COMMENT JE SUIS DEVENU UN SOCIAL-DÉMOCRATE EXTRÉMISTE, par Michel Leis Billet invité Mon entrée dans l’adolescence a coïncidé avec la fin des Trente Glorieuses. De la période qui a précédé, il ne me reste que des souvenirs assez lointains et l’impression que la croyance dans de beaux lendemains était partagée par le plus grand nombre, à commencer par mes parents. Les livres de mon enfance s’extasiaient sur les progrès de la technique quand la télévision (encore en noir et blanc) retransmettait les premiers pas de l’homme sur la lune. La foi dans le progrès, la science et l’amélioration des conditions matérielles ne pouvaient conduire qu’à un avenir meilleur pour tous, du moins le pensais-je, le pensions-nous. L’histoire individuelle et la nostalgie sont des prismes qui déforment une réalité autrement plus âpre. Pour expliquer ces avancées, on peut mettre en avant la volonté du monde politique de mettre en œuvre des réformes. On peut aussi s’interroger sur la relation entre les nombreux conflits de toute nature et les avancées qui en ont découlé.
Réformes sociétales et Néolibéralisme Atlantico : Dans son discours mercredi à l’Assemblée nationale, Christiane Taubira a déclaré : "Depuis des siècles, l’évolution du mariage va vers l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons l’égalité et nous en sommes fiers". A rejeter leurs opposants du mauvais côté de l'Histoire, les partisans du mariage homosexuel s'inscrivent-ils dans la tradition soixante-huitarde ? Jean-Pierre Le Goff : Ils s’inscrivent en partie dans cette tradition tout en la détournant et en l’orientant vers de nouveaux horizons qui n’ont plus grand chose à voir avec la logique de subversion de l’époque. On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Jean-François Kahn : Par définition, la gauche soixante-huitarde ostracise l'adversaire. J'ai lu quelque-part un titre qui illustre bien cette tendance : "débat sur le mariage gay à l'Assemblée nationale : les premiers dérapages ".
PÉREMPTION DU DÉCLIN, par Bertrand Rouziès-Leonardi Billet invité. Mes chers compatriotes, nous déclinons. La France n’est plus ce qu’elle était. La nouvelle n’est pas neuve. Le chef de chœur des déclinologues, Nicolas Baverez, décline le déclin sur tous les tons depuis qu’il est entré dans l’âge mûr, comme s’il fallait que toute chose autour de lui se marquât plus profondément des signes de la péremption qu’il observe sur lui-même. Convenons néanmoins que ce penchant se manifeste avec une constance on ne peut plus rectiligne : Les trente piteuses, La France qui tombe, Nouveau Monde, vieille France, à quoi fait suite, formant chiasme, Vieux pays, siècle jeune. La République, en effet, comme bien des régimes, a été frappée de déclin quasiment dès l’origine, dans tous ses avatars successifs, notamment à cause d’affaires de concussion retentissantes et de témoignages répétés d’impéritie qui ont immanquablement fait les gorges chaudes de l’opposition réactionnaire ou révolutionnaire. Qu’y avait-il en face de Barrès et consorts ?
Moi, adorateur de Jean-Claude Michéa, infiltré à Slate Nous autres, jeanclaudemichéistes, avons repris depuis peu notre patient travail de jeanclaudemichéisation de la sphère médiatique. Il faut dire que le moment est crucial pour nous. Jean-Claude Michéa vient de publier Les mystères de la gauche, de l’idéal des lumières au triomphe du capitalisme absolu, pour approfondir son précédent essai, Le Complexe d’Orphée. Or quand un nouveau volume michéien paraît, nous nous précipitons en librairie en quête des nouvelles sourates michéiennes, qui à chaque fois raffinent un peu plus notre connaissance de l’Œuvre. publicité Je vous écris depuis Slate, un site notoirement jeanclaudemichéosceptique, et je ne sais pas encore quel sort me sera réservé après ce texte politique. Jean-Claude Michéa, fais nous mal, car c’est ce que nous aimons Depuis des années, Jean-Claude Michéa est un philosophe socialiste qui écrit des livres sur la gauche que personne à gauche ne lit. Soyons sérieux cinq minutes. ... L’adversaire est déstabilisé. Jean-Laurent Cassely
L'accordéon de la philanthropie globale, par Bernard Hours Avec la prolifération des initiatives dites « humanitaires », généreuses, solidaires, s’installe une certaine confusion. Solidarité, aide, charité, urgence humanitaire : de quoi parle-t-on ? Derrière un chantage permanent à l’indifférence à l’égard du malheur d’autrui, ne voit-on pas se dessiner et se développer une vaste entreprise de formatage moral et global ? Parce que ces débats se présentent comme éthiques, la critique est suspecte. Pourtant, le contenu du devoir de solidarité mérite d’être interrogé. On peut d’abord souligner la dimension privée et non publique de ces actions et des discours qui les accompagnent. Au XXe siècle, l’Etat dit « providence » met en œuvre des politiques visant à améliorer la vie des citoyens. Un tel phénomène s’interprète dans un cadre idéologique global. Une propagande insidieuse Ce phénomène se révèle analogue dans sa forme à celui des milices qui viennent se substituer à la police dans les quartiers à risque. Le chantage des puissances
PROJET D’ARTICLE POUR « L’ENCYCLOPÉDIE AU XXIème SIÈCLE » : École (économique) de Chicago, par Bertrand Rouziès-Leonardi École libre du totalitarisme ou école totalitaire de la liberté. – Vous êtes libres de choisir. De quoi vous plaignez-vous ? – Forme une triade horrifique avec l’école ordolibérale allemande et l’école autrichienne. Son directeur le plus connu : feu Milton Friedman, homme de paix que son prénom renvoie en enfer. Sa devise : « Life is unfair » (« La vie est injuste »), ce qui sous-entend non de la commisération mais le souci de tirer profit (« to deal with ») des injustices constatées. Les quelques miettes tombées de la table des goinfres suffisent à prouver que les bénéfices colossaux engrangés par ce moyen finissent toujours par ruisseler sur la tête des nécessiteux. L’école de Chicago, d’inspiration libérale, se caractérise par de hautes ambitions en matière de liberté. L’école de Chicago est considérée comme la forge du monétarisme, du néolibéralisme et du libertarianisme. Monétarisme, néolibéralisme, libertarianisme.
