PROJET D’ARTICLE POUR « L’ENCYCLOPÉDIE AU XXIème SIÈCLE » : École (économique) de Chicago, par Bertrand Rouziès-Leonardi École libre du totalitarisme ou école totalitaire de la liberté. – Vous êtes libres de choisir. De quoi vous plaignez-vous ? – Forme une triade horrifique avec l’école ordolibérale allemande et l’école autrichienne. Son directeur le plus connu : feu Milton Friedman, homme de paix que son prénom renvoie en enfer. L’école de Chicago, d’inspiration libérale, se caractérise par de hautes ambitions en matière de liberté. L’école de Chicago est considérée comme la forge du monétarisme, du néolibéralisme et du libertarianisme. Monétarisme, néolibéralisme, libertarianisme. Friedman appartient à la seconde époque de l’école de Chicago, celle inaugurée par la fondation, en 1947, de la Société du Mont-Pèlerin, véritable hélépole lancée contre le mur en construction du projet keynésien de pacification des échanges et contre la redoute bien défendue mais pas encore tout à fait sèche du programme du CNR.
L'accordéon de la philanthropie globale, par Bernard Hours Avec la prolifération des initiatives dites « humanitaires », généreuses, solidaires, s’installe une certaine confusion. Solidarité, aide, charité, urgence humanitaire : de quoi parle-t-on ? Derrière un chantage permanent à l’indifférence à l’égard du malheur d’autrui, ne voit-on pas se dessiner et se développer une vaste entreprise de formatage moral et global ? On peut d’abord souligner la dimension privée et non publique de ces actions et des discours qui les accompagnent. Au XXe siècle, l’Etat dit « providence » met en œuvre des politiques visant à améliorer la vie des citoyens. Un tel phénomène s’interprète dans un cadre idéologique global. Une propagande insidieuse Ce phénomène se révèle analogue dans sa forme à celui des milices qui viennent se substituer à la police dans les quartiers à risque. On comprend alors que les hommes s’indignent plus fréquemment qu’ils ne se révoltent. Le chantage des puissances Des émotions fugaces
Moi, adorateur de Jean-Claude Michéa, infiltré à Slate Nous autres, jeanclaudemichéistes, avons repris depuis peu notre patient travail de jeanclaudemichéisation de la sphère médiatique. Il faut dire que le moment est crucial pour nous. Jean-Claude Michéa vient de publier Les mystères de la gauche, de l’idéal des lumières au triomphe du capitalisme absolu, pour approfondir son précédent essai, Le Complexe d’Orphée. Or quand un nouveau volume michéien paraît, nous nous précipitons en librairie en quête des nouvelles sourates michéiennes, qui à chaque fois raffinent un peu plus notre connaissance de l’Œuvre. Nous les postons ensuite sur les réseaux sociaux, les lisons à haute voix à nos amis en soirée ou, pour les plus élevés dans l’ordre michéiste, les plaçons en citation sur notre bio twitter ou sur notre blog. publicité Je vous écris depuis Slate, un site notoirement jeanclaudemichéosceptique, et je ne sais pas encore quel sort me sera réservé après ce texte politique. Jean-Claude Michéa, fais nous mal, car c’est ce que nous aimons ...
PÉREMPTION DU DÉCLIN, par Bertrand Rouziès-Leonardi Billet invité. Mes chers compatriotes, nous déclinons. La France n’est plus ce qu’elle était. La nouvelle n’est pas neuve. La République, en effet, comme bien des régimes, a été frappée de déclin quasiment dès l’origine, dans tous ses avatars successifs, notamment à cause d’affaires de concussion retentissantes et de témoignages répétés d’impéritie qui ont immanquablement fait les gorges chaudes de l’opposition réactionnaire ou révolutionnaire. Hasard heureux du calendrier, le jour même où le baril Cahuzac explosait, les auditeurs de France Culture pouvaient entendre dans la matinale Brice Couturier et Luc Chatel railler de conserve l’inflation normative française en matière de construction et donner comme exemples d’absurdité les empêchements et les retards induits par la préservation de l’habitat d’un scarabée ou d’une alouette. La déclinologie, en République, n’est pas née de la dernière pluie acide. Qu’y avait-il en face de Barrès et consorts ? Et maintenant ?
Pierre Rabhi : "le superflu est sans limites alors qu'on n'assure pas l'indispensable" Après un premier entretien il y a quinze jours, Reporterre retrouve Pierre Rabhi pour prolonger la discussion sur les grands enjeux écologiques de la société française. Le gouvernement organise un débat public national la « transition énergétique ». Qu’en attendez-vous ? Que doit mettre en place le gouvernement ? Pierre Rabhi - Avant toute chose, il faut d’abord qu’on réduise notre avidité. Comment voulez-vous répondre à une insatiabilité permanente par des ressources limitées ? On ne met jamais en évidence ce que l’on a, ce qui peut déjà nous réjouir. Et les gaz de schistes participent de cette tendance énergivore… Ca prouve une fois de plus que la civilisation moderne est la civilisation la plus fragile de toute l’histoire de l’humanité. Pourtant, notre population augmente, nous sommes sept milliards d’êtres humains sur Terre, bientôt neuf. Non, l’histoire de la démographie n’a rien à voir là-dedans. D’aucune. Vous n’avez pas d’avis sur le mariage homosexuel ? Si, bien sûr.
