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Un manuel pour remettre l’histoire à l’endroit, par Benoît Bréville (Le Monde diplomatique, septembre 2014)

Un manuel pour remettre l’histoire à l’endroit, par Benoît Bréville (Le Monde diplomatique, septembre 2014)
Des torrents d’encre gonflent un fleuve d’ignorance : il y aura bientôt plus de publications consacrées à l’histoire qu’à l’automobile. Au seul mois de juin 2014, trois nouveaux magazines sont apparus dans les kiosques. Les Clés de l’histoire, dernier-né de Sophia Publications, qui édite également les mensuels L’Histoire et Historia, se veut un « produit populaire, joyeux et facile d’accès », un « magazine sympa et intergénérationnel » destiné à « donner du bonheur à tous les lecteurs ». En vente sur notre boutique en ligne. La chose fut comprise avant même Hérodote : l’histoire est une arme au tranchant effilé ; qui la forge l’a pour soi, et malheur aux vaincus. Sur les ondes aussi, on raconte beaucoup d’histoires. On l’aura compris : les porte-voix de l’histoire « popularisée » ou « vulgarisée » sont rarement des spécialistes. Les « dictateurs » n’étant pas seuls à faire vendre, beaucoup d’auteurs préfèrent se concentrer sur les « grands hommes ». A découvrir

Où est l'indignité? Sur l'«appel des 80 intellectuels» contre la pensée décoloniale « Terrorisme intellectuel » apparenté à du « stalinisme », « stratégie d’entrisme », « ségrégationnisme »…: n’en jetez plus. Dans la tribune des « 80 intellectuels » contre la pensée décoloniale publiée par Le Point le 28 novembre dernier, la virulence de la vindicte n’a d’égale que l’appel à la censure. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce texte, qui en compte d’autres. Nombre de ces signataires ont pignon sur rue, sur journaux et sur revues. Dans ce registre, il y a plus et il y a pire. D’abord sur ce biais du raisonnement : ce n’est pas la pensée décoloniale qui est « ségrégationniste » ou « différentialiste », c’est le monde social qui l’est. En démontrant combien le racisme est tout à la fois ordinaire et structurel, le mouvement décolonial opère à son sujet un dévoilement, donne une visibilité à ce qui n’en avait pas au nom d’une bonne conscience aveuglée et d’un républicanisme abstrait. Et c’est là un autre paradoxe du texte qui nous est infligé.

Le pouvoir et l'histoire ( par Jacques Le Goff, historien) Les sociétés humaines vivent de leur passé. Pour sauvegarder ce passé, elles ont deux instruments à leur disposition : la mémoire et l’histoire. La mémoire, où puise l’histoire qui l’alimente à son tour, ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l’avenir. L’histoire est une mise en forme tendant à la rationalité et à la vérité du passé. En Occident, elle est née dans la Grèce antique, et on lui donne Hérodote pour père. Mais elle a une seconde source, la Bible, dont un horizon est de raconter l’histoire de la création divine, son développement dans le temps. Le XIXe siècle a introduit l’histoire partout. Le pouvoir politique a été tenu à l’écart de la constitution de cette histoire et de la mémoire qui en découlait, réservée à des professionnels. Le chaotique et tragique XXe siècle vint bouleverser ces cadres de la mémoire et attaquer le monopole des historiens.

Les élucubrations de Stéphane Bern sur l'école au Moyen Âge On connaît la propension de Stéphane Bern, dans son émission « Secrets d’histoire », à laisser libre cours à son penchant pour une histoire aristocratique, voire royaliste, centrée sur les grandes figures de l’histoire de France. Plus récemment, dans une émission sur le Paris révolutionnaire, il diffusait avec Lorànt Deutsch une vision datée et réactionnaire de cette période [1]. Le sujet choisi pour cette émission de « La fabuleuse histoire », l’école, semblait a priori moins polémique que ne peut l’être la Révolution française ou la présidence de De Gaulle. Qui a détruit l’école... ? Les approximations et erreurs factuelles sont d’autant plus frustrantes que l’émission cherche explicitement à rompre avec certains clichés. Passons rapidement sur les erreurs factuelles, même si celles-ci sont assez révélatrices. Stéphane Bern choisit de se situer sur un chantier médiéval reconstitué, au XIIIe siècle, époque marquée en effet par un dynamisme économique et intellectuel majeur. Annexe

