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« La dette neutralise le temps, matière première de tout changement politique ou social

« La dette neutralise le temps, matière première de tout changement politique ou social
Basta ! : Vous dites que l’Homo debitor est la nouvelle figure de l’Homo economicus. Quelles sont les caractéristiques de ce « nouvel homme » ? Maurizio Lazzarato : De nombreux services sociaux, comme la formation ou la santé, ont été transformés en assurance individuelle ou en crédit. Le mode de développement néolibéral est fondé sur le crédit et l’endettement. Le droit à la formation ou au logement s’est transformé en droit au crédit… C’est une logique qui ne fonctionne que si l’économie est en expansion. En quoi cela fonde-t-il un nouveau rapport social, et un nouveau rapport au temps ? J’ai repris l’hypothèse que développe Friedrich Nietzsche : le rapport social fondamental n’est pas l’échange économique ou l’échange symbolique, mais le rapport débiteur/créditeur. Une dette, ce n’est pas seulement de l’argent à rembourser, mais des comportements à ajuster, du temps passé à se plier à des contraintes, écrivez-vous. C’est une nouvelle forme de contrôle. Photo/CC : Ma Gali via Flickr Related:  ÉconomieTemps et Crise

Monique Pinçon-Charlot : « La violence des riches atteint les gens au plus profond de leur esprit et de leur corps Basta ! : Qu’est-ce qu’un riche, en France, aujourd’hui ? Monique Pinçon-Charlot [1] : Près de 10 millions de Français vivent aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté. Celui-ci est défini très précisément. Nous nous sommes intéressés aux plus riches parmi les riches. Pourquoi est-il si difficile de définir cette classe ? La richesse est multidimensionnelle. A cela s’ajoute la richesse sociale, le « portefeuille » de relations sociales que l’on peut mobiliser. Il existe aussi une grande disparité entre les très riches... Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, est en tête du palmarès des grandes fortunes professionnelles de France, publié chaque année par la revue Challenges. Malgré l’hétérogénéité de cette classe sociale, les « riches » forment, selon vous, un cercle très restreint. On trouve partout les mêmes personnes dans une consanguinité tout à fait extraordinaire. Comment s’exerce aujourd’hui ce que vous nommez « la violence des riches » ? C’est une violence inouïe.

"La Crise sans fin": un regard décalé sur la crise, métaphore de nos vies Outre qu’elle amplifie le creusement des inégalités et la montée d’une vulnérabilité sociale généralisée, la crise nous colle à la peau, comme un chagrin que rien ne viendrait soulager : le mot lui-même nous obsède, nous habite, nous plombe. Il envahit le quotidien où tout nous renvoie à elle, comme un poison permanent. La crise définit notre époque, notre condition, notre horizon : l’idée même d’en sortir s’évanouit dans la résignation et le consentement à son omniprésence. La crise est une “crise sans fin”, avance la philosophe Myriam Revault d’Allonnes en titrant ainsi son nouvel essai, prolongeant une oeuvre placée sous le signe de la réflexion sur la démocratie et la modernité (Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie ? Si la crise a “officiellement” cinq ans (le scandale des subprimes, qui a éclaté en septembre 2007, constitue sa date de naissance), elle a surtout trois siècles, au moins !

Paul Virilio, les revers du progrès Philosophe et urbaniste autodidacte, disciple de Deleuze et proche de Merleau-Ponty, Paul Virilio décortique depuis quarante ans la question de la vitesse et de ses effets en tous domaines. « La planète est devenue trop petite pour le progrès.» Malgré ce constat alarmiste, Paul Virilio a le regard brillant des grands curieux. Stéphane Paoli est journaliste, il a réalisé Penser la vitesse. La puissance des moyens de communication et de transmission offre une réalité qui se lit désormais par l’image. « Si le temps c’est de l’argent, la vitesse c’est le pouvoir. » Apathie citoyenne, peur de la mort et tentation de surhumanité, Paul Virilio voit le monde s’appauvrir en perdant de sa diversité. Je suis comme Winston Churchill qui disait qu’un optimiste est celui qui voit une chance derrière chaque calamité. Cette promesse apocalyptique, Paul Virilio l’appelle « l’accident universel ». Autrefois, les accidents étaient minimisés par leur lenteur. Propos recueillis par Salomé Kiner