COMMENT JE SUIS DEVENU UN SOCIAL-DÉMOCRATE EXTRÉMISTE, par Michel Leis Billet invité Mon entrée dans l’adolescence a coïncidé avec la fin des Trente Glorieuses. De la période qui a précédé, il ne me reste que des souvenirs assez lointains et l’impression que la croyance dans de beaux lendemains était partagée par le plus grand nombre, à commencer par mes parents. Les livres de mon enfance s’extasiaient sur les progrès de la technique quand la télévision (encore en noir et blanc) retransmettait les premiers pas de l’homme sur la lune. L’histoire individuelle et la nostalgie sont des prismes qui déforment une réalité autrement plus âpre. Pour expliquer ces avancées, on peut mettre en avant la volonté du monde politique de mettre en œuvre des réformes. On peut aussi s’interroger sur la relation entre les nombreux conflits de toute nature et les avancées qui en ont découlé. L’un des éléments fondateurs de cette combinaison aura été paradoxalement la guerre froide. Ce relâchement des tensions suppose la réalisation d’un certain nombre de conditions.
Réformes sociétales et Néolibéralisme Atlantico : Dans son discours mercredi à l’Assemblée nationale, Christiane Taubira a déclaré : "Depuis des siècles, l’évolution du mariage va vers l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons l’égalité et nous en sommes fiers". A rejeter leurs opposants du mauvais côté de l'Histoire, les partisans du mariage homosexuel s'inscrivent-ils dans la tradition soixante-huitarde ? Jean-Pierre Le Goff : Ils s’inscrivent en partie dans cette tradition tout en la détournant et en l’orientant vers de nouveaux horizons qui n’ont plus grand chose à voir avec la logique de subversion de l’époque. Dans les années qui suivent mai 1968, le courant de la libération du désir qui s’opposait à l’extrême gauche traditionnelle entendait « disposer librement de son corps » en renversant tous les interdits et les tabous de l’époque. On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Jean-François Kahn : Par définition, la gauche soixante-huitarde ostracise l'adversaire.
Aide-mémoire N° 67 : L’« extrême-droite économique » ou « fascisme en col blanc », un entretien avec Paul Jorion Un entretien que j’ai accordé au magazine Aide-mémoire, édité par l’association Les territoires de la mémoire. Centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté. Dans vos écrits, vous avez évoqué à plusieurs reprises l’existence d’une « extrême-droite économique » ou encore d’un « fascisme en col blanc ». L’extrême-droite économique consiste essentiellement en un projet de société inégalitaire qui est de reconstituer un système de type féodal, c’est-à-dire une société extrêmement hiérarchisée. Le système qui est ici proposé est clairement non démocratique. Cette extrême-droite économique a-t-elle une incarnation politique et, si oui, quelle est-elle ? Son incarnation politique se résume en l’élimination de la politique comme ayant une quelconque importance par rapport à ses prises de décision. À leur sujet, vous parliez récemment de « prêtres d’une religion féroce ». Oui, tout à fait. Absolument. Tout d’abord parce que c’était un démocrate.
Jürgen Habermas : La démocratie en jeu La crise de la zone euro rend nécessaire une plus grande intégration politique de l’UE, constate le sociologue allemand. Mais la voie empruntée par les dirigeants européens laisse de côté ce qui devrait être leur priorité : le bien-être des citoyens, établi dans un cadre démocratique. Extraits. A court terme, la crise requiert la plus grande attention. Une paralysie généralisée Tous les gouvernements concernés se retrouvent désemparés et paralysés face au dilemme entre d'une part les impératifs des grandes banques et des agences de notation et d'autre part leur crainte face à la perte de légitimation qui les menace auprès de leur population frustrée. Seul le populisme de droite projette les grands sujets nationaux Pourquoi cette paralysie ? Des négociations dans des zones juridiques grises Au lieu de cela nous constatons des tactiques dilatoires du côté des gouvernements, et un rejet de type populiste du projet européen dans son ensemble du côté des populations.
