ÉCONOMIE • L'Europe au bord du suicide En s'obstinant à imposer toujours plus d'austérité à des pays en difficulté comme l'Espagne, les dirigeants européens mènent le continent à sa perte, affirme le Prix Nobel d'économie Paul Krugman. Le 14 avril, The New York Times s'est fait l'écho d'un phénomène qui se développe en Europe : le suicide lié à la crise économique, les gens se donnant la mort par désespoir, après avoir perdu leur emploi ou vu leur entreprise faire faillite. L'article était bouleversant. Mais je suis sûr que je n'ai pas été le seul lecteur, notamment parmi les économistes, à me dire que le problème n'était peut-être pas tant les individus que l'apparente détermination des dirigeants européens à pousser l'ensemble du continent au suicide. Prenons le cas de l'Espagne, qui est aujourd'hui l'épicentre de la crise. En un sens, peu importe dans quelles circonstances l'Espagne en est arrivée là. Pourtant, le remède prescrit par Berlin et Francfort est, vous l'aurez deviné, encore plus de rigueur.
Sécuriser le système financier ? Pas si facile… Le gouvernement présentera le 19 décembre prochain en conseil des ministres sa loi sur les banques. Celle-ci se fixe pour objectif de tirer les leçons de la crise de 2008 et propose notamment le cantonnement dans des filiales autonomes des activités considérées comme spéculatives. Dont acte. Au passage, le projet de réforme renforce les pouvoirs des deux gendarmes compétents pour surveiller la finance en France, l’AMF qui s’occupe des marchés financiers, l’ACP qui est en charge des banques. Laissons de côté l’infernal débat sur l’utilité de séparer banque d’investissement et banque de détail et si oui, selon quelles modalités. Venons-en plutôt à la surveillance. Question : que font les gendarmes financiers français ? D’abord, il y a une question de moyens. Mais il n’y a pas que cela. Entre en compte également un facteur psychologique. On l’aura compris, ces réglages de fine horlogerie maintiennent un équilibre à peu près acceptable dans les périodes calmes. Like this: J'aime chargement…
Le Graal de la Table Ronde des Industriels Européens Les grandes firmes ont joué un rôle de premier plan dans la promotion de la nouvelle « gouvernance économique » qui s’apprête à être mise en place dans l’Union européenne. Les voilà bien récompensées : le modèle semble taillé sur mesure pour les intérêts des industriels (comme le soulignait un précédent article : L’UE-topie des marchés : Comment la nouvelle « gouvernance économique » menace la démocratie). Il s’agit là du résultat d’un travail de longue haleine. Bien avant la proposition par la Commission d’un « pacte de compétitivité » et d’une « procédure de déséquilibres économiques » [1], les lobbies industriels se sont battus pour voir émerger une gouvernance économique de l’Union européenne au service de leurs intérêts. Dans cette bataille, la Table Ronde des Industriels Européens (ou ERT pour European Round Table) a joué un rôle essentiel. Cela ne date pas d’hier, les grands groupes européens ont saisi l’intérêt d’un renforcement des pouvoirs de l’UE. Le Business et l’Europe
Ras-le-bol de LA compétitivité (néolibérale) ! On a eu droit avec le rapport Attali (début 2008) à un hymne à la « libération de la croissance ». Voici venu le temps de l’invocation de LA compétitivité, source majeure, selon notre Président, de croissance et d’emploi. Tout se passe comme s’il n’en existait qu’une modalité : LA compétitivité. Une telle vision signe la défaite du politique, dont l’une des missions devrait être la détermination des règles du jeu économique, donc des règles de la compétition dans la sphère marchande (qui n’est pas la seule, et dont le politique doit aussi circonscrire le périmètre pour préserver des biens communs hors marchés). Si la compétitivité des entreprises désignait leur capacité à survivre honorablement (avec évidemment des cas non viables mais gérés selon des règles sociales) dans une concurrence bien encadrée socialement et écologiquement, si elle désignait leur capacité à innover, à s’adapter, à répondre à des besoins d’émancipation humaine, j’aurais peu de raison d’écrire « ras-le-bol ».
