Liberté religieuse contre liberté d’expression ? Pressions de conformité et rhétorique politiquement correcte. 1 M.
Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 106-134. 1Il est loin, du moins dans nos démocraties, le temps où les « injures » adressées à Dieu ou à la religion se voyaient sanctionnées comme telles – comme des blasphèmes. La fin du xxe siècle a témoigné à cet égard d’un progrès et d’une régression, les deux se trouvant liés. Progrès : on ne protégerait plus la religion, mais plutôt les individus et leurs droits. Régression : et si la vieille répression du blasphème se poursuivait toujours – certes atténuée dans ses effets, grâce au progrès de la justice pénale et à une plus grande « douceur des peines1 » – mais sous le masque de la protection des droits de l’homme ?
2Je me propose, dans les limites de ce bref article, de mettre à jour différentes stratégies rhétoriques par lesquelles une telle idée se trouve mise en œuvre. 2 V. 3Mais tout d’abord, je voudrais relier la question du blasphème à celle de la « politique des identités2 ». 4 S. 6 V. 7 Cantwell v. 14 P. Du crime de blasphème à la liberté d’expression - Témoignage Chrétien. Sous l’Ancien Régime, la censure royale et religieuse ne s’exerce pas que sur les imprimés.
L’esprit des Lumières se heurte aux châtiments cruels qu’on inflige à ceux qui refusent de faire allégeance aux dogmes de l’Église. Le chevalier de La Barre, exécuté en 1766 pour ne pas avoir ôté son chapeau au passage d’une procession, deviendra, au XIXe siècle, le symbole même du libre-penseur. La Révolution inaugure en France le temps démocratique de la liberté d’expression avec l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions […] pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » L’article suivant stipule que « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement » et ce droit est même défini comme « un des […] plus précieux ».
TC, les scandales et le sacré - Témoignage Chrétien. En 1966, nous sommes encore dans le souffle du Concile.
Les religieuses abandonnent guimpes et cornettes quand l’adaptation au cinéma de La Religieuse, roman de Diderot mettant en scène les sévices subis par une femme cloîtrée malgré elle, fait débat dans les colonnes de TC. Madeleine Garrigou-Lagrange, sans soutenir explicitement l’interdiction aux moins de 18 ans prononcée le 22 mars 1966, dit comprendre que les religieuses françaises aient intercédé auprès du gouvernement. Et de conclure sur « un film austère, peu accessible au grand public et dont l’interdiction aux moins de 18 ans devrait décourager, de toute façon, les exploitants des salles populaires ». Le souci « des masses » cache à la journaliste les enjeux de la liberté d’expression et lui évitent de se confronter directement à l’œuvre. De fait, le jour même de la parution, le 31 mars, le film sera finalement censuré ; sa distribution ne reprendra que l’année suivante.
Anthony Favier. Jésus et le blasphème - Témoignage Chrétien. Jésus de Nazareth a été accusé de blasphème.
Tous les Évangiles concordent sur ce point. Pour les docteurs de la Loi, la cause était entendue : il prétendait « remettre les péchés », ce qui appartient à Dieu seul (Lc 5, 21). Chez Jean, les autorités juives sont plus précises encore : « Nous ne cherchons pas à te faire lapider pour une bonne œuvre, mais pour un blasphème : tu es un homme et tu te fais toi-même Dieu » (Jn 10, 33) ; et c’est la raison qu’invoquera le grand prêtre pour le livrer au pouvoir romain (Mt 26, 65 ; Mc 14, 64).
Qu’est-ce que cela signifie pour le judaïsme contemporain de Jésus et pour le christianisme naissant ? La crise iconoclaste - Témoignage Chrétien. La question de la représentation du sacré de manière figurative n’est pas neuve.
Dans la tradition chrétienne, elle a été l’occasion d’un grand débat à Constantinople pendant plus d’un siècle, de 730 à 843, au cours d’une crise aussi politique que religieuse durant laquelle le parti des iconoclastes et celui des iconodoules s’affrontèrent tant intellectuellement que physiquement. Tous y participèrent : le pouvoir impérial et l’armée ainsi que les patriarches et les moines de l’Église byzantine. Les iconoclastes, dont le chef de file était l’empereur isaurien Léon III (v. 680-741), s’appuyaient sur la condamnation formelle par les Écritures du culte de l’image. Ils refusaient de ce fait qu’on puisse adorer le Christ, et même la Vierge et les saints, sous la forme d’une représentation qui emprisonnait la divinité ou la sainteté dans une production matérielle humaine.