Ce n'est pas la fin du socialisme français qui s'annonce, mais celle du parti de Mitterrand | Slate.fr En politique, les idées meurent plus vite que les organisations supposées les incarner. Aujourd’hui, le parti refondé à Épinay en 1971 en vue de la conquête du pouvoir est touché simultanément dans ses deux «corps», idéologique et matériel. Le Parti socialiste a souvent été donné pour mort. On se souvient, encore récemment, de l’affirmation aussi péremptoire que définitive de Bernard-Henri Lévy en 2009: «[Le PS] est mort. Las, à peine trois ans plus tard, François Hollande remportait l’élection présidentielle et le PS dominait, pour la première fois de son histoire, la majorité des pouvoirs, nationaux ou locaux, du pays. Aujourd’hui, deux ans après ce triomphe en forme d’hégémonie, l’interrogation sur la «mort du PS» ressurgit pourtant, plus vivace que jamais. Pis encore, les divisions entre socialistes s’étalent quotidiennement au vu et au su de tous, au point que l’on se demande chaque jour un peu plus si ce parti survivra à la présidence Hollande. Les deux corps du Parti socialiste
La désertion idéologique de la gauche accentue le virage à droite de la société française A force d’emprunter le logiciel du camp adverse, la gauche se place dans l’incapacité de répondre aux représentations réactionnaires qui se diffusent dans l’opinion. Une impressionnante spirale droitière semble emporter la société française ou, à tout le moins, sa représentation publique. Toute une série d’éléments brossent le tableau d’un pays dangereusement tenté de soigner sa dépression collective par un discours proprement réactionnaire. Comme si l’idéologie de crise et la hantise du déclin national alimentaient un «dextrisme» généralisé. Manuel Valls préside aux destinées incertaines du gouvernement de gauche le plus à droite de l’histoire de France. «My government is pro-business», vient de proclamer le Premier ministre devant les financiers de la City. L’apologie des solutions britannique et allemande pour réduire le chômage montre qu’il ne s’agit pas là seulement d’étiquettes idéologiques. «La gauche peut mourir», avait récemment prévenu Valls. Une droite droitisée Eric Dupin
La gauche ne peut pas mourir, par Frédéric Lordon (Le Monde diplomatique, septembre 2014) Dans le débat public ne circulent pas que des sottises : également des poisons. De toutes les navrances complaisamment relayées par la cohorte des experts et éditorialistes, la plus toxique est sans doute celle qui annonce avec une gravité prophétique la fin des catégories « droite » et « gauche », et le dépassement définitif de leur antinomie politique. On n’a pas assez remarqué la troublante proximité formelle, et la collusion objective, du « ni droite ni gauche » de l’extrême droite et du « dépassement de la droite et de la gauche » (« qui ne veulent plus rien dire ») de l’extrême centre. Passe alors un premier ministre qui vaticine que « oui, la gauche peut mourir (1) », trahissant visiblement sous la forme d’une sombre prédiction son propre sombre projet, et la cause semble entendue. Il y a de quoi s’étonner en tout cas que « gauche » soit ainsi implicitement rabattu sur « Parti socialiste », parti dont il est maintenant solidement avéré qu’il n’a plus rien que de droite.
En finir avec le présidentialisme Dominique Strauss Kahn aurait dû nous déprendre de cette institution qui nous domine : la présidence de la République. S’il avait été élu, l’Elysée serait devenu un lupanar. La semi-fiction peut être prolongée. Lire Jeremy Mercier, « La démocratie entre ruines et reconstruction », Le Monde diplomatique, janvier 2008.L’expression des « bonnes institutions » était celle de leur fondateur. Polybe reprenait ainsi une ancienne réflexion sur la meilleure constitution de la cité grecque. On ne sait si le général de Gaulle croyait vraiment à l’équilibre, même flou, pour fonder l’excellence des institutions romaines car, en fait d’équilibre, la Constitution de 1958 inaugurait un régime présidentialiste fortement déséquilibré au détriment du Parlement. Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la Républque élu au suffrage universel Photo cc par The lost gallery Certes, on n’oubliera pas que le présidentialisme a permis la stabilité politique. Difficile à mettre en oeuvre.
Le vote Front national, des raisons locales: l'exemple de Perpignan Plutôt que de décider que les électeurs votent par adhésion, par contestation, ou pour telle ou telle raison qu’on leur attribue, nous avons voulu savoir comment s’était construit leur choix. En arpentant le terrain. Le terrain, lui, ne ment pas, est-on tenté d’écrire. Au Front national, le week-end politique passé a été celui de la défaite de BFM. Le classement sévère qu’a connu Florian Philippot au suffrage des militants frontistes, le numéro deux se voyant relégué à la quatrième place, doit en effet se jauger au profil de ceux que lui ont préféré les militants. Marion Maréchal Le Pen (élue n°1) a su s’enraciner dans le Sud-Est, et servir de point de ralliement à ce FN sudiste hostile à l’omnimédiatique porte-parole. Trois militants de «terrain» donc, arpentant les fédérations, et non des porte-voix. La différence existe également quant aux résultats électoraux. Retour sur terre Ce terrain, nous l’avons justement arpenté. C’est un territoire avec une morphologie spécifique.