L'incroyable hold-up bancaire en Europe, nouvel assaut Ce billet est une note envoyée à des milliers de kilomètres de l'Europe, opinion mesurée à chaud des conneries qu'on peut lire dans la presse numérique en permanence. Alors il paraît que ça va mal en Europe, de l'Espagne à la Grèce en passant par la France, l'Allemagne et le Bénélux (Pays-Bas, Luxembourg, Belgique) ? Ah oui, j'oubliais. La crise ! Diantre ! Crise de la Dette, crise de l'euro, crise du bon sens, crise de la raison, crise d'épilepsie à force d'avoir les yeux rivés sur les écrans boursiers ! -L'Europe du nord dans le colimateur des charognards Je ris jaune. Et en ce début Août, je vois que la guerre économique frappe maintenant l'Allemagne et le Benelux à son tour. Moi qui suis un peu crédule, je n'ai pas fait mes classes à l'ENA, je me questionne : comment est-il possible qu'une agence bancaire puisse "noter" ou sanctionner un Etat-Nation ? - Une série de putschs prémédités, élites contre peuples. -TINA : There is no alternative. Samuel Moleaud. 01 Août 2012.
La compétitivité, ou la loi des multinationales Depuis les années 90, la compétitivité est devenue le maître mot du discours politique, un véritable mantra. Aujourd’hui encore, depuis le Parti socialiste jusqu’à la droite, la compétitivité serait l’unique voie de sortie de la crise. Pourquoi au juste ? Parce qu’il n’y a pas le choix. Dans un contexte de libéralisation et de concurrence généralisées, la compétitivité, c’est l’équation gagnante : compétitivité des entreprises = croissance = créations d’emploi. Cette simple équation permet de comprendre comment la compétitivité s’est imposée comme un objectif ultime, un modèle « gagnant-gagnant » : les entreprises, les salariés et les gouvernements, tout le monde y gagne ; c’est la fin de la lutte des classes, sous la bénédiction bienveillante du capitalisme financier. Cette potion magique ne s’applique pas seulement à l’économie, mais à la société toute entière. Pourtant, la quête de la sacro-sainte compétitivité n’a pas été en pertes pour tous. Le rêve des industriels Frédéric Lemaire
Qu’est-ce que la dette ? David Graeber, est un anthropologue états-unien. Il a participé au mouvement altermondialiste et se définit comme anarchiste. En 2011, il a publié une vaste étude sur la dette intitulée Debt : the First Five Thousand Years (‟Dette : les 5000 premières années”) dans laquelle il contredit l’un des fondements des théories économiques en soutenant, entre autres choses, la thèse selon laquelle le système du troc n’a jamais été utilisé comme moyen d’échange principal au cours de ces cinq derniers millénaires. La plupart des économistes affirment que la monnaie a été inventée pour remplacer le système du troc. De mon côté, je suis un anthropologue, et nous, les anthropologues, nous savons depuis longtemps que cette histoire est un mythe, tout simplement parce que s’il y avait des endroits où les transactions quotidiennes avaient pris la forme de « Je vais vous donner vingt poulets pour cette vache », nous aurions dû en trouver un ou deux. Vous dites que, dans la Mésopotamie de 3200 avant J.
untitled Les inégalités n’ont pas toujours existé. Plus encore, leur apparition est loin d’avoir partout suivi le même chemin que celui emprunté par l’Europe et les Proche et Moyen-Orient, le plus souvent résumé par le modèle de la « révolution néolithique ». Montrant la volonté de la collection « Passé & Présent » d’élargir son champ chronologique (jusqu’aux périodes les plus anciennes) et au-delà de l’histoire proprement dite (ici, la « préhistoire » et l’ethnologie), cet ouvrage de vulgarisation insiste sur l’importance d’une approche universelle de l’évolution des sociétés dites « primitives ». S’appuyant sur les très nombreux exemples de sociétés étudiées par les ethnologues et les voyageurs alors qu’elles étaient encore vivantes, il montre le cas de sociétés durablement égalitaires ainsi que la variété des chemins empruntés vers l’inégalité. Dossier de presse Compte-rendu Christophe Darmangeat est un économiste marxiste qui s’intéresse à l’anthropologie : après tout, pourquoi pas ! A. S. S!
