Vers une société de «jobs à la con» ? Avez vous un «job à la con» ? Si vous avez le temps de lire cet article devant votre ordinateur au boulot, la réponse est probablement oui. Et à en croire la viralité (1) du pamphlet consacré aux «bullshit jobs» (en VO) signé David Graeber, anthropologue à la London School of Economics et une des figures du mouvement Occupy Wall Street, vous n’êtes pas pas le seul. Dans un court essai (2) publié dans le magazine de la gauche radicale britannique Strike ! le 17 août, l’universitaire, qui n’aime pas qu’on le définisse comme anarchiste, décrit ce qu’il a baptisé le «phénomène des jobs à la con». Soit, selon lui, l’aliénation de la vaste majorité des travailleurs de bureau, amenés à dédier leur vie à des tâches inutiles et vides de sens, tout en ayant pleinement conscience de la superficialité de leur contribution à la société. «Tout un tas d’emplois inutiles» Comment définir un emploi inutile ? Tâches absconses Modes de vie anxiogènes, ultracontrôlés et aseptisés Guillaume Gendron
L'invasion des «métiers à la con», une fatalité économique? «Avez-vous l’impression que le monde pourrait se passer de votre travail? Ressentez-vous la profonde inutilité des tâches que vous accomplissez quotidiennement? Avez-vous déjà pensé que vous seriez plus utile dans un hôpital, une salle de classe, un commerce ou une cuisine que dans un open space situé dans un quartier de bureaux? Si vous avez répondu oui à plusieurs de ces questions, vous faites sans aucun doute possible partie de cette population qui occupe un «boulot à la con», ou «bullshit job», comme les nomme l’anthropologue anglais David Graeber. Professeur à la prestigieuse et orthodoxe London School of Economics, l’anthropologue «anarchiste» —vous allez vite comprendre le sens de ce qualificatif— a publié le 17 août, en pleine trêve estivale, un article coup de gueule très remarqué dans le trimestriel «radical» Strike! Strike! «Pour y arriver, des emplois ont dû être créés qui sont, par définition, inutiles. Parlons-en! Et bien aujourd’hui, nous allons en parler.
On the Phenomenon of Bullshit Jobs | STRIKE! Magazine Ever had the feeling that your job might be made up? That the world would keep on turning if you weren’t doing that thing you do 9-5? David Graeber explored the phenomenon of bullshit jobs for our recent summer issue – everyone who’s employed should read carefully… On the Phenomenon of Bullshit Jobs by David Graeber. In the year 1930, John Maynard Keynes predicted that, by century’s end, technology would have advanced sufficiently that countries like Great Britain or the United States would have achieved a 15-hour work week. Why did Keynes’ promised utopia – still being eagerly awaited in the ‘60s – never materialise? So what are these new jobs, precisely? These are what I propose to call “bullshit jobs.” It’s as if someone were out there making up pointless jobs just for the sake of keeping us all working. The answer clearly isn’t economic: it’s moral and political. I think this is actually a pretty accurate description of the moral dynamics of our own economy.