« Face à la dimension criminelle de la crise, les élites sont aveugles, incompétentes ou complices Basta ! : Vous analysez les crises financières au prisme de la criminologie. Pour vous, la crise de 2008 est-elle due à des comportements criminels ? Jean-François Gayraud [1] : Le nouveau capitalisme qui se développe depuis les années 80 comporte des incitations et des opportunités à la fraude d’une ampleur inédite. Il ne s’agit pas d’être « mono-causal » et de tomber dans la théorie du complot. Avons-nous avancé depuis la crise de 2008, pour éviter de nouvelles crises ? Entre 2008 et 2012, nous avons connu une révolution, dans le sens astronomique du terme : nous sommes revenus au point de départ ! Comment l’expliquez-vous ? Il y a un problème de déni et d’aveuglement. D’où vient cette situation ? C’est une question de rapport de force entre pouvoir politique et pouvoir financier. Ce qui me frappe, c’est la corrélation entre la financiarisation de l’économie, la montée des inégalités, et la multiplication des fraudes sur les marchés financiers. C’est la question centrale. Oui.

» [Livre] La grande fraude, de Jean-François Gayraud Excellent livre, que je vous recommande. Jean-François Gayraud est commissaire divisionnaire, ancien élève de l’Ecole nationale supérieure de police (ENSP, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or).Docteur en droit, diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Institut de criminologie de Paris, Jean-François Gayraud est l’auteur de nombreux articles et d’ouvrages traitant de criminologie et de géopolitique. Il exerce au Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques (CSFRS). Critique Decitre : Et si la crise financière dont nous subissons encore les effets était bel et bien une vaste fraude ? En tout cas, pas celui proposé en général par les économistes ou les financiers. Dès lors, pour lui, il est impossible d’envisager un vrai assainissement, une reconstruction durable de la finance si ce diagnostic criminel n’est pas fait. Petite vidéo avec l’auteur : Crtiique Le Figaro par Jacques de Saint Victor : La face cachée du krach

Les temps sexués de l’activité : la temporalité au principe du genre ? 1Après plusieurs numéros très riches et diversifiés dans leurs approches et leurs problématiques, il s’imposait que la récente revue Temporalités, qui œuvre à l’analyse fine et fouillée des usages, pratiques, conceptions et figures du temps, interroge dans un dossier spécial la dimension sexuée du temps et des temporalités. Certes, les articles que nous avons jusque-là publiés intègrent parfois cette perspective du genre, ou des rapports sociaux de sexe. Car il faut constater que ces approches finissent toutefois par s’imposer, non sans résistance, dans la production scientifique francophone en comblant petit à petit un retard important. Mais nous nous devions de consacrer tout un numéro à une interrogation plus systématique sur une problématique genrée du temps ou une approche temporelle du genre, autrement dit d’apporter notre contribution à l’analyse de l’imbrication des catégories de sexes et de temps. Apports et limites d’une sociographie de la division sexuelle du travail

L'essence du néolibéralisme, par Pierre Bourdieu (Le Monde diplomatique, mars 1998) Le monde économique est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implacablement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu’il inflige, soit de manière automatique, soit — plus exceptionnellement — par l’intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l’OCDE, et des politiques qu’ils imposent : baisse du coût de la main-d’œuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail ? Et s’il n’était, en réalité, que la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, ainsi convertie en programme politique, mais une utopie qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel ? Cela dit, cette « théorie » originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens de se rendre vraie, empiriquement vérifiable.

« Nous franchissons le mur du temps » Thierry GaudinChiclayo (Pérou), 2012, cliché DL Entretien avec Thierry Gaudin, 1er février 2013 Pour le prospectiviste Thierry Gaudin, nous vivons une révolution cognitive. Dominique Lacroix : L’Université de la Singularité est en train de recruter sa troisième promotion, 80 étudiants-entrepreneurs qui, pendant 10 semaines cet été en Californie, étudieront la civilisation censée advenir à partir de la « singularité », vers 2045, moment, imaginé par extrapolation, où l’on saurait produire « un supercalculateur plus intelligent qu’un humain ». Évolution de la puissance de calcul. Cette initiative de Raymond Kurzweil, héraut du transhumanisme, a pour principaux sponsors Google et la Nasa. Thierry Gaudin : La démarche des transhumanistes consiste à prêter à la technique des vertus mythiques. Le transhumanisme est un nouveau rêve d’ordre et de réforme de l’humain. Il s’agit fondamentalement d’une perspective inhumaine. Certains estiment cette évolution inévitable.

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