
Ce monde sexiste m'épuise
C’était une matinée absolument étouffante. Derrière la vitre du bus qui me ramenait de Lille à Paris, bouffée par le mal de mer, je me retenais de rendre mon absence de petit déj’. À côté de moi, un gars matait mes cuisses en me codant en morse avec ses paupières « Grosse pute » ou quelque chose d’approchant. Hésitant à me délivrer de mon mal des transports directement sur son jean, je me suis contenue et je suis sortie, titubante, pour longer les quais de Seine et marcher un peu. Je me suis subitement retrouvée morte de jalousie : j’aurais fait n’importe quoi pour virer ce gros pull qui m’avait bien servi dans le bus de nuit mais qui maintenant me rendait dingue. Ce jour-là, j’ai été prise d’une rage rare pour mon caractère doux : j’en ai eu marre. J’en ai marre de m’expliquer Aujourd’hui je veux que l’exigence de pédagogie change de camp. J’en ai marre de m’excuser Aujourd’hui je veux que les excuses changent de camp. J’en ai marre d’attendre