Pourquoi David Graeber soutient le revenu de base Les bureaucrates amoncellent les papiers pour décider de ce que nous et notre travail valons. Mais ironiquement, suggère l’anthropologue américain David Graeber, ce sont ces fonctionnaires qui effectuent le travail le moins sensé de tous. Si nous donnions à chacun un revenu de base forfaitaire et éliminions ces emplois bureaucratiques ? Cette interview est issue d’une conversation avec le journaliste américain Paul Solman, dont une partie a été diffusé dans un reportage sur la chaîne publique Public Broadcasting Service. Donc, vous aimez cette idée de revenu de base ? Je pense qu’elle est formidable. Le problème est que nous avons ce gigantesque appareil qui s’occupe de dire aux gens qui est méritant, qui ne l’est pas, ce que les gens devraient faire, ce qu’ils ne devraient pas. Le problème est que nous avons ce gigantesque appareil qui s’occupe de dire qui est méritant, qui ne l’est pas, ce que les gens devraient faire, ce qu’ils ne devraient pas. Exactement. Ça dépend desquels. Internaz
Are you paid to look busy? Do you actually perform meaningful work all day or are you paid to look busy, asks anthropologist David Graeber. Photo by John McBride & Company Inc./The Image Bank. Editor’s Note: If you’re reading this at work, you’re probably not all that busy. Don’t you ever wish you could just fit your “work” into fewer hours, then go home to do your own thing instead of being paid to look busy all day? John Maynard Keynes predicted in 1930 that technological advancement would make that possible by the turn of the century. For one thing, he writes, we’ve created entirely new jobs to accommodate the workaday world. Graeber’s (rather rank) vision of hell captures the cycle of meaningless work he’s criticizing: Once, when contemplating the apparently endless growth of administrative responsibilities in British academic departments, I came up with one possible vision of hell. Graeber is a professor at the London School of Economics. – Simone Pathe, Making Sen$e Editor I’d say 20 percent.
Ces tâches « à la con » qui vident nos métiers de leur intérêt Il n’est pas si fréquent de voir un article d’universitaire partagé plusieurs dizaines de milliers de fois sur Facebook. C’est arrivé cet été. David Graeber, anthropologue américain couramment qualifié d’anarchiste, s’est penché sur la prolifération de ce qu’il appelle des « bullshit jobs ». Graeber assure que « des tas de gens passent leur vie professionnelle à effectuer des tâches qu’ils savent sans réelle utilité ». Cette thèse fait écho, en France, aux travaux de Béatrice Hibou. Rue89. Béatrice Hibou. Béatrice Hibou (B. C’est un phénomène de plus en plus dénoncé par les mouvements protestataires ou défenseurs du service public, car c’est là certainement que les gens se sentent le plus touchés dans leur sens du métier. Tel est le cas de l’Appel des appels qui a réuni aussi bien les professionnels de la santé, de l’école, de l’université que des services sociaux. Y a-t-il de plus en plus de « boulots à la con », pour parler comme Graeber ? Qu’est-ce qui est nouveau aujourd’hui ?
David Graeber: ‘So many people spend their working lives doing jobs they think are unnecessary’ A few years ago David Graeber’s mother had a series of strokes. Social workers advised him that, in order to pay for the home care she needed, he should apply for Medicaid, the US government health insurance programme for people on low incomes. So he did, only to be sucked into a vortex of form filling and humiliation familiar to anyone who’s ever been embroiled in bureaucratic procedures. At one point, the application was held up because someone at the Department of Motor Vehicles had put down his given name as “Daid”; at another, because someone at Verizon had spelled his surname “Grueber”. The matter became academic, because Graeber’s mother died before she got Medicaid. “I like to think I’m actually a smart person. But Graeber’s book doesn’t just present human idiocy in its bureaucratic form. Which jobs are bullshit? In The Utopia of Rules, Graeber goes further in his analysis of what went wrong. But what happened between the Apollo moon landing and now? Why is that so terrible?