Les usages de l'argent 1Parler de l’argent aujourd’hui, dans notre culture, consiste tout d'abord à entrer dans un monde mythologique, celui de la science économique. Dans cet univers, les non-initiés voient s'affronter des êtres mystérieux mais infiniment puissants comme l'inflation, la reprise, les investissements... tous gouvernés par la puissance menaçante qu'Adam Smith désigna par l'expression « main cachée ». Ces êtres semblent animés par des motivations qui dépassent de loin la compréhension des simples humains mais leurs actions, comme celles des dieux grecs, sont lourdes de conséquences pour les hommes, qui réalisent alors leur impuissance. Ces affrontements de titans vagues et indistincts semblent avoir lieu hors du temps et de l'espace qui circonscrivent la vie des mortels. 1 Un phénomène déjà bien illustré dans des cas fort différents par le volume Barter Exchange and Value (...)
Le consommateur (vraiment) rationnel est-il un rat ? Le premier semestre universitaire se termine déjà et avec lui ce cours de sociologie de L2 AES dans le cadre duquel je me suis intéressé aux conditions de la rencontre entre l'offre et la demande. La sociologie, sur ce sujet, cherche en quelque sorte à ouvrir la boîte noire des fameuses « choses égales par ailleurs » dans laquelle les économistes rangent les facteurs qui ne les intéressent pas en priorité (mais dont ils reconnaissent l'existence de ce fait même). J'ai beaucoup suivi cette année les travaux de Franck Cochoy (dont celui-ci)... un peu trop même à la réflexion et je réfléchis déjà à améliorer le propos l'an prochain. Pour cela, rien de tel que de se replonger dans la microéconomie, avec, par exemple, le manuel très bien fait de Paul Krugman et Robin Wells, dont les multiples encadrés et études de cas sont autant de pistes de réflexion pour la sociologie et l'anthropologie (qui ne peuvent pas se contenter de refuser le raisonnement économique). Figure 11.9 (reproduction)
Révolte et mélancolie, de Michaël Löwy et Robert Sayre Chine trois fois muette, de Jean-François Billeter Il est devenu aujourd’hui banal de constater la prise de pouvoir de l’économique sur le social, en général pour la déplorer. Mais, en posant le problème en termes moraux, on le prive trop souvent de son historicité : on oublie que la grande force du système, celle qui explique sa longévité, est de parvenir à donner l’illusion de sa « naturalité », en se présentant comme la grève sur laquelle toute société humaine est destinée à échouer tôt ou tard. Dans Chine trois fois muette (2000), Jean-François Billeter retrace le long processus au fil duquel, à partir de la Renaissance, en Europe, la façon qu’avaient les marchands de voir le monde est devenue la vision universellement partagée, aboutissant à « soumettre l’infinie profondeur et variété du social aux abstractions de la raison marchande ». Cette confusion entre raison instrumentale et raison tout court nous prive du moyen d’agir sur le développement autonome du capitalisme, car elle reste largement inconsciente.
Benjamin Coriat, économiste atterré : « Mittal s’en est bien tiré » | Rue89 Eco Déçu par l’abandon de l’idée d’une nationalisation, Benjamin Coriat reproche au gouvernement de céder à « toutes les demandes des lobbys patronaux ». Un salarié d’Arcelor Mittal, après l’annonce de Jean-marc Ayrault, le 30 novembre. (Jean-Christophe Verhaegen/AFP) Il n’y aura pas de nationalisation temporaire du site sidérurgique de Florange. L’annonce de Jean-Marc Ayrault vendredi a cassé le projet d’Arnaud Montebourg. Ce samedi soir, invité au au journal télévisé de TF1, Arnaud Montebourg a balayé cette éventualité. « Si j’avais du me sentir désavoué, je n’aurais pas été seul car plus de 63 % des Français soutenaient cette proposition [de nationalisation, ndlr] » Il a aussi assuré qu’il gardait en tête son idée pour jouer le rapport de force avec Mittal. « La question de la nationalisation reste sur la table. une arme dissuasive. » La nouvelle a aussi été mal vécue par les salariés du site. Rue89 : Etiez-vous favorable à la nationalisation temporaire ? Oui, bien sûr. Ah oui...