David Graeber : « La façon la plus simple de désobéir à la finance, c'est de refuser de payer les dettes Basta ! : A quel moment dans l’histoire le crédit est-il apparu ? Qu’est-ce qu’une dette ? David Graeber [1] : La dette est une promesse, qui a été pervertie par les mathématiques et la violence. En quoi quantifier une dette est-elle un problème ? Quantifiable, la dette devient froide, impersonnelle et surtout transférable : l’identité du créancier n’a pas vraiment d’importance. Au contraire, le « remboursement de la dette » est devenu un dogme moral... La dette a été transformée en une question d’arithmétique impersonnelle, en l’essence même de l’obligation morale. Devenue dogme moral, la dette justifie les dominations les plus terribles. Vous citez l’exemple de la mafia... Parler de dette devient un moyen pour décrire des relations inégales. La monnaie, qui permet de quantifier précisément la valeur d’une dette, apparaît d’ailleurs dans les situations de violence potentielle. Il y a aussi une inversion : le créancier semble être devenu la victime. Absolument. C’est incroyable ! A lire :
Pourquoi le « mécanisme européen de stabilité » est une aberration - Crise financière Après l’Assemblée nationale le 21 février, le Sénat se prononcera à son tour sur le « Mécanisme européen de stabilité » (MES) le 28 février. Voulu par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, ce complexe traité instaure une sorte de FMI européen. Il aura « pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir, sous une stricte conditionnalité (…), un soutien à la stabilité à ses membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement ». En clair, le MES devrait être en mesure d’avancer des fonds aux États de la zone euro qui rencontreraient des difficultés pour emprunter directement auprès des marchés financiers. Les 17 États membres l’ont signé le 2 février. Le MES en tant que tel n’est pas un traité, mais une société financière, basée au Luxembourg, dont les actionnaires sont les 17 États de la zone euro. Un mécanisme fragilisé par la pression des marchés Une dépendance totale à l’égard des agences de notation La généralisation de la potion grecque
Allemagne, une hégémonie fortuite, par Wolfgang Streeck (Le Monde diplomatique, mai 2015) Après guerre, la République fédérale d’Allemagne n’a jamais nourri le projet de régir l’Europe. Tous ses responsables politiques, de quelque bord qu’ils soient, pensaient que leur pays avait un problème fondamental vis-à-vis de ses voisins : il était trop grand pour susciter l’amour et trop petit pour inspirer la crainte. Il lui fallait donc se fondre dans une entité européenne plus vaste, qu’il dirigerait de concert avec d’autres nations comme la France. Tant que l’Allemagne disposait d’un accès sûr aux marchés étrangers, tant qu’elle pouvait s’approvisionner en matières premières et exporter ses produits manufacturés, elle ne se souciait guère d’acquérir une place sur la scène internationale. L’intégrité du cocon européen revêtait une telle importance aux yeux du chancelier Helmut Kohl (1982-1998) qu’il s’empressait, chaque fois que des frictions se produisaient entre partenaires, de fournir les moyens matériels pour sauver l’unité européenne, ou du moins son apparence.
