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« C’est Charlie, venez vite, ils sont tous morts »

« C’est Charlie, venez vite, ils sont tous morts »
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Soren Seelow Sur la table, devant elle, Sigolène Vinson avait posé sa lecture du moment : La Faute de l’abbé Mouret, d’Emile Zola, l’histoire d’un prêtre déchiré entre sa vocation religieuse et l’amour d’une femme. Ce mercredi 7 janvier, peu après 10 heures, chacun s’est embrassé en se souhaitant la bonne année. C’était jour de rentrée pour l’équipe de Charlie Hebdo, la première conférence de rédaction de 2015. C’était aussi l’anniversaire de Luz, le dessinateur. Sigolène Vinson, la préposée habituelle aux chouquettes, avait donc apporté un « gâteau marbré » de la boulangerie du coin. La jeune femme, chroniqueuse judiciaire de l’hebdomadaire satirique, se souvient de chaque détail de cette matinée où les rires se sont tus. En entrant dans la rédaction, ce jour-là, son gâteau dans les bras, elle salue Angélique, la femme chargée de l’accueil, dont le bureau fait face à l’entrée. Charb, comme toujours, griffonne « J’étais emplie d’un sentiment de bonheur » Related:  #jesuischarlie/Bataclan

Des attentats à la marche républicaine, cinq jours en France Attaque contre le journal « Charlie Hebdo » Deux hommes cagoulés pénètrent dans les locaux du journal Charlie Hebdo, armés de fusil d’assaut. Dans l’entrée, ils abattent l’agent d’entretien Frédéric Boisseau et se rendent au 2e étage, où se tient la conférence de rédaction. Les deux assaillants surgissent dans la salle de réunion, ouvrent le feu en criant « Allah akbar » et tuent par balle dix autres personnes en quelques secondes. Les dessinateurs Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et Honoré ont été assassinés, ainsi que l’économiste et chroniqueur Bernard Maris, le correcteur Mustapha Ourrad, la psychanalyste et chroniqueuse Elsa Cayat, l’officier chargé de la protection de Charb, Franck Brinsolaro, et un invité, Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand.

Pourquoi étaient-ils si seuls ? >>> Article paru dans Marianne daté du 9 janvier De quoi sont morts nos amis de Charlie Hebdo ? De la haine de leurs assassins, bien sûr. Mais pas seulement. Ils sont morts aussi de leur grande solitude. Ils étaient de plus en plus seuls, chaque semaine et en première ligne pour défendre la liberté d'expression. Depuis que Charlie Hebdo s'était, par réflexe, solidarisé en 2006 avec les dessinateurs danois menacés de mort, cette menace n'avait cessé de s'alourdir. Comprendre pourquoi ils sont morts, c'est réaliser qu'ils étaient les militants les plus exposés, les plus engagés et les plus courageux d'une tradition française : la très simple liberté d'expression, qui l'était de moins en moins parce que défendue avec de plus en plus de circonlocutions face à ceux qui ne la supportent pas. C'est l'inverse qui s'est produit. Les islamistes ont réussi à remettre en cause cette tradition. Depuis, Charlie Hebdo n'a cessé d'avoir droit à la même lâcheté.

Charlie Hebdo: pour que ce qui a conduit au pire ne se reproduise pas Temps de lecture: 11 min En quelques jours, nous avons perdu sinon notre innocence, du moins le peu de légèreté qui nous restait. Nous savions certes de longue date que le terrorisme islamiste n’était pas uniquement un phénomène lointain et étranger. Nous savions qu’il était déjà plus qu’une menace, une réalité, et qu’il se tenait sur le pas de notre porte. Nous nous en étions émus, mais pas plus que ça. Cette fois, il en va tout autrement. L’immense foule des manifestations du week-end, ce peuple descendu en masse dans la rue, montre, si besoin en était, l’ampleur de cette prise de conscience en même temps que la profondeur du choc ressenti. Cette tragédie et la mobilisation qui l’a suivie nous font aujourd’hui obligation. «Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde» «Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde», écrivait Albert Camus. Les deux manières de pratiquer l’amalgame renvoient à une forme de paternalisme, pour ne pas dire de colonialisme Tout y est.

