Aux origines du genre (3): avant le genre J’ai pour l’instant parlé de la naissance du concept de genre dans les milieux psychologiques étatsuniens dans les années 1950, ainsi que de son appropriation / tranformation par des féministes dans les années 1970. J’ai insisté, dans mon 2ème billet, sur l’écart important qui existe entre les premières utilisations du genre et les utilisations qui peuvent en être faites à partir de l’appropriation féministe. Etant donné cet écart, on peut se demander pourquoi et comment les féministes en sont venues à utiliser le concept. Pour comprendre cela, il manque un élément important dans la mini-généalogie du genre que j’essaie de présenter: les théorisations qui précèdent l’invention du concept mais contribuent à rendre le genre pensable (merci @sociosauvage pour la formulation). Margaret Mead et l’apprentissage des « rôles sexuels » Margaret Mead est une figure majeure de l’anthopologie culturelle aux Etats-Unis. Rappelons que ces lignes sont écrites au tournant des années 1920-1930.
Culture du viol et Lara Croft Dans un de ses articles sur le dernier opus du jeu video Lara Croft, voici ce qu'écrit Joystick Magazine à propos de la tentative de viol de l'héroïne : "faire subir de tels supplices à l'une des figures les plus emblématiques du jeu video, c'est tout simplement génial. Et si j'osais, je dirais même que c'est excitant". Revenons tout d'abord sur l'idée que "violer Lara Craft est une idée géniale". Si géniale que, depuis la Bible, en passant par Angélique marquise des anges, Orelsan et autres, l'idée perdure et est vue et revue. La littérature, le cinéma, la télévision regorgent de femmes qui sont violées et qui sont vengées ou, plus rarement, se vengent. Femme avant un viol (Irreversible, Noé). Parlons ensuite de cette fameuse excitation autour du viol qu'aurait ressentie notre journaliste devant cette scène. Il ne s'agit pas de se demander s'il est mal d'être excité devant un viol mais de comprendre très exactement de quoi on parle.
Une brève histoire du Genre (II) : aux origines d’un concept Hermaphrodite (statue romaine, époque impériale) L’abondante littérature consacrée aujourd’hui au « genre » s’obstine à attribuer le concept au féminisme des années 1970, et plus spécifiquement au féminisme américain, dans sa tendance parfois qualifiée de « radicale ». Or cette attribution est doublement fautive : le concept de « genre » n’est pas une invention du féminisme, et il fait son apparition quinze ans plus tôt, en 1955. Le contexte natif du « genre » est clinique plutôt que militant. On pourrait ajouter une seconde raison, dont l’apparence seule serait paradoxale : le féminisme, même qualifié de « radical », peut fort bien se passer du « genre ». Dans le présent billet (qui fait suite à celui-ci), je voudrais donc revenir sur les véritables origines du « genre », expliquer autant que possible ce qui a rendu la notion légitime, voire inévitable, en éclairer le contexte intellectuel, et peut-être proposer quelques éléments de réflexion critique. I. II.
Les vêtements et la police du genre Il paraît que, dans une dimension parallèle, il y aurait du machisme au Parlement de la République Française. Heureusement, il ne s’agit que d’une fiction colportée par des esprits mal tournés. Une fiction qui a cependant bien alimenté la presse ces derniers jours. Rappelons les faits, d’une importance fondamentale: Cécile Duflot, ministre EELV de l’Egalité des territoires et du Logement (dans cette dimension parallèle, bien sûr), a osé se présenter à l’Assemblée Nationale pour la sessions des questions au gouvernement du 17 juillet vêtue d’une ROBE. Alors évidemment, comment s’étonner que des exclamations et des sifflements se soient élevés des bancs UMP. 1) "Nous n’avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré." Patrick Balkany, député UMP qu’on ne saurait une seconde accuser d’être malhonnête de mauvaise foi. 2) "Enfin, on peut regarder une femme avec intérêt sans que ce soit du machisme!" Le Même. Balkany, mon idole. Et PAF! Robe déplacée? La police du genre AC Husson Like this:
Les Questions composent Aux origines du genre (2): comment le genre devient-il féministe? Dans le premier billet de cette série, j’ai évoqué l’invention du concept dans les milieux des médecins et sexologues étatsuniens dans les années 1950-1960. Le genre est alors défini de manière purement psychologique: il s’agit pour ces médecins de séparer le sexe (biologique, naturel) du genre qui, pour le Dr Robert Stoller, équivaut à l’identité de genre: sexe (état de mâle et état de femelle) renvoie à un domaine biologique quant à ses dimensions – chromosomes, organes génitaux externes, gonades, appareils sexuels internes (par exemple, utérus, prostate), état hormonal, caractères sexuels secondaires et cerveau; genre (identité de genre) est un état psychologique – masculinité et féminité. De cette invention médico-psychologique, on a tendance à retenir l’expérience menée par le Dr Money sur Bruce/David Reimer (je vous renvoie à mon premier billet pour les détails de cette expérience). L’appropriation féministe La critique féministe des origines du genre Références citées
Au nom de l'égalité, réduisons les performances des meilleurs élèves C'est l'un des projets les plus secrets du ministre de l'éducation Vincent Peillon, et pourtant l'un des plus ambitieux. Je ne peux révéler par quels contacts j'ai pu en avoir vent, car les personnes en question risqueraient de perdre leur place. Mais la controverse ne tardera guère à se nouer tant il s'agit d'une rupture radicale avec ce que nous avons l'habitude de penser comme la justice scolaire. Quel est ce projet ? Tout part d'un constat très simple : certains élèves sont plus doués que d'autres pour les études. Dès lors, une solution simple est proposée : réduire le niveau des meilleurs élèves afin que tout le monde ait sa chance. Ce projet se décline cependant différemment selon les sexes. Dès lors, tout garçon qui obtiendra des résultats exceptionnels devra faire la preuve qu'il est bien un garçon et pas une fille plus ou moins déguisée. Vous trouvez tout cela complètement débile ? Bref.