Jürgen Habermas : La démocratie en jeu La crise de la zone euro rend nécessaire une plus grande intégration politique de l’UE, constate le sociologue allemand. Mais la voie empruntée par les dirigeants européens laisse de côté ce qui devrait être leur priorité : le bien-être des citoyens, établi dans un cadre démocratique. Extraits. A court terme, la crise requiert la plus grande attention. Mais par-delà ceci, les acteurs politiques ne devraient pas oublier les défauts de construction qui sont au fondement de l'union monétaire et qui ne pourront pas être levés autrement que par une union politique adéquate : il manque à l'Union européenne les compétences nécessaires à l'harmonisation des économies nationales, qui connaissent des divergences drastiques dans leurs capacités de compétition. Une paralysie généralisée Seul le populisme de droite projette les grands sujets nationaux Pourquoi cette paralysie ? Des négociations dans des zones juridiques grises L'exercice d'une domination post-démocratique
Aide-mémoire N° 67 : L’« extrême-droite économique » ou « fascisme en col blanc », un entretien avec Paul Jorion Un entretien que j’ai accordé au magazine Aide-mémoire, édité par l’association Les territoires de la mémoire. Centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté. Dans vos écrits, vous avez évoqué à plusieurs reprises l’existence d’une « extrême-droite économique » ou encore d’un « fascisme en col blanc ». Qu’entendez-vous par là ? L’extrême-droite économique consiste essentiellement en un projet de société inégalitaire qui est de reconstituer un système de type féodal, c’est-à-dire une société extrêmement hiérarchisée. Le système qui est ici proposé est clairement non démocratique. Cette extrême-droite économique a-t-elle une incarnation politique et, si oui, quelle est-elle ? Son incarnation politique se résume en l’élimination de la politique comme ayant une quelconque importance par rapport à ses prises de décision. À leur sujet, vous parliez récemment de « prêtres d’une religion féroce ». Oui, tout à fait. Absolument. Tout d’abord parce que c’était un démocrate.
VERS LA POST DÉMOCRATIE ? [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] Sombre tableau Àl’aide de multiples graphiques et avec un sens de la pédagogie qui ne nous épargne aucun détail du sombre tableau qu’il dresse, Wolfgang Streeck, professeur de l’université de Cologne, né en 1946, montre comment l’actuel triomphe du marché, fâché avec la croissance dès le milieu des années 1970, se produit alors que ledit marché n’est plus en mesure que d’empiler de la dette. Dans son avatar « néolibéral », le capitalisme se révèle donc incapable d’honorer les promesses de l’Etat social d’après-guerre, et la politique qu’il reconfigure sous nos yeux se met au service d’un autre peuple, celui des « rentiers » du capital, qui ne maintient son emprise sur l’opinion publique qu’en anesthésiant celle-ci par le biais d’une industrie culturelle envahissante – et en lui martelant l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] En fait, le vaisseau navigue à vue, sans perspective.
La raison délirante de l’Europe, un nouveau fascisme mou ? Il est temps d’ouvrir les yeux : les autorités qui se trouvent à la tête de l’Europe incarnent un fascisme nouveau. Ce fascisme, ce n’est plus celui, manifeste et assumé, qui a fait du XXe siècle l’un des grands siècles de la laideur politique ; il s’agit plutôt d’un fascisme mou et retors, dissimulant ses intentions mauvaises derrière un langage qui se voudrait de raison. Mais la raison que manifestent tous ceux qui, aujourd’hui, se trouvent forcés de discuter avec le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, est en réalité une raison délirante. Elle l’est sur plusieurs plans. Premièrement, la raison européenne est délirante sur le plan politique : chaque nouveau geste posé par les autorités de l’Europe (ainsi, en dernier lieu, celui du directeur de la Banque centrale, Mario Draghi) affiche davantage le mépris des principes sur lesquels elle se prétend fondée par ailleurs. Troisièmement, la raison européenne est délirante du point de vue de la raison elle-même.