La Théorie Monétaire Moderne, une pensée économique alternative, enquête du Washington Post La Théorie Monétaire Moderne, une pensée économique alternative, enquête du Washington Post Air du temps. Le très conservateur Washington Post consacre un long article à la Théorie Monétaire Moderne, l’une des branches héritières du post-keynésisme, dont le représentant le plus éminent est James Galbraith, fils de l’un des économistes les plus réputés en son temps, mais surtout homme respecté par ses pairs, par ailleurs régulièrement consulté par les élus et les responsables américains. Que l’on ne s’attende pas ici à un examen en profondeur de la MMT, ainsi qu’on la désigne communément par son acronyme anglo-saxon. Le journalisme actuel a ses règles, mêlant superficialité, bienséance et conformité - et tiendrait sans doute à égale distance tenants de Copernic et de Ptolémée. Par Dylan Matthews, Washington Post, 19 février 2012 James K. Mais si Galbraith s’est distingué lors de cette conférence, ce fut à cause du caractère décalé de son message. Racines keynésiennes Une théorie qui divise
La «libération fiscale», propagande fantaisiste du libéralisme C’est le marronnier des ultralibéraux. Leur petite fête nationale, qu’ils ont eux-mêmes créée, et dont ils se repaissent jusqu’au ridicule. Comme chaque année en été, un pseudo institut économique, relayé en exclusivité par la presse de droite, célèbre ainsi «le jour de libération fiscale», date censée illustrer de façon symbolique le moment de l’année où le contribuable français cesse de «travailler pour l’Etat». Et où il peut enfin disposer pleinement de ses revenus. Concrètement, la date est déterminée en prenant en compte le taux d’imposition d’un salarié moyen (57%), et en reportant ce pourcentage au calendrier annuel. Selon l’institut Molinari, le jour de la libération fiscale aura donc lieu, en France, ce mercredi 29 juillet, soit un jour plus tard qu’en 2014. L’institut, surtout, inclut des prélèvements comme l’impôt sur le revenu, les cotisations salariales ou encore la TVA, mais aussi… les cotisations patronales.
Dette publique, la conjuration des bonnes idées, par Laurent Cordonnier En s’accordant, lors du sommet européen du 9 décembre 2011, sur un nouveau pacte budgétaire intergouvernemental, les chefs d’Etat européens ne se sont pas seulement entendus sur une condamnation des peuples de l’Union aux fers et aux chaînes de la rigueur perpétuelle, ils ont aussi pactisé sur le renoncement à deux idées qui faisaient leur chemin : faire payer les banques, comme l’avait défendu l’Allemagne pour traiter du cas de la Grèce, et encourager la Banque centrale européenne (BCE) à racheter les titres de dette des pays attaqués, comme le souhaitait la France. Donnant-donnant : il fut convenu de ne plus embêter son voisin avec une idée qui le dérangeait. Sans doute aussi qu’en fermant à clé les issues de secours, les uns et les autres pensaient apaiser les flammes de l’incendie. Le plus étonnant est plutôt le refus obstiné d’envisager un rachat substantiel des titres de dettes publiques par la BCE. Dire que la BCE peut faire cela, c’est même oublier qu’elle l’a déjà fait.
Loi Macron, le choix du « toujours moins », par Martine Bulard (Le Monde diplomatique, avril 2015) Pas un jour de répit pour la Grèce, au bord de l’asphyxie ; deux ans de délai pour la France, qui avait déjà obtenu deux reports dans l’application des normes bruxelloises. Tel est le verdict de la Commission européenne, qui semble se montrer, une nouvelle fois, ferme avec les faibles et laxiste avec les forts. Mais l’apparence est trompeuse. Si les niveaux d’endettement et d’austérité ne se comparent pas et si les « exigences » des technocrates bruxellois n’ont pas la même ampleur, le chantage est identique : il faut supprimer tout ce qui fait obstacle à l’enrichissement des plus riches et à la mainmise des actionnaires sur les entreprises. Paris a choisi de gagner la mansuétude de Bruxelles en lui donnant de nouveaux gages. Ce bric-à-brac aurait dû concerner les ministères du travail, de la justice, des transports, du logement et de l’écologie, entre autres. On ne peut pas dire que, du côté français, l’habileté de M. Membre d’un gouvernement socialiste, M. 1. En bonne logique, M. 2.