Une brève histoire du Genre (I) Lu à la télé. Je voudrais commencer, dans ce billet, à faire le bilan de quelques mois de plongée dans le Gender. C’est une expérience qui, curieusement, est à la fois exaltante et décevante. Exaltante, parce qu’elle oblige à poser de façon radicale la question de la différence des sexes, question qui jusqu’à lors avait si bien été considérée comme un donné qu’il ne paraissait pas nécessaire de chercher vraiment à la comprendre. On pouvait se poser la question de savoir quoi faire de cette différence, quelles conséquences en tirer, éventuellement quelles améliorations on pouvait apporter à la manière dont elle était vécue : mais avoir à la justifier, à en rendre raison, paraissait superflu. C’est de cette déception qu’il faut commencer par parler. Un autre aveu liminaire s’impose, dont j’espère qu’il ne paraîtra pas trop impudent. Il est en revanche douteux que ces ouvrages puissent convaincre quiconque n’est pas d’emblée acquis aux valeurs qu’ils défendent. Le genre dans tous ses états
The Truth About “Pink” and “Blue” Brains Cross-posted at Ms. and the Huffington Post. I loathe to weigh in on the “war on men” conversation, but… alas. While one can use both logic and data to poke gaping holes in Suzanne Venker’s argument that women need to surrender to their femininity and let men think that they’re in charge if they ever want to get married, I just want to point out one thing — one endlessly repeated thing — that she gets very, very wrong. Venker claims that there has “been an explosion of brain research” that proves that men and women have different brains. This research, she claims, shows that men are loners who like to hunt and build things and women are nurturers who like to talk and take care of people. This false on two fronts. First, she’s wrong about the brain research. What does the research say? It’s true that scientists have documented a number of small, average sex differences in brain anatomy, composition, and function, as well as differences in size and tissue ratios.
Une heure de peine... Aux origines du genre (1): l’invention médico-psychologique Je commence une série de billets sur les origines du genre, qui devrait (je n’ai pas encore tout écrit) se décomposer comme suit: 1- L’invention médico-psychologique 2- Comment le genre devient-il féministe? 3- Avant le genre (ou: comment le genre est-il devenu pensable?) 4- Synthèse et évolution du concept Pourquoi une telle série? Je résume donc: la « théorie du genre » trouverait son origine dans une « expérience tragique » menée par son « père » ou « gourou », le Dr John Money (Le Point). C’est pour démêler le vrai (il y en a, un peu) du faux dans ces affirmations, qui resurgissent en 2014 et sont malheureusement reprises sans aucune distance critique, comme on le voit, par certains médias, que je propose cette généalogie du genre. Le retour sur le devant de la scène d’une « expérience tragique » Ce n’est pas un hasard si le récit (biaisé) de cette expérience ressurgit en 2014. Qu’est-ce qui est vrai? Qu’est-ce qui est faux? Mais de quelle « expérience » parle-t-on exactement?
Les femmes sont-elles moins fortes que les hommes? Il existe des groupes d'auto-défense qui, au cours de stages réservés aux femmes, parviennent à convaincre celles-ci qu'il leur est tout à fait possible de couper en deux une épaisse planche de bois à l'aide du tranchant de la main. Le stage s'achève sur cette épreuve. Cela pourrait faire rire, et pourtant: quand les participantes qui viennent ici réparer leurs plaies ou simplement prendre confiance en elles se trouvent face au rectangle de pin brut, elles respirent un bon coup, elles frappent et la planche tombe, coupée en deux, sous leur propre regard médusé. «Je n'aurais jamais cru que je pouvais faire ça». Et pour cause. La société occidentale n'encourage pas les femmes à croire qu'elles sont aussi fortes que les hommes. Bien sûr, il y a des femmes qui sont moins fortes que les hommes. «Il faut aussi prendre en compte le fait que la force physique dans la culture occidentale n’est pas valorisée pour les femmes, ajoute Claire Greslé-Favier. On pourrait parler de ségrégation.