La compétitivité, un mythe en vogue, par Gilles Ardinat Singulier unanimisme. L’ancien ministre des affaires étrangères Alain Juppé révélait, le 28 août dernier, « le vrai problème de l’économie française » : son manque de compétitivité (matinale de France Inter). Un mois auparavant, à l’annonce de huit mille licenciements par le groupe Peugeot (PSA), M. L’accord parfait des ténors de l’UMP offrait un étonnant écho à celui des salons de Bercy et du palais de Matignon. De la stratégie de Lisbonne, qui, en 2000, fixait un « nouvel objectif » à l’Union européenne — « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » — aux « accords compétitivité-emploi », lancés par le président Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat, des injonctions à la « compétitivité fiscale » du patronat britannique aux plans de « compétitivité industrielle » de son homologue espagnol, le mot est sur toutes les lèvres. Au sens le plus large, le terme désigne la capacité à affronter la concurrence avec succès.
Informer, disaient-ils (Le Monde diplomatique, 16 octobre 2014) Lorsque, en juillet 2013, l’avion du président bolivien Evo Morales fut séquestré par les autorités européennes au prétexte de s’assurer qu’il n’emportait pas Edward Snowden comme passager clandestin, cette transgression des règles diplomatiques les plus élémentaires scandalisa les peuples d’Amérique latine. Ils y virent une marque de mépris et d’arrogance néocoloniale. En France, on évoqua à peine cette affaire. A quelques exceptions près (lire « “Moi, président de la Bolivie, séquestré en Europe” »). Quatre mois plus tard, en novembre 2013, un autre président latino américain de gauche, Rafael Correa, se rendit en visite officielle à Paris. Cette fois-ci, il ne subit aucune avanie. Comment expliquer que certains pays étrangers servent si volontiers de modèles à la presse française (Allemagne, Royaume-Uni, Irlande) alors que d’autres sont systématiquement ignorés (pays progressistes d’Amérique latine) ? Entendre autre chose que des discours formatés à la gloire de l’austérité.
Media Centre - George Entwistle: speech to BBC staff Bernard Stiegler : la déraison généralisée du court termisme Le consumérisme, qui est désormais la force structurante de nos sociétés, « repose sur le court-circuit de tout ce qui autrefois consistait à produire ce qu’on pourrait appeler des raisons d’agir », diagnostique le philosophe Bernard Stiegler, qui analyse la crise actuelle comme celle de sociétés déconstruites par le « court-termisme » qui les ronge, et souligne ses répercussions sur le psychisme des individus, en proie à la stupéfaction, et tétanisés - jusqu’à quand ? - devant les ruptures inévitables. Bernard Stiegler s’entretient avec la rédaction du journal de France Culture, 20 décembre 2011 Question : Où en sommes-nous depuis le déclenchement de la crise de 2008 ? (...) Bernard Stiegler : Oui, je pense que ce que décrit Vaclav Havel est un état de fait qui s’est installé depuis plusieurs décennies déjà, et dont la crise est un résultat. Cette crise, en quoi consiste-t-elle ? Ce processus d’investissement a été remplacé par la spéculation. Pourquoi n’y a-t-il pas de projets ?
Projet pour une presse libre, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, décembre 2014) Naguère, les nouveaux riches soucieux de parfaire leur intégration à la bonne société s’offraient un haras, une voiture ancienne ou une villa à Cabourg. Désormais, pour asseoir leur statut, ils s’achètent un journal. MM. A s’en tenir aux trois dernières décennies, on repère une séquence presque toujours identique. Libération a été racheté successivement par M. Le modèle mixte expire A en croire les analystes dominants de la presse, deux facteurs favorisent les sinistres à répétition. Ni les dérives de la presse contrôlée par M. Pareille cécité tient à une ambivalence vieille de deux siècles : l’information est pensée comme un bien public, mais produite comme une marchandise. Au fil du temps, le double caractère idéalement collectif et concrètement marchand de l’information s’est sédimenté sous la forme d’une tension entre le marché et l’Etat. La question fouette les imaginations depuis des lustres : nationalisation des infrastructures proposée par Léon Blum en 1928 (lire « M.