Des armes contre l'impuissance politique, par Evelyne Pieiller (Le Monde diplomatique, octobre 2014) Il n’est pas facile aujourd’hui d’être de gauche. Ou, plus exactement, il est assez aisé d’avoir une sensibilité de gauche, mais il n’est pas facile de penser à gauche. De penser que le combat contre la domination du capital sous toutes ses formes n’est pas obsolète, en dépit de son absence du lexique médiatique et de la transformation des exploités en « défavorisés ». De penser que la question de l’égalité sociale demeure primordiale, en dépit de sa dissolution en question d’égalité d’accès aux chances de réussite. Tout semble s’être compliqué et brouillé, en particulier à cause de la fameuse « mondialisation » et des mutations technologiques. On comprend qu’il soit difficile de persévérer. S’ajoutent à ce processus de délégitimation la récupération et le dévoiement, par ses adversaires, de concepts longtemps caractéristiques de la gauche : la critique du non-respect des droits du peuple, de la ségrégation sociale et culturelle, du libéralisme même, etc.
Les recettes idéologiques du président Sarkozy, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, juin 2007) En France, un homme de droite vient de succéder à un président devenu impopulaire dans son propre camp, et il est parvenu à ses fins en battant une femme de gauche. Il paraît que ce genre d’histoire remonte un peu le moral des candidats républicains à la succession de M. George W. Il serait néanmoins paradoxal de voir la droite américaine s’inspirer demain de la stratégie politique du nouveau président de la République française. Souvent l’image du déclin vient à point. M. Comme Nixon, Ronald Reagan et M. Dès décembre 2005, enhardi par le tohu-bohu que semblait susciter chacune de ses propositions (et provocations), M. Opposer à la gauche son absence de volonté L’ennemi, ce furent ceux qui avaient « proclamé que tout était permis, que l’autorité c’était fini, que la politesse c’était fini, que le respect c’était fini, qu’il n’y avait plus rien de sacré, plus rien d’admirable, plus de règle, plus de norme, plus d’interdit ». Comme Reagan, M. « J’ai fait mienne l’analyse de Gramsci » M.
L’art de tuer Jaurès, par Benoît Bréville et Jérôme Pellissier (Le Monde diplomatique, juillet 2014) Jean Jaurès n’a pas attendu le centième anniversaire de son assassinat pour être victime de récupérations. Pendant la campagne présidentielle de 2007, M. Nicolas Sarkozy en avait fait une référence récurrente, allant jusqu’à prononcer son nom trente-deux fois dans un même discours : « Il récusait la lutte des classes », affirmait-il alors. Deux ans plus tard, c’est l’extrême droite qui, sur une affiche électorale, attribuait au penseur socialiste une citation frauduleuse — « A celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien » —, pour en conclure que « Jaurès aurait voté Front national ». L’audace de certains dirigeants politiques étant sans limites, le Parti socialiste (PS) profite actuellement des commémorations de 1914 pour comparer l’adversaire de la guerre à... « Les choix du président sont dans la continuité de ceux de Jaurès », avance M. A première vue, la continuité entre le fondateur de L’Humanité et l’actuel président de la République n’a rien d’évident.
Où est la gauche à l’heure de la tourmente économique ?, par Serge Halimi Les Américains qui manifestent contre Wall Street protestent aussi contre ses relais au sein du Parti démocrate et à la Maison Blanche. Ils ignorent sans doute que les socialistes français continuent d’invoquer l’exemple de M. Barack Obama. Contrairement à M. Nicolas Sarkozy, le président des Etats-Unis aurait su selon eux agir contre les banques. S’agit-il seulement d’une méprise ? Ailleurs et pas seulement aux Etats-Unis, des dirigeants politiques longtemps présentés comme des références par la gauche modérée affrontent eux aussi des cortèges indignés. Un des meilleurs procureurs de l’impasse de la social-démocratie européenne se trouve être le porte-parole... du Parti socialiste (PS) français. « Au sein de l’Union européenne, relève M. D’autres jugent en revanche cette transformation irréversible car elle aurait pour origines l’embourgeoisement des socialistes européens et leur éloignement du monde ouvrier. La partie est-elle perdue pour autant ? Et même perdue d’avance.
Les voies du socialisme latino-américain, par William I. Robinson Et maintenant, le Pérou ? Constituée en laboratoire du néolibéralisme à partir du milieu des années 1970, l’Amérique latine a changé de visage. Depuis une dizaine d’années, une grande partie de la région est « passée à gauche », un phénomène souvent décrit comme une vague (lire « D’élections en réélections »). Or voici que la lame emporte un nouveau bastion de la droite. Le soir de l’élection présidentielle péruvienne de juin 2011, le candidat victorieux — M. Ollanta Humala, un homme de gauche — proclamait : « Plus jamais le gouvernement ne servira les intérêts de l’élite qui vend les richesses minières du Pérou à des multinationales. Si une vague progressiste a bien déferlé sur l’Amérique latine, elle se voit communément qualifiée de « rose-rouge », tant diffèrent les courants qui la traversent. Que la droite équatorienne et les « faucons » de Washington aient souhaité voir M. Mais cette administration ne dérange pas uniquement les élites. On pourrait citer bien d’autres exemples.