Le retour du boomerang Au-delà de la polémique électoralement intéressée, et assez indigne, sur les mesures de sécurité prises, ou mal prises, par le gouvernement, la classe politique, les médias, l’opinion elle-même devraient s’interroger sur leurs responsabilités de longue durée dans le désastre que nous vivons. Celui-ci est le fruit vénéneux d’un enchaînement d’erreurs que nous avons commises depuis au moins les années 1970, et que nous avons démocratiquement validées dans les urnes à intervalles réguliers. La démission de l’Europe sur la question palestinienne, dès lors que sa diplomatie commençait là où s’arrêtaient les intérêts israéliens, a installé le sentiment d’un «deux poids deux mesures», propice à l’instrumentalisation et à la radicalisation de la rancœur antioccidentale, voire antichrétienne et antisémite. Les situations inextricables de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, de la Libye ne sont que la résultante de ces erreurs de calcul, ou de ces calculs à courte vue. Jean-François Bayart
Ventes d’armes : le grand boom des exportations françaises Les exportations d'armement de la France entre 2010 et 2014 C’est un record que l’exécutif ne boude pas. Alors que François Hollande, avant de décoller pour l’Algérie, inaugure ce lundi le salon de l’aéronautique, civile et militaire, du Bourget, il pourra s’enorgueillir d’être le premier président à avoir exporté le Rafale. Doublant, au minimum, le montant annuel des commandes d’armement cette année. 2014 avait déjà été prospère pour les industriels de la défense, 2015 devrait battre tous les records : 15 milliards d’euros. Hugo Meijer, chercheur au King’s College de Londres et rattaché à Sciences-Po, nuance un peu ce bilan : «Les exportations françaises d’armement sont 30 % plus basses en 2010-2014 que sur la période précédente, entre 2005 et 2009.» Ce qui accentue, par contraste, le «record» de 2015 et la bonne performance en 2014. Plan B des pays arabes «Le Drian a pris le dessus» Les commandes annuelles d'armement français et les principaux pays vendeurs d'armes Rotor gagnant
Ces (nombreux) pays que l'existence de Daech arrange bien Olivier Roy, spécialiste de l'islam et fin connaisseur du djihadisme, est professeur à l'Institut universitaire européen de Florence. Il est notamment l'auteur de "La Peur de l'islam" (L'Aube, 2015) et de "L'échec de l'Islam politique" (Points, 2015). Comment peut-on lutter efficacement contre Daech ? - La question de la lutte contre Daech est rendue plus complexe du fait que certains acteurs dans la région n'ont pas intérêt à le voir disparaître. Ils trouvent dans son existence un intérêt par défaut : il n'est pas leur ennemi principal mais secondaire. En Irak, les tribus sunnites ont eu recours à Daech pour se protéger des exactions des milices chiites ; les chiites d'Irak, eux, ne veulent pas prendre Falloujah ou Mossoul. Donc aucun acteur régional n'est prêt à en découdre au sol pour reprendre les terres sunnites de Daech ? - Non. La France, peut-être elle seule, voudrait éradiquer Daech. Bloqué au Moyen-Orient, Daech se lance donc dans une fuite en avant : le terrorisme globalisé.
Monsieur le Président, vous êtes tombé dans le piège ! L'écrivain et historien belge David Van Reybrouck considère que François Hollande est tombé dans le piège des terroristes. « Vous avez accepté leur invitation au djihad avec enthousiasme. Mais cette réponse, que vous avez voulue ferme, fait courir le risque monstrueux d’accélérer encore la spirale de la violence. Je ne la trouve pas judicieuse. » Monsieur le Président, Le choix extraordinairement irréfléchi de la terminologie que vous avez utilisée dans votre discours du samedi après-midi, où vous répétiez qu’il s’agissait d’un « crime de guerre » perpétré par « une armée terroriste » m’a interpellé. « Ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France, est un acte de guerre, et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées. Les conséquences de ces paroles historiques sont connues. Bref, sans l’invasion idiote de Bush en Irak, il n’y aurait jamais été question de DAECH. Et pourtant, que faites-vous ? Vous parlez d’une « armée terroriste ».