L'anthropologue David Graeber, théoricien du "bullshit job", est mort "Je me considère comme anarchiste depuis mon enfance (…). La plupart des gens ne considèrent pas l’anarchisme comme quelque chose de mauvais, ils pensent que c’est dingue, que c’est impossible. Mais lorsqu'on grandit dans une famille où ce n’est pas considéré comme une chose folle alors cette idée d’anarchie est très attirante", confiait David Graeber en 2016 sur France Culture. L'anthropologue et économiste américain est mort le mardi 2 septembre 2020, à l'âge de 59 ans, a annoncé sa femme Nikita Dubrovsky sur son compte Twitter. Théoricien du "bullshit job" Considéré par le New York Times comme "l’un des intellectuels anglo-saxons les plus influents", David Graeber est connu pour avoir développé le concept de "bullshit job" (littéralement"emploi à la con"), tout d'abord dans un article publié en 2013 dans la revue britannique Strike!. Dans cet article, l'anthropologue établit une typologie comprenant cinq catégories, qu'il détaillait dans l'émission La Grande table en 2018 :
David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l'ère de la bureaucratie totale Basta ! : Vous dites que nous sommes désormais immergés dans une ère de « bureaucratie totale ». Quels en sont les signes ? David Graeber [1] : Il suffit de mesurer le temps que nous consacrons à remplir des formulaires. Le nombre d’occurrences du mot « bureaucratie » augmente dans les livres jusqu’en 1974, puis diminue. Le sociologue Max Weber affirmait déjà que le 19e siècle avait inauguré l’ère bureaucratique. La différence, c’est que la bureaucratie est si totale que nous ne la voyons plus. La bureaucratie n’est plus seulement une manière de gérer le capitalisme. Tout cela est permis par la fusion progressive de la bureaucratie publique et privée, depuis les années 1970 et 1980. Les gens opposent souvent bureaucratie étatique et libéralisme économique. C’est objectivement vrai. Ce qu’on entend souvent par bureaucratie, ce sont aussi des structures sociales fiables et pérennes, qui font que le société fonctionne, comme la Sécurité sociale… Pas tous ! Photo : CC Christian Schnettelker
David Graeber, le penseur des "Bullshit jobs" Jeudi 3 septembre 2020, nous apprenions la mort de l'anthropologue David Graeber à l’âge de 59 ans. Cet intellectuel américain avait notamment théorisé la notion de "Bullshit Jobs", des emplois créés par le capitalisme, inutiles, mais bien rémunérés. On ne peut pas faire tous les jours la même humeur, faute de quoi, on pourra me reprocher d’avoir un « Bullshit Job », « un job à la con », si vous me passez l’expression. On doit cette expression à l’anthropologue David Graeber, disparu à l’âge de 59 ans. FAITES-VOUS UN BOULOT À LA CON ? Votre travail apporte-t-il quoi que ce soit d’important au monde ? 40 % ont répondu « non » à la question posée par l’anthropologue David Graeber. Faites vous un « BULLSHIT JOB », un BOULOT À LA CON ? Bien avant la crise sanitaire, David GRAEBER a mis en évidence le fossé entre les boulots de l’aide à la personne – le « care » – comparés aux jobs de la finance, de la communication ou de l’assurance. Au fond, à quoi ça sert mon boulot, à quoi et à qui suis-je utile ? Charlie Chaplin pour l’ère industrielle, dans Les Temps modernes (1936), et Jacques Tati dans Playtime (1967), pour la révolution du tertiaire, ont montré la destruction de la ressource humaine. Les boulots à la con, ça ne date pas d’hier, mais la terreur du chômage imposée par le néolibéralisme depuis cinquante ans nous a contraints à accepter n’importe quel boulot. Daniel Mermet
extrait" Si quelqu’un avait conçu un plan pour maintenir la puissance du capital financier aux manettes, il est difficile de voir comment ils auraient mieux fait. Les emplois réels, productifs sont sans arrêt écrasés et exploités. Le reste est divisé en deux groupes, entre la strate des sans emplois, universellement vilipendé et une strate plus large de gens qui sont payés à ne rien faire, dans une position qui leur permet de s’identifier aux perspectives et sensibilités de la classe dirigeante (managers, administrateurs, etc.) et particulièrement ses avatars financiers, mais en même temps produit un ressentiment envers quiconque à un travail avec un valeur sociale claire et indéniable. Clairement, le système n’a pas été consciemment conçu, mais a émergé d’un siècle de tentatives et d’échecs. Mais c’est la seule explication pourquoi, malgré nos capacités technologiques, nous ne travaillons pas 3 à 4 heures par jour." by j1p Sep 11