VERS LA POST DÉMOCRATIE ? [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] Sombre tableau Àl’aide de multiples graphiques et avec un sens de la pédagogie qui ne nous épargne aucun détail du sombre tableau qu’il dresse, Wolfgang Streeck, professeur de l’université de Cologne, né en 1946, montre comment l’actuel triomphe du marché, fâché avec la croissance dès le milieu des années 1970, se produit alors que ledit marché n’est plus en mesure que d’empiler de la dette. Dans son avatar « néolibéral », le capitalisme se révèle donc incapable d’honorer les promesses de l’Etat social d’après-guerre, et la politique qu’il reconfigure sous nos yeux se met au service d’un autre peuple, celui des « rentiers » du capital, qui ne maintient son emprise sur l’opinion publique qu’en anesthésiant celle-ci par le biais d’une industrie culturelle envahissante – et en lui martelant l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] En fait, le vaisseau navigue à vue, sans perspective.
La raison délirante de l’Europe, un nouveau fascisme mou ? Il est temps d’ouvrir les yeux : les autorités qui se trouvent à la tête de l’Europe incarnent un fascisme nouveau. Ce fascisme, ce n’est plus celui, manifeste et assumé, qui a fait du XXe siècle l’un des grands siècles de la laideur politique ; il s’agit plutôt d’un fascisme mou et retors, dissimulant ses intentions mauvaises derrière un langage qui se voudrait de raison. Mais la raison que manifestent tous ceux qui, aujourd’hui, se trouvent forcés de discuter avec le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, est en réalité une raison délirante. Elle l’est sur plusieurs plans. Premièrement, la raison européenne est délirante sur le plan politique : chaque nouveau geste posé par les autorités de l’Europe (ainsi, en dernier lieu, celui du directeur de la Banque centrale, Mario Draghi) affiche davantage le mépris des principes sur lesquels elle se prétend fondée par ailleurs. Troisièmement, la raison européenne est délirante du point de vue de la raison elle-même.
La Troïka, les banques et nous, par Zébu Billet invité. Le documentaire qu’Arte a diffusé ce mardi, « Puissante et incontrôlée : la Troïka », est un très bon documentaire. D’abord parce qu’il est réalisé par une chaîne franco-allemande, que c’est une production allemande et qu’il est présenté par un journaliste allemand, en allemand [1]. Ensuite, ce documentaire est très récent et intègre les derniers bouleversements politiques en Grèce, et même une interview de M. Et bien qu’il soit instruit en bonne partie ‘à charge’ contre la Troïka, ce documentaire prend aussi le soin de donner la parole à certains acteurs, en Grèce ou au Portugal, qui continuent de défendre la nécessité d’un tel programme et d’une telle ‘institution’, si tant est que l’on puisse dénommer ainsi ‘quelque chose’ qui n’a pas d’existence légale. Il n’en reste pas moins que deux institutions majeures de la Troïka n’ont pas souhaité participer à ce film et répondre à ses questions : la BCE et la Commission européenne. Les banques, européennes, donc.
Européisme et nazisme... Das Jahr 2015 Nos annalistes et écrivains d’hier, entrevoyaient parfois assez clairement les fentes du temps humain qui est le nôtre. “Je me souviens de la maison sous l'Occupation, toujours fermée. Pendant la Guerre civile, même chose. Plus tard, je dus m'éloigner pour longtemps. Yórgos Ioánnou (1927-1985) dont l'œuvre est reconnue comme l'une des plus originales de la littérature contemporaine grecque, est né à Thessalonique en 1927 dans une famille de réfugiés de Thrace orientale. Dans la nouvelle “Le seul héritage”, il décrit la mort prématurée des membres de sa famille. Ioánnou, a introduit en Grèce un genre nouveau, où la réalité la plus quotidienne et la plus intime se trouvait transposée en des textes courts, à mi-chemin de la nouvelle et de la confession, écrits toujours à la première personne. Je voudrais alors, pour les besoins de mon analyse, préciser un certain angle manifeste quant à la lecture des textes, et... pour ainsi dire ignoré des lecteurs d’Ioánnou au-delà de la Grèce.
Néolibéralisme globalisé et fascisme, une équation improbable ? LE MONDE | • Mis à jour le | Par Margherita Nasi Afin de sanctionner l’abus d’alcool, la ville de Londres expérimente en 2012 un nouveau dispositif : poser autour de la cheville d’individus arrêtés en état d’ébriété un boîtier électronique permettant de mesurer leur taux d’alcool toutes les 30 minutes. « C’est efficace et moins cher », commente alors le maire de la ville, Boris Johnson. Le professeur de psychopathologie clinique Roland Gori porte un regard plus sévère sur cette pratique. Une fois le dispositif enlevé, ces personnes ont tendance à récidiver comme les autres. Totalitarisme de la technique Dans La dignité de penser (Les Liens qui libèrent, 2011), Roland Gori critiquait déjà ce totalitarisme de la technique dans la recomposition des métiers et la prolétarisation généralisée de l’existence. Car cette normalisation des comportements par la technique « s’est très tôt alliée aux exigences de la production industrielle et aux intérêts politiques de ceux qui en tiraient profit ».