L’actu moche expliquée aux mioches Les petits lexiques de Mon Quotidien, ces derniers jours, pourraient presque reconstituer l’actualité tragique : «satirique», «Prophète», «jihadiste», «plan Vigipirate», «rescapé», «blasphème». Le quotidien des 10-14 ans, tout comme sa version pour les 6-10 ans (Mon Petit Quotidien), ou celle pour les 14-17 (l’Actu), édités par PlayBac Presse, publient des numéros spéciaux depuis l’attentat. Et la quarantaine de journalistes de l’équipe n’hésite pas à attaquer de front des questions compliquées : «Quel est le sens de l’expression "Attention aux amalgames" ?» s’interroge Mon Quotidien. «Liberté d’expression : peut-on comparer Dieudonné et Charlie Hebdo ?» se demande l’Actu. Boucles grises et yeux bleus chiffonnés, il revient tout juste des obsèques de Charb. Bob l’éponge. Depuis longtemps, plusieurs matins par semaine, des «rédacteurs en chef juniors» viennent assister à la conférence de rédaction. Ce jour-là, il y a Pauline, Noé et Gaspard, 14 ans. Surprise. Photo Julien Mignot

Charlie, je ne veux voir dépasser aucune tête En 1914, l’ensemble des parlementaires, toutes tendances confondues, chantaient « La Marseillaise » debout et à l’unisson. L’union nationale avait alors vu les dirigeants socialistes trahir tous leurs engagements en faveur de la paix, voter les crédits de guerre et avaliser une boucherie qui devait durer jusqu’en 1918. La scène s’est reproduite le 13 janvier à l’Assemblée nationale et l’union sacrée est à nouveau à l’ordre du jour. Mais elle signifie cette fois-ci l’exclusion de la communauté nationale de tous les mauvais Français, et d’abord des jeunes issus des quartiers populaires, désignés par les médias et les politiques comme « ces pelés, ces galeux, dont (viendrait) tout le mal » (La Fontaine). Répondant à une question du député Claude Goasguen, la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a déclaré le 14 janvier : Interrogeons-nous sur plusieurs éléments de ce discours : est-il normal de transmettre aux services de police les coordonnées de ceux qui s’y sont refusés ?

Charlie Hebdo : Comment signaler les contenus choquants sur le Web? Les réseaux sociaux s'appuient sur les signalements afin de modérer les propos ou les images violentes ou d'incitation à la haine. Le Figaro détaille les différentes procédures mises à disposition des internautes pour contrôler ces contenus. L'attentat terroriste perpétré au siège du journal satirique Charlie Hebdo mercredi a suscité un nombre exceptionnel de réactions en ligne. Parmi elles, des contenus choquants, violents ou racistes: propos islamophobes, vidéo d'assassinat ou incitation à la violence. Le gouvernement met à disposition des citoyens un site permettant de dénoncer les contenus illégaux, comme l'incitation à la haine raciale ou les menaces, quel que soit le lieu où ils sont postés. Il est également possible de signaler problématiques les contenus directement sur les plateformes où ils sont postés, notamment les réseaux sociaux. • Sur Facebook Les règles d'utilisation de Facebook interdisent l'incitation à la haine, les menaces et la violence gratuite. • Sur Twitter

