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La fabrique des débats publics, par Pierre Bourdieu

La fabrique des débats publics, par Pierre Bourdieu
Un homme officiel est un ventriloque qui parle au nom de l’Etat : il prend une posture officielle — il faudrait décrire la mise en scène de l’officiel —, il parle en faveur et à la place du groupe auquel il s’adresse, il parle pour et à la place de tous, il parle en tant que représentant de l’universel. On en vient ici à la notion moderne d’opinion publique. Qu’est-ce que cette opinion publique qu’invoquent les créateurs de droit des sociétés modernes, des sociétés dans lesquelles le droit existe ? La logique des commissions officielles est de créer un groupe ainsi constitué qu’il donne tous les signes extérieurs, socialement reconnus et reconnaissables, de la capacité d’exprimer l’opinion digne d’être exprimée, et dans les formes conformes. Le groupe dominant coopte des membres sur des indices minimes de comportement qui sont l’art de respecter la règle du jeu jusque dans les transgressions réglées de la règle du jeu : la bienséance, le maintien.

La fabrique de l’âme standard, par Eva Illouz «Un réveil sonne. Dans son appartement de New York, Michael Galpert, 28 ans, entrepreneur du Net, saute de son lit. Il retire le bandeau qui enregistre, pendant la nuit, ses ondes cérébrales et étudie la courbe des phases de son sommeil. La pensée prémoderne avait une autre conception de l’humain : elle postulait souvent l’existence de l’âme, « supérieure » au corps, insondable, éternelle, liée au divin ; ce qui sera exprimé avec une grande force par le christianisme. Ce glissement des passions de l’âme aux émotions définies comme une série d’éléments (...) Taille de l’article complet : 1 854 mots. Lycées, bibliothèques, administrations, entreprises, accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours. (1) April Dembosky, « Invasion of the body hackers », Financial Times, Londres, 10 juin 2011. (3) Philip Roth, Indignation, Gallimard, Paris, 2010. (5) Annie Murphy Paul, The Cult of Personality, Free Press, New York, 2004.

Le regain de violence entre Israéliens et Palestiniens La dégradation de la situation sur l’esplanade des Mosquées Troisième lieu saint de l’Islam sunnite, après La Mecque et Médine, l’esplanade abrite la Mosquée al Aqsa et le Dôme du Rocher, connu pour être l’endroit d’où le prophète Mahomet serait monté au paradis. Ce lieu est aussi le plus saint du judaïsme puisqu’il renferme les ruines du second Temple de Jérusalem, aussi appelé Temple de Salomon, duquel il ne reste aujourd’hui plus que le mur occidental, plus connu sous le terme de mur des lamentations. Le 13 septembre dernier, à l’occasion du nouvel an juif, un groupe d’Israéliens nationalistes s’était rendu sur l’esplanade des Mosquées pour y prier (3), ce qui fut perçu comme une provocation par certains Palestiniens qui dénoncent régulièrement la « judaïsation » de Jérusalem. Le gouvernement israélien a pris des mesures pour tenter de contenir ces heurts. Les causes profondes de ces événements Troisième intifada ou actes isolés ? Notes :

Quand les mots valent de l’or, par Frédéric Kaplan Le succès de Google tient en deux algorithmes : l’un, qui permet de trouver des pages répondant à certains mots, l’a rendu populaire ; l’autre, qui affecte à ces mots une valeur marchande, l’a rendu riche. La première de ces méthodes de calcul, élaborée par MM. Larry Page et Sergey Brin alors qu’ils étaient encore étudiants en thèse à l’université Stanford (Californie), consistait en une nouvelle définition de la pertinence d’une page Web en réponse à une requête donnée. En 1998, les moteurs de recherche étaient certes déjà capables de répertorier les pages contenant le ou les mots demandés. Mais le classement se faisait souvent de façon naïve, en comptabilisant le nombre d’occurrences de l’expression cherchée. Alors que bien des observateurs se demandaient comment la société californienne allait pouvoir monétiser ses services, c’est l’invention d’un second algorithme qui a fait d’elle l’une des entreprises les plus riches du monde. — L’enchère sur un mot-clé. — Le calcul du rang.