World History Juifs et musulmans - Si loin, si proches (1/4) Où l’on retrace la naissance de l’islam et sa conquête en un siècle d’un territoire s’étendant de la Perse à l’Espagne. Quelle a été la place des millions de non-musulmans dans cet empire ? Pour les polythéistes, c’est la conversion ; pour les peuples du Livre, juifs et chrétiens, le statut de "dhimmi", qui les détermine inférieurs, mais leur confère une protection plus ou moins généreuse selon les lieux, et leur permet de pratiquer leur religion. Dès l’avènement de l’islam, le sort des musulmans et des juifs a été étroitement lié, mais un peu plus d'un siècle de conflit a suffi à occulter dans les mémoires treize siècles d’une histoire commune souvent pacifique et parfois harmonieuse. De 610 à nos jours, de l’Arabie au Proche-Orient en passant par l’Empire ottoman, l’Andalousie et le Maghreb, cette histoire complexe et méconnue est racontée chronologiquement, avec une fluidité qui n’exclut pas le sens du détail.

Pourquoi Lorànt Deutsch pose problème | Déjà-vu 1,5 million d’exemplaires de Métronome, 50 000 pour Hexagone (soit un très beau succès d’édition déjà) : Lorànt Deutsch occupe une place de choix dans le petit monde de la vulgarisation historique, dans la lignée d’un Alain Decaux. Mais voilà : le comédien, connu pour sa diction à haute vélocité, écrit de la même façon : très vite[1]. Trop vite. N’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon, reprocher à un jeu comme Assassin’s Creed Unity de commettre des erreurs historiques est une sottise : les scénaristes d’Ubisoft n’ont jamais prétendu faire œuvre d’historien. Le cadre temporel – la Révolution française – est un décor comme la France de Louis XIII est le décor des Trois Mousquetaires. Le cas de Lorànt Deutsch est différent : le comédien et ses éditeurs présentent bien Hexagone ou Métronome comme des ouvrages historiques. Toute la question est donc de savoir ce qu’on attend d’un livre de ce genre. De quoi justifier à mon sens une certaine prudence dans l’affirmation. Kamoulox. Les critiques ?

Christophe Colomb post mortem Christophe Colomb connaît aux États-Unis, par les temps qui courent, des moments qui sont plus que difficiles. Dans le parc mémorial de Yonkers, ville limitrophe de New York, une sculpture à son effigie a été récemment décapitée, en parodie de mise à mort, une autre a été vandalisée dans le Queens en août 2017, et à Baltimore un obélisque élevé en l'honneur du découvreur de l'Amérique, en 1792, lors du tricentenaire de son arrivée aux îles Bahamas, a subi le même sort. Les ouvrages, les proclamations, les chansons qui le peignent comme un monstre se sont multipliés là-bas depuis trois décennies. Il n'est guère de figure, parmi les personnages qui dominent de haut l'histoire des hommes, concrètement et symboliquement, il n'est guère de figure qui ait connu des avatars aussi violemment contrastés. À d'autres époques, Christophe Colomb a été célébré comme une incarnation sans pareille du courage, de la lucidité, de la prémonition. Archives sonores - Générique de fin : chanson "Terre !"

Dans l'enseignement secondaire : pour l’aggiornamento de l'histoire-géographie En ce qui concerne les propositions de la Commission 1, nos collègues J. Portes et A. Reynaud nous ont déjà dit, dans ce bulletin, (juin 67), qu'ils déploraient son « complexe d'infériorité ». En fait, dans le contexte actuel, une commission purement « ministérielle », même élargie, ne peut faire œuvre novatrice, parce que ses objectifs de réflexion sont fixés par le cadre traditionnel, et que ne se trouvent mis en cause ni les « matières » d'enseignement, telles que le xixe siècle les a engendrées, ni les structures de travail de nos écoles napoléono-ferrystes. — à une définition globale et moderne de la finalité éducative de notre école ; — à une réflexion sur la nature et la place de l'histoire-géographie- instruction civique, dans le grand éventail, en plein développement des sciences humaines. Dans une très récente déclaration (Le Monde, S août 67), M. 1.

Des films pour comprendre le monde Propriétaire d'un studio de légende, Cosimo Matassa vient de s'éteindre. Il fut l'un des principaux artisans de l'éclosion du rythm'n'blues de la Nouvelle-Orleans. Fils d'un immigré italien, Matassa se passionne très tôt pour la musique de Crescent City et ouvre un magasin de disques au lendemain de la seconde guerre mondiale. Sollicité par de nombreux musiciens en quête de notoriété, il fonde en 1946 un microscopique studio baptisé J & M. Les locaux sont si exigües qu'ils permettent tout juste d'y installer un piano à queue, quant à la cabine technique, un producteur peut tout juste s'y glisser aux côtés du maître des lieux. Les retrouvailles de trois légendes du New Orlean's sound: Dave Bartolomew, Cosimo Matassa et Allen Toussaint. Notes: 1. 2. Sources: - Sebastian Danchin: "Encyclopédie du rythm & blues et de la soul", Fayard, 2002. - "Cosimo's studio", livret du disque de Fats Domino dans la série Jazz & Blues aux éditions Atlas.