Des cercueils, des dessins, des larmes et des rires Bien avant le début de la cérémonie, ils sont déjà là, sur le parvis de mairie de Montreuil, nombreux, le coeur gros, sous le regard amusé de l’autocaricature de Tignous. Il pleut, on a sorti les parapluies et, comme si tout le monde s’était donné le mot, ils sont de toutes les couleurs, un arc-en-ciel fendant cette vilaine grisaille. Là-haut, dans la salle des fêtes, on a encore peine à croire que c’est Tignous qu’on entoure. Il y a l’équipe de Charlie, ceux qui restent, chancelants mais debout, ceux de Marianne en larmes. Et puis tous ces amis, ces voisins de Montreuil, où Tignous vivait depuis plus de trente ans. Souvenirs émus, à peine audibles, prononcés entre deux sanglots Plus tard, lorsque l’inhumation de Tignous a lieu au Père Lachaise, en présence de Fleur Pellerin, Pierre Laurent, Anne Hidalgo, Patrick Apel-Muller pour l’Humanité, Patrick Pelloux invite à porter le flambeau de ses combats. Elsa Cayat, une femme qui avait soif de comprendre et de transmettre

"Charlie Hebdo" en kiosque : "Un numéro écrit avec les larmes des survivants" Une semaine après la fusillade qui a décimé sa rédaction, le journal satirique "Charlie Hebdo" publie ce mercredi 14 janvier un numéro qui s'apprête à "entrer dans l'histoire", se réjouissent les éditorialistes. "Et Charlie Hebdo reparaît", annonce Dominique Quinio dans "La Croix". Il était impossible à l'équipe des 'survivants' de céder à l'intimidation, de renoncer aux caricatures qui leur ont valu cette condamnation à mort, de trahir leurs amis", souligne l'éditorialiste qui voit dans ce numéro : "Charlie tel qu'en lui-même". "Plus vivant que jamais", assure pour sa part Raymond Couraud dans "L'Alsace". Puisqu'il est hors de question de renoncer, Mahomet occupe évidemment la une", note Philippe Marcacci de "L'Est Républicain". Ni provocation, ni recul Jean-Louis Hervois, dans la "Charente Libre", écrit, "comment ne pas regarder en face ce dessin tant il affirme ces valeurs dont on sait qu'elles ont fondé notre histoire ?" "Il faut aujourd'hui acheter 'Charlie Hebdo'" (Avec AFP)

"Leur mort bouleverse le monde" Ils sont à 18 000 kilomètres de Paris et pourtant, eux aussi ont observé une minute de silence, jeudi, en même temps que les Français. La scène s’est déroulée à Sydney, où des centaines d’Australiens sont descendus dans la rue avec, à la main, des pancartes « Je suis Charlie ». Même recueillement, même élan de solidarité à Bruxelles, à Madrid, à Londres, à Rome, à Berlin… Sur les réseaux sociaux, dans les rédactions, des messages affluent de partout, pour dire l’émotion, la tristesse, le refus de tout engrenage de haine. Depuis Gaza, nous avons reçu celui de Ziad Medoukh, notre ami Ziad, professeur de français, si souvent porte-voix, dans ces colonnes, des Palestiniens de ce territoire meurtri. « Malgré notre souffrance en Palestine, nous pensons aux familles de ces victimes tuées ce mercredi par des criminels, écrit-il. Un grand hommage de Gaza la détruite aux victimes de cet acte barbare.

Marche républicaine: c'était il y a 2 semaines | Clément Lefer Ce 11 janvier 2015, Raphaël Botton, Aliénor Collen et moi même avions décidé de prendre part à la marche organisée à Paris en l'hommage des victimes de Charlie Hebdo. Cette marche s'annonçait historique et symbolique, dans la mesure où nous étions également tous debout contre le terrorisme et pour la liberté d'expression. Caméra à l'épaule, nous avons rejoint la Place de la République très tôt pour prendre part à ce rassemblement phénoménal. Nous sentions qu'on allait vivre l'histoire, et une fois sur place, ce sentiment n'a fait que se renforcer. Lire aussi: Une anecdote qui m'a particulièrement marqué, avec les enfants sur les épaules de leurs parents, les drapeaux français brandis à l'unisson, la Marseillaise et les nombreux panneaux, c'est le témoignage d'un dame âgée. L'une des composante essentielle du court métrage est bien entendu le titre. Ouvrir le feu n'aura fait que rallumer la flamme. » Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici

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