Moi et François Mitterrand Je n’en fais pas une affaire d’Etat, et n’en tire aucune gloire personnelle, mais François Mitterrand et moi avons tenu une correspondance assidue entre 1983 et 1995. Et même si nous nous sommes, par la force des choses, éloignés l’un de l’autre, le fil n’est pas tout à fait rompu. Le premier élément que je souhaiterais vous présenter est une lettre datée du 10 septembre 1983. C’est à vrai dire une carte postale que j’ai envoyée d’Arcachon, et dont voici le texte. « Cher François Mitterrand, « Je voulais vous féliciter – fût-ce avec un léger retard – de votre élection voici deux ans déjà. « Encore bravo. « Hervé Le Tellier » La réponse ne s’est pas faite attendre, puisque peu après, le 12 décembre 1983 François Mitterrand m’envoyait cette lettre, dont voici le fac-similé. C’était, ma foi, une missive forte courtoise, même si, en raison sans doute du poids des charges de l’Etat, le Président s’y montrait quelque peu distrait, évoquant une lettre et non une carte postale. « Cher François,

Mesurer le bonheur ?, par Olivier Zajec En février 2008, la mise en place, à la demande du gouvernement français, de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (CMPEPS), dite commission Stiglitz, a donné lieu à de nombreuses réactions. Au cœur du projet, une préoccupation partagée par tous les tenants d’un abandon de la religion de la croissance : comment déterminer les limites du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur des performances économiques et du progrès social ? Parallèlement, des réseaux de la société civile créent, avec le même objectif, le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR). Il y a longtemps que la pertinence du PIB en tant qu’indicateur hégémonique est remise en question par les économistes. Est particulièrement visée, dans ce « supplément de richesse » annuel produit et évalué de façon marchande et monétaire — qui fait donc le bilan de la valeur ajoutée produite par une économie —, son incapacité à prendre en compte l’inestimable des vies humaines.

Nos gènes, notre santé et notre environnement La découverte de l’ADN par Francis Crick et James Watson en 1953 est une étape majeure en biologie. Cette magnifique molécule à double hélice crypte une information essentielle à la vie : notre bagage génétique. Emportée par son enthousiasme, la science déclara alors avoir mis le doigt sur le code qui conditionne tous nos développements et nos fonctionnements biologiques. Avec le temps, cette vision s’est révélée trop simpliste. Si l’ADN est bel et le bien le support de fabrication de nos enzymes et protéines, d’autres facteurs semblent intervenir dans cette élaboration. Tout ne serait pas dans les gènes. « Déjà, il faut savoir qu’il est possible de créer plus de 2000 variantes de protéines à partir d’une même matrice génétique. Un bain ambiant L’ADN est protégé par une gaine, « comme un fil électrique est protégé par du plastique », explique Joël de Rosnay, ancien chercheur en biochimie au MIT et auteur de Le macroscope, vers une vision globale. Vice et versa Vous aimez cet article ?

Citations (Dossier « peut-on changer le monde ? ») Eléments de style Vertu « Un homme révolutionnaire est inflexible, mais il est sensé, il est frugal ; il est simple sans afficher le luxe de la fausse modestie ; il est l’irréconciliable ennemi de tout mensonge, de toute indulgence, de toute affectation. Comme son but est de voir triompher la révolution, il ne la censure jamais, mais il condamne ses ennemis sans l’envelopper avec eux ; il ne l’outrage point, mais il l’éclaire ; et, jaloux de sa pureté, il s’observe quand il en parle, par respect pour elle ; il prétend moins être l’égal de l’autorité qui est la loi, que l’égal des hommes, et surtout des malheureux. (…) Un homme révolutionnaire est un héros de bon sens et de probité. » Saint-Just au Comité de salut public, 15 avril 1794. Commun « Luiz Inácio da Silva,Ex-cireur de chaussures, ex-teinturier, ex-ouvrier tourneur, ex-syndicaliste.Un Brésilien comme vous. » Slogan de campagne de M. Rupture Marta Harnecker, Amérique latine. Vu de droite « Modernisation » ? « Nous avons changé.

Créatures légendaires | Littérature portes ouvertes Halloween est certes une fête d’origine anglo-saxonne, mais c’est un bon prétexte pour parler de créatures fantastiques et mythologiques, d’un point de vue étymologique. À la façon de Georges Gougenheim dans Les Mots français[1], je vous propose un petit tour d’horizon linguistique. J’ai, à portée de main, l’indispensable Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey[2], et, à portée de clic, le non moins utile Trésor de la langue française informatisé[3]. Les mots latins Fée, fadet, fadette, farfadet Le mot fée est issu du latin, ce qui signifie qu’il est l’aboutissement, au terme d’altérations phonétiques successives, du latin fata, désignant la « déesse des destinées », lui-même de fatum, le « destin ». Les termes fadet, fadette et farfadet viennent du provençal fada signifiant « fée ». Sorcier, sorcière Étymologiquement, le sorcier ou la sorcière est celui ou celle qui lance des sorts. Monstre Faune Dragon Lutin Voilà un mot qui ne ressemble pas à son étymon ! Sirène