Aux origines de Daech : la guerre du pétrole La France peut-elle continuer de signer des contrats avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, alors que ces deux pays ont contribué à fabriquer Daech contre lequel nous sommes aujourd’hui en "guerre" ? Comme le démontre notre enquête, le rôle joué par ses deux pays est en effet plus que trouble. L'influence de l'Arabie Saoudite et du Qatar Lors du renversement de Saddam Hussein, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont les intérêts divergent souvent par ailleurs, se rejoingent dans la crainte commune de voir se dessiner un croissant chiite aux frontières de leurs pays sunnites. Des enjeux économiques à l'origine de la montée en puissance de Daech Dans une région dont la complexité sociale politique et religieuse est séculaire, des projets économiques contemporains ont cristallisé la situation : en 2010, l’Iran projette de construire un pipe-line qui passerait par l’Irak et la Syrie pour acheminer du pétrole et du gaz vers la méditerranée. Le groupe Etat islamique en passe de devenir autosuffisant
La guerre d’Hollande Lignes quotidiennes, 15 novembre 2015 Akram Belkaïd, Paris La guerre… Ce mot est dans toutes les déclarations officielles, martelé en boucle par le président François Hollande et son Premier ministre Manuel Valls, repris à l’unisson, et avec une certain jubilation malsaine, par les médias et leurs inévitables panels de spécialistes habiles à combler d’interminables temps d’antenne. Cette guerre, c’est la France qui l’a commencée. Cette guerre, la France s’y est encore plus engagée depuis peu en bombardant Daech en Syrie (et en rendant donc un service indirect au régime de Bachar al-Assad). La guerre donc… Une guerre se gagne ou se perd. « Votre guerre, nos morts » est un slogan qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux dès vendredi soir.
J’ai été otage de l’État islamique. Daesh craint plus notre unité que nos frappes aériennes | Nicolas Hénin En tant que français et fier de l’être, je suis bouleversé, comme tout le monde, par les événements de Paris. Mais je ne suis ni surpris, ni incrédule. Je connais l’État islamique dont j’ai été l’otage pendant dix mois et j’ai une certitude : notre douleur, notre tristesse, nos espoirs, nos vies ne les touchent pas. Leur monde est à part. La plupart des gens ne connaissent les djihadistes de l’État islamique qu’à travers leurs documents de propagande. Moi, je les ai vus de l’intérieur. Il m’arrive encore maintenant de parler à certains d’entre eux sur les réseaux sociaux, et je peux vous dire que l’idée que vous vous faites d’eux est pour l’essentiel le résultat d’une campagne de marketing et de relations publiques. Tous les otages décapités l’an dernier étaient mes compagnons de cellule. Ils procédaient à des simulacres d’exécution. Ils riaient et j’ai joué le jeu en hurlant, mais ce n’était pour eux qu’un amusement. Ils sont convaincus d’être du bon côté. Pourquoi la France ?
Se sortir de la guerre Un pays abasourdi par un déchainement de violence inouïe… La sidération devant l’horreur d’un massacre inédit chez nous, depuis bien longtemps… Ce qui, depuis si longtemps et la plupart du temps dans l’indifférence, est le lot récurrent de nombreux pays d’Afrique et d’Asie envahit notre horizon. Ni Karachi, ni Bombay, ni Bagdad, ni Mogadiscio, ni Ankara, mais Paris. La France découvre que la guerre avec "zéro mort" n’existe pas. L’état de guerre Au début septembre, le gouvernement français décidait de s’engager dans la voie des frappes aériennes contre l’État islamique. Pour une part, nous restons dans une logique qui, depuis au moins septembre 2001, est celle du monde occidental. « Nous avons une guerre à mener », déclarait Manuel Valls au lendemain de la tuerie de janvier dernier. « La guerre a été déclarée à la France, à ses institutions », surenchérissait Nicolas Sarkozy au même moment. Impuissance des armes technologiques Au bout du chemin, nous n’avons pas la sécurité promise.
L'islamisation de la radicalité Devant un défilé à Raqqa Stringer © Reuters Un éclairage inédit est projeté dans Le Monde par Olivier Roy sur la radicalisation d’une frange de la jeunesse musulmane de notre pays. Selon lui – je cite « il ne s'agit pas de la radicalisation de l'islam, mais de l'islamisation de la radicalité ». Dans les pages Champs Libres du Figaro Renaud Girard revient sur les ambiguïtés de la politique turque à l’égard des djihadistes, longtemps autorisés à passer sur son territoire pour rejoindre la Syrie L’article illustre, en se limitant au cas de la Turquie, la complexité des rapports de force et des enjeux disparates sur le terrain, où chacun essaie de tirer la couverture à soi sans le moindre souci de donner au semblant de coalition le début d’une consistance quelconque, les Russes au premier chef. Jacques Munier
« Guerre contre le terrorisme », acte III, par Alain Gresh (Le Monde diplomatique, octobre 2014) Qu’on ne s’y trompe pas. C’est à une relance de la « guerre contre le terrorisme » que l’on assiste au Proche-Orient, dans la droite ligne de la croisade déclenchée par le président George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Lors de son accession à la Maison Blanche, M. Barack Obama avait procédé à des révisions indispensables après les échecs cuisants subis en Irak et en Afghanistan. Son administration avait banni l’expression « guerre contre le terrorisme » et, surtout, s’était engagée à extirper les Etats-Unis de ces deux bourbiers. Mais les crises se rappelaient quotidiennement au département d’Etat, et Washington ne s’est pas retiré. Le discours de M. A première vue, la coalition d’Etats dressée contre l’OEI semble plus redoutable que celle mise sur pied naguère contre le régime de Mouammar Kadhafi. Hésitations de la Turquie Elles s’expliquent d’abord par son implication dans le conflit syrien et la priorité accordée à la chute du régime de M.