Le journaliste web et l’allégorie de la caverne Et si Internet avait remis au goût du jour l’allégorie de la caverne de Platon ? Et si les journalistes web étaient les nouveaux prisonniers d’une grotte numérique aux murs tapissés de contenus multimédia? « L’allégorie de la caverne met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine qui tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux. Elle expose, en termes imagés, la capacité des hommes à accéder à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance », nous explique l’article Wikipédia. Caricatural, le fait d’appliquer cette définition au journalisme web ? Dans le même temps, les ombres digitales sont plus que jamais vivantes et enivrantes au point de constituer à elles-seules un monde virtuel cohérent. Mais le web peut-il se suffire à lui-même, abreuvé de temps à autre par la chair fraîche de quelques infos de première main ?
2012 WWI Vers une prospérité durable, RIO + 20 (collectif) Sous le titre original de Moring Toward Sustainable Prosperity, la dernière édition du Worldwatch Institute dresse une synthèse des enjeux les plus important qui auraient du être débattus par le Sommet de la Terre à Rio, vingt ans après celui de Rio en 1992. Mais la planète continue de brûler et nous regardons toujours ailleurs. Voici quelques extraits : 1/3) Economie : La voie de la décroissance pour les pays surdéveloppés (Erik Assadourian) L’accélération du réchauffement de notre Terre et le déclin des services écosystémiques confirment que la décroissance économique est indispensable. En 2010, Barcelone a organisé la seconde Conférence internationale sur la décroissance économique pour la durabilité écologique et l’équité sociale. The Meatless Monday Campaign encourage les personnes à se passer de viande une journée par semaine pour réduire les impacts de la consommation de viande. La publicité pourrait être taxée. Il existe désormais un mouvement pour la décroissance. 1. 2. 3. 4.
Séries télévisées et bonheur conforme, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, août 1993) « Cinquante-deux pour cent de part de marché. » M. Claude Berda, co-responsable (avec M. Jean-Claude Azoulay) de la société A. B. Les chiffres d’audience sont éloquents : 39 % des enfants de 4 à 14 ans regarderaient le Miel et les Abeilles ; 40 % des personnes âgées de 15 à 49 ans seraient fidèles à Hélène et les garçons. Ce minimalisme culturel n’embarrasse nullement M. Ici, nul ballottage : la génération Mitterand-Balladur apprécie « l’amour toujours » que lui sert, chaque soir de semaine, la chaîne du groupe Bouygues. Un acteur parle : il paraît à l’écran. Le ciel punit les infidèles Soit par manque de veine créatrice, soit pour provoquer un sentiment de familiarité (ou d’accoutumance), les histoires se répètent, traînent en longueur et tournent en rond. En mars 1993, l’un des magazines à succès (conçu par A. A l’écran, la scène du pardon donnera ceci : Hélène : « C’est trop tard, Nicolas. Nicolas : « Pardon, pardon ! Hélène : « Prends-moi dans tes bras. Imagination lobotomisée
Le journalisme est-il soluble dans l’ère numérique ? La presse est en crise et ce n’est pas nouveau. Le modèle industriel des entreprises de presse est à bout de souffle et l’ère numérique n’a fait qu’accélérer et précipiter un déclin entamé il y a une vingtaine d’années. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer quelques chiffres : en dix ans, plusieurs dizaines de titres ont disparu aux États-Unis et en 2008, 16 000 journalistes américains ont été licenciés alors qu’ils étaient 2 000 à perdre leur emploi en 2007. En France, entre 2009 et 2011, le nombre de cartes de presse a diminué de 1 089 et la disparition de La Tribune et de France Soir n’augure rien de bon pour les années à venir. Internet aurait-il pour autant donné le coup de grâce à la presse ? La lecture du journal n’est plus la « prière matinale de l’homme moderne », comme l’explique cette phrase célèbre attribuée à Hegel. In fine, le désintérêt pour la presse a entraîné une remise en cause profonde du métier de journaliste. La double mutation : économique et technologique
Nous y sommes ! Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusé. Franchement on s’est marré. Mais nous y sommes.A la Troisième Révolution. Oui. S’efforcer. Pas d’échappatoire, allons-y.