Eloge du flou, par Gérard Mordillat Ce qui, dans le cinéma, dit le cinéma, c’est ce qui échappe à la dramaturgie, à la machinerie ; c’est l’imprévu, le vague, le flou. C’est ce que le cinéaste ne cherche pas à montrer ; ce qui déserte le cadre, le dépasse, le déborde. C’est le territoire inexploré de l’image, ce qu’elle saisit par inadvertance. Ce qui n’est ni au premier ni au deuxième plan, mais au loin : les fonds, les ciels, la figuration involontaire, la nature, le vide. Cette matière noire, impalpable, qui protège la part maudite des films, leur chair profonde, leur épaisseur. Pourtant, le flou demeure un des tabous les plus puissants du cinéma. Concrètement, c’est l’exemple même de la faute professionnelle grave. Malgré cela, devant une image floue de ma fille, je suis ému. Il existe un portrait médiocre d’Arthur Rimbaud, en Abyssinie, à Harar, en 1883. Taille de l’article complet : 1 784 mots. Vous êtes abonné(e) ? Connectez-vous pour accéder en ligne aux articles du journal. Vous n'êtes pas abonné(e) ?

Juger est un acte politique, par Matthieu Bonduelle (Le Monde diplomatique, septembre 2014) Parmi les nombreux discours tenus sur la justice et ceux qui la rendent, deux représentations émergent. D’un côté, l’image d’un juge automate, indifférent aux affects humains, étroitement soumis au droit ; de l’autre, celle d’un magistrat omnipotent, démiurge faisant et défaisant les destinées à sa guise. A en croire la première perception, la neutralité serait la vertu cardinale du juge, dont le rôle se bornerait à « appliquer la loi ». Le droit lui-même serait un outil déconnecté des fins qu’il sert, autonomisé de ses conditions de production. Pourtant, il est un précipité politique, ou du moins le produit le plus manifeste de la politique institutionnalisée, puisqu’il est fabriqué par l’Etat ou dans des cadres définis par lui. Dans un article classique pour les sociologues, très peu enseigné dans les facultés de droit, Pierre Bourdieu décrit les effets de « neutralisation » et d’« universalisation » à l’œuvre dans le champ juridique.

Dette publique, la conjuration des bonnes idées, par Laurent Cordonnier En s’accordant, lors du sommet européen du 9 décembre 2011, sur un nouveau pacte budgétaire intergouvernemental, les chefs d’Etat européens ne se sont pas seulement entendus sur une condamnation des peuples de l’Union aux fers et aux chaînes de la rigueur perpétuelle, ils ont aussi pactisé sur le renoncement à deux idées qui faisaient leur chemin : faire payer les banques, comme l’avait défendu l’Allemagne pour traiter du cas de la Grèce, et encourager la Banque centrale européenne (BCE) à racheter les titres de dette des pays attaqués, comme le souhaitait la France. Donnant-donnant : il fut convenu de ne plus embêter son voisin avec une idée qui le dérangeait. Sans doute aussi qu’en fermant à clé les issues de secours, les uns et les autres pensaient apaiser les flammes de l’incendie. Le plus étonnant est plutôt le refus obstiné d’envisager un rachat substantiel des titres de dettes publiques par la BCE. Dire que la BCE peut faire cela, c’est même oublier qu’elle l’a déjà fait.

Lorsque les couacs de la mémoire vous envoient en prison C’est l’histoire d’une trousse de toilette qui engendre un faux témoignage. «Je vous la raconte parce que je ne m’en suis toujours pas remise», avoue Nathalie Dongois en s’adressant à l’auditorium. Chercheuse et enseignante à l’Ecole de sciences criminelles de l’Université de Lausanne, la juriste intervient lors du cycle de conférences publiques «Mémoires et traces», consacré aux différentes formes d’enregistrements du passé at aux couacs multiples qui surgissent lorsqu’on veut les déchiffrer. Alors? 200 auteurs pour un crime Les défaillances de la mémoire peuvent provoquer de faux témoignages, mais aussi de faux aveux. Cas classique: l’enlèvement hypermédiatisé du bébé de l’aviateur Charles Lindbergh, en 1932, que 200 personnes s’accusèrent d’avoir commis… Floriot considère ensuite «ceux qui veulent protéger un proche», «ceux qui préfèrent se déclarer coupables plutôt que de s’opposer à l’autorité» et «les victimes de brutalités policières». La fabrique du faux souvenir Conclusions?

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