L’Arabie saoudite, un Daech qui a réussi Daech noir, Daech blanc. Le premier égorge, tue, lapide, coupe les mains, détruit le patrimoine de l’humanité, et déteste l’archéologie, la femme et l’étranger non-musulman. Le second est mieux habillé et plus propre, mais il fait la même chose. L’Etat islamique et l’Arabie saoudite. Dans sa lutte contre le terrorisme, l’Occident mène la guerre contre l’un tout en serrant la main de l’autre. Le wahhabisme, radicalisme messianique né au 18ème siècle, a l’idée de restaurer un califat fantasmé autour d’un désert, un livre sacré et deux lieux saints, la Mecque et Médine. Lire aussi: «Inutile de vouloir réformer l'Islam» Les nouvelles générations extrémistes du monde dit «arabe» ne sont pas nées djihadistes. Il faut vivre dans le monde musulman pour comprendre l’immense pouvoir de transformation des chaines TV religieuses sur la société par le biais de ses maillons faibles: les ménages, les femmes, les milieux ruraux. Lire également: «Dégageons du Moyen-Orient!»
41 men targeted but 1,147 people killed: US drone strikes – the facts on the ground | US news The drones came for Ayman Zawahiri on 13 January 2006, hovering over a village in Pakistan called Damadola. Ten months later, they came again for the man who would become al-Qaida’s leader, this time in Bajaur. Eight years later, Zawahiri is still alive. Seventy-six children and 29 adults, according to reports after the two strikes, are not. However many Americans know who Zawahiri is, far fewer are familiar with Qari Hussain. Finally, on 15 October 2010, Hellfire missiles fired from a Predator or Reaper drone killed Hussain, the Pakistani Taliban later confirmed. A new analysis of the data available to the public about drone strikes, conducted by the human-rights group Reprieve, indicates that even when operators target specific individuals – the most focused effort of what Barack Obama calls “targeted killing” – they kill vastly more people than their targets, often needing to strike multiple times. Some 24 men specifically targeted in Pakistan resulted in the death of 874 people.
Dans le Daily Beast, l'incroyable récit d'un ancien maître espion de l'Etat islamique C'est un document unique et terrifiant: le récit en quatre épisodes d'une rencontre hallucinée entre le journaliste du média en ligne américain The Daily Beast Michael Weiss et Abou Khaled, un Syrien éduqué et polyglotte. Il est devenu, en octobre 2014, après les premières frappes américaines contre Raqqa, espion et formateur pour le compte de l'Etat islamique (EI), avant de quitter finalement l'organisation en septembre 2015. On y croise des émirs en BMW, des chefs sanguinaires transformés en héros de légende, des médecins richissimes, et beaucoup, beaucoup de morts. L'entretien s'est déroulé sur trois journées en octobre 2015 à Istanbul, et a été publié juste après les attentats de Paris. Episode 1. Est-il fiable? Lire le premier épisode Episode 2. Les candidats à la mort en martyr ne manquent pas, explique Abou Khaled. Lire le second épisode Episode 3. Au-delà de la peur, l’EI compte aussi sur l’endoctrinement pour régner. Lire le troisième épisode Episode 4.
Le malheur des uns fait le bonheur des marchands de canons (et de leurs actionnaires) Glenn Greenwald, le journaliste de l’affaire Snowden, a choisi d’illustrer les attentats de Paris d’une manière particulière, mais très pertinente : les cours des fabricants d’armes sont en hausse, aux Etats-Unis comme en France ! Dans The Intercept, le site qu’il a cofondé après avoir quitté The Guardian, Greenwald souligne que ces actions sont en hausse depuis les attentats du 13 novembre et l’engagement accru de la France à combattre les djihadistes de l’Etat islamique autoproclamé. Pour la France, Greenwald commente que le cours de Thales, l’un des principaux fournisseurs de matériel électronique de l’armée française, est en hausse de près de 3% alors que le CAC 40 est en baisse. Thales n’est pas le seul à profiter de la surenchère sécuritaire : les actions de Raytheon (+3,41%), Northrop Grumman (+5,75%), Lockheed Martin (+5,25%), fabricants d’avions de combat, de missiles, ou encore de matériel de cybersécurité, sont en forte hausse aux Etats-Unis.