Banking's SWIFT says ready to block Iran transactions Lettre ouverte d’un jeune entrepreneur d’architecture à Manuel Valls. Monsieur le premier ministre, Je suis architecte et jusqu’en septembre 2013, date à laquelle j’ai été licencié pour raison économique, j’ai toujours été salarié. J’ai tenté brièvement de retrouver un emploi salarié, mais personne n’embauchait, la crise avait frappé durement les agences d’architecture. Cependant, j’ai eu l’opportunité de m’associer à un cabinet d’architecture existant depuis 20 ans, mais manque de chance, une nouvelle fois, ce dernier s’est retrouvé en redressement judiciaire. Valls Gattaz Je vous passe les tracasseries et les moyens financiers nécessaires à la création d’une société, mais croyez-moi ils sont beaucoup plus nombreux que les flyers édités par les chambres de commerce et Pôle Emploi. Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de ma très haute considération. J'aime : J'aime chargement…
What price the new democracy? Goldman Sachs conquers Europe - Business Analysis & Features - Business This is the most remarkable thing of all: a giant leap forward for, or perhaps even the successful culmination of, the Goldman Sachs Project. It is not just Mr Monti. The European Central Bank, another crucial player in the sovereign debt drama, is under ex-Goldman management, and the investment bank's alumni hold sway in the corridors of power in almost every European nation, as they have done in the US throughout the financial crisis. Until Wednesday, the International Monetary Fund's European division was also run by a Goldman man, Antonio Borges, who just resigned for personal reasons. Even before the upheaval in Italy, there was no sign of Goldman Sachs living down its nickname as "the Vampire Squid", and now that its tentacles reach to the top of the eurozone, sceptical voices are raising questions over its influence. This is The Goldman Sachs Project. With these connections, it was natural for Goldman to invite him to join its board of international advisers.
L'essence du néolibéralisme, par Pierre Bourdieu (Le Monde diplomatique, mars 1998) Le monde économique est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implacablement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu’il inflige, soit de manière automatique, soit — plus exceptionnellement — par l’intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l’OCDE, et des politiques qu’ils imposent : baisse du coût de la main-d’œuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail ? Et s’il n’était, en réalité, que la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, ainsi convertie en programme politique, mais une utopie qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel ? Cela dit, cette « théorie » originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens de se rendre vraie, empiriquement vérifiable.
Europe / MES : super règle d'or imposée en douce ? Le MES vous connaissez ? Et si on vous dit qu’il va succéder au FESF? Non plus? C’est normal, sa mise en œuvre passe totalement inaperçue. Le MES, autrement dit le mécanisme européen de stabilité, va pourtant être soumis au vote de l’Assemblée nationale le 21 février après avoir été voté, le 2 février, par l’ensemble de la zone euro. Le MES devait être opérationnel en juillet 2013 avant de voir sa date effective avancée d’une année. Déjà, en avril 2011, Paolo Manasse, professeur d'économie à l'université de Bologne, doutait de ce nouvel outil sur le site Telos: "la conception du Mécanisme européen de stabilité présente de graves lacunes. Enfin, et c’est la raison de la colère du Parti de gauche, la ratification de ce mécanisme et des nouveaux traités se fait sans aucune consultation des peuples. Abonnez-vous !
Monique Pinçon-Charlot : « La violence des riches atteint les gens au plus profond de leur esprit et de leur corps Basta ! : Qu’est-ce qu’un riche, en France, aujourd’hui ? Monique Pinçon-Charlot [1] : Près de 10 millions de Français vivent aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté. Celui-ci est défini très précisément. Mais il n’existe pas de « seuil de richesse ». C’est très relatif, chacun peut trouver que son voisin est riche. Nous nous sommes intéressés aux plus riches parmi les riches. Pourquoi est-il si difficile de définir cette classe ? La richesse est multidimensionnelle. A cela s’ajoute la richesse sociale, le « portefeuille » de relations sociales que l’on peut mobiliser. Il existe aussi une grande disparité entre les très riches... Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, est en tête du palmarès des grandes fortunes professionnelles de France, publié chaque année par la revue Challenges. Malgré l’hétérogénéité de cette classe sociale, les « riches » forment, selon vous, un cercle très restreint. Comment s’exerce aujourd’hui ce que vous nommez « la violence des riches » ?