Etude annuelle 2014 du Conseil d'Etat - Le numérique et les droits fondamentaux
Le numérique, parce qu'il conduit à la mise en données et à la mise en réseau du monde, pose problème aux droits fondamentaux : il met en question leur contenu et leur régime. S'il renforce la capacité des individus à jouir de certains droits, comme la liberté d'expression, la liberté d'entreprendre, il en fragilise d'autres, comme le droit à la vie privée ou le droit à la sécurité. L'étude annuelle du Conseil d'État intervient alors qu'un triple basculement se manifeste dans les innovations techniques, dans l'économie et dans l'appréhension du numérique par la société.
La CJUE nous invite à tracer la ligne de partage entre démocratie et dictature
Tribune d'Etienne Drouard Associé dans le cabinet K & L Gates et administrateur de Renaissance Numérique associé dans le cabinet K & L Gates Mardi 8 avril, la Cour de justice de l'Union Européenne a invalidé la directive sur la conservation des données (2006-24). Les orientations fournies par cette décision mettent en péril plusieurs lois françaises, dont la loi de programmation militaire votée en décembre dernier. Comme le montre cet article de loi et comme l'a explicitement souligné la CJUE, il ne suffit donc pas de vivre dans un Etat démocratique pour garantir automatiquement que les lois qui y sont votées sont respectueuses des libertés individuelles. La CJUE a donc demandé aux États de se doter de dispositifs efficaces de contrôle afin de rendre compte de leurs activités de surveillance. Aujourd'hui en France, seule la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) intervient dans les processus de saisie de données de trafic.
Loi numérique en préparation : pour ne pas stigmatiser l'espace Internet, il faut renforcer les volets citoyen et confiance
Alors que les premiers éléments de la loi numérique ont été révélés, Renaissance Numérique, think tank de la société numérique, s'inquiète d'une stigmatisation persistante de l'espace Internet comme d'une zone déjudiciarisée, où les libertés du citoyen sont revues au rabais et appelle le gouvernement à renforcer davantage l'aspect citoyen de ce volet "confiance". Renaissance Numérique est satisfait de voir la prédominance d'un volet "confiance" présent dans la loi numérique en préparation, tel que le révèlent les documents du cabinet de la Ministre Fleur Pellerin en charge de ce dossier. Renaissance Numérique considère essentiel que les droits du citoyen, de la vie privée à la neutralité des plateformes, soient au cœur du débat sur le numérique. À la lecture de ces documents, le think tank soulève cependant trois points d'inquiétude, contraires selon lui au renforcement des droits des citoyens dans la société numérique :
La consécration du droit à l’oubli : une responsabilité collective nécessitant une concertation globale
Par Marine Pouyat, professionnelle du droit et du digital, membre de Renaissance Numérique Le 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne prit la décision pour l’arrêt C-131/12 « Google Spain SL, Google Inc. / Agencia Española de Protección de Datos, Mario Costeja González », d’ imposer la désindexation de liens vers des pages web au moteur de recherche Google (considéré comme la consécration d’un droit à l’oubli). Six mois après, le groupe de l’article 29 (ou G29), réunissant les autorités européennes de protection et de contrôle, publie des « guidelines » sur l’implémentation de cette décision. Cette décision de la Cour de Justice comme les guidelines interviennent dans le contexte de l’examen du projet de règlement européen sur la protection des données, qui a débuté en 2012 et se poursuit actuellement dans le cadre de la nouvelle mandature européenne. I Pourquoi vouloir consacrer un droit à l’oubli numérique ? Le droit en vigueur relatif aux données personnelles
Des dangers de l'état d'exception...
Dans un livre passionnant sur l'« État de droit et états d'exception », Marie-Laure Basilien-Gainche, membre de l'Institut universitaire de France, rappelle le caractère ambigu des états d'exception. Elle souligne ainsi que « les méthodes exceptionnelles peuvent s'avérer tout à la fois salutaires et délétères ». Salutaire, lorsque l'entité (souvent le pouvoir exécutif) habilitée à prendre des mesures d'exception les utilise à bon escient, dans le but de garantir l'État de droit face à de graves menaces pesant sur sa survie. Délétère, « car il n'est pas sans risque de suspendre les principes de séparation des pouvoirs et de garantie des droits qui sont l'essence de l'État de droit tel que nous l'entendons. Les exceptions s'autogénèrent et s'autoalimentent ; loin de conforter l'État, elles le fragilisent ». En effet, l'abus des états d'exception tend à saper la légitimité de l'État : Le moment arrive où l'on ne peut plus s'opposer à la violence que par une autre violence [...].
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