Haro sur les sciences sociales au lycée, ça continue Les programmes de Terminale présentés au CSE ce 11 juillet ont été rendus publics par le SNES la veille. Autant le dire d’emblée, ils battent tous les records d’indignité. Et pourtant, la barre était placée haut. Le collectif Aggiornamento histoire-géographie avait proposé une analyse critique de la nouvelle mouture des programmes de Seconde et Premières générales et technologiques. Nous avions démontré à quel point ils étaient indigents et dangereux pour des disciplines dont les finalités intellectuelles et éducatives ne sont pourtant plus à rappeler. Nous avions aussi déjà fait part de notre colère devant la procédure opaque et antidémocratique de rédaction des programmes, symptomatique d’un autoritarisme et d’une verticalité inédits, par ailleurs en totale contradiction avec la communication officielle du Ministère, depuis que l’écriture des programmes avait été décrétée entreprise collective et ouverte aux demandes de la société. Pire ! Détaillons plus avant cette nouvelle mouture.

Des séries pour comprendre le monde Voici les articles que nous avons consacré à des séries plus ou moins connues qui offrent un regard intéressant sur le monde tel qu'il va... ou pas : A lire et écouter sur la toile : L'historien et l'objectivité Lorsqu'on examine tout ce qui se publie aujourd'hui en France sous le nom d'« histoire », on ne peut qu'être frappé par le décalage entre les certitudes tranquilles que véhiculent les organes de vulgarisation (magazines, émissions TV, ouvrages grand public, etc.) et les doutes qu'expriment haut et fort les historiens de métier. Depuis une dizaine d'années, les écrits sur la « crise » de l'histoire se sont multipliés. Résumons les arguments avancés pour étayer ce constat (1) : la discipline est victime des bouleversements qui affectent en profondeur le monde actuel. La réduction des postes et des moyens mis à la disposition des universités, alors même que les effectifs s'accroissent, provoque une aggravation des conditions de travail, une surcharge pédagogique et administrative qui démoralise les historiens, comme leurs collègues des autres disciplines. Ce que cache la «crise» A vrai dire, la question de savoir si l'histoire est ou non en « crise » est un faux problème. Mots-clés

Des programmes d’histoire qui confortent notre égoïsme national | Journal d’un prof d’histoire La publication par le ministère de l’Education nationale des programmes d’histoire (cycles 2, 3 et 4) dans leur version définitive est comme un coup de massue pour tous ceux qui pensaient encore, même sans trop y croire, qu’il était possible de faire sortir l’enseignement de l’histoire du carcan administratif et politique qui l’étouffe depuis trop longtemps. Un CSP qui se croyait indépendant Au printemps dernier, l’avant-projet présenté par le Conseil supérieur des programmes (CSP), sans être révolutionnaire, laissait entrevoir quelques possibilités d’évolution : une architecture globale en grandes thématiques plutôt qu’un amoncellement de questions disparates ; une référence soutenue aux compétences à faire acquérir aux élèves ; et surtout, une grande souplesse induite par la possibilité de choix offerte aux enseignants sous forme de questions facultatives. Quelques jours plus tard, la ministre intimait l’ordre au CSP, non pas de revoir sa copie, mais de la refaire entièrement.

Les cent phénomènes, personnages, idéologies, objets... hérités de la Première guerre mondiale Qu’ont en commun l'idée de l’Union européenne, les saucisses végétariennes, les casques de militaires, les magazines illustrés, l’indépendance de l’Afghanistan, le bolchévisme, l’économie d’énergie grâce au changement d’heure, le préservatif et Adolf Hitler? Ce sont tous des phénomènes hérités plus ou moins directement de la Première guerre mondiale, et «qui continuent de structurer nos vies aujourd’hui», explique le Wall Street Journal qui, pour la commémoration des cent ans du début du conflit, a eu la bonne idée de sélectionner les 100 héritages les plus marquants. Les rivalités coloniales de l’immédiat après-guerre entre les grandes puissances et la défense de leurs intérêts sont à l’origine du redécoupage du Moyen-orient et des conflits de la région. Le renversement du régime tsariste en Russie et l'établissement d’un régime communiste en 1917, a été déclenché par la révolution de février et un ensemble de grèves et protestations contre la famine et demandant la fin de la guerre.

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