La spéculation sur les terres agricoles fauche les fermiers. Partons d’un cas précis pour illustrer le phénomène : à Meslin-l’Évêque, dans la région athoise, le propriétaire de 150 hectares de terres agricoles vient de décéder.
Les fermiers qui cultivent ces terres, neuf au total, proposent dès lors de les racheter pour la somme de 25.000 € l’hectare. Insuffisant ! Estiment les héritiers qui se tournent alors vers une société d’investissements basée à Courtrai, société elle-même active dans le monde agricole. Selon Philippe Duvivier, président de la FUGEA l’une des principales fédérations d’agriculteurs, "cette société d’investissements parle maintenant d’un montant de 40.000 € par hectare avec des conditions qui permettraient justement aux agriculteurs de louer les terres mais… à trois fois le prix du montant du fermage actuel". Une pratique que le président de la FUGEA juge "inadmissible surtout en changeant les modalités de location en nous étranglant". Agrobusiness et spéculation : comment une coopérative agricole s'est muée en empire industriel.
C’est à Paris, sur la très chic avenue de la Grande armée, à l’étage « trading » du groupe coopératif agricole InVivo, que se décide au quotidien le sort d’une partie des céréales françaises.
Environ le quart des récoltes sont vendues à partir de ces bureaux. Une petite quinzaine de traders travaillent ici, les yeux rivés sur les courbes des matières premières, à quelques pas des sièges de PSA et de BNP Paribas. Leurs journées commencent vers 8 heures avec les marchés asiatiques et s’achèvent aux alentours de 21 heures, avec les États-Unis. Objectif : écouler les céréales, par millions de tonnes, au plus offrant. L’année 2010-2011 restera pour eux un grand souvenir. Céréales spéculatives En 2011-2012, retour à la normale.
Avec 241 coopératives sociétaires et un chiffre d’affaire de 5,7 milliards d’euros, InVivo est désormais le premier groupe coopératif français. Colère des agriculteurs : ce qui est justifié et ne l'est pas. Atlantico : A l'appel du FDSEA d'Ile de France, nombre d'agriculteurs sont décidés à mettre en place un blocus de Paris jeudi 21 novembre pour protester contre "un cumul de taxes et de revendications" qui étoufferait la profession.
Peut-on dire que cette révolte est particulièrement légitime au regard des politiques agricoles des récents gouvernements ? Claude Fouquet : La FDSEA ne fait rien sans l’accord de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA), dominée par les plus gros agriculteurs. Xavier Beulin, son actuel président, cultive cinq cents hectares, alors que la taille moyenne de nos exploitations est dix fois moindre.
Il est aussi président de la Société Financière de la Filière des Oléagineux, Sofiproteol, une entreprise en situation de rente, selon la Cour des comptes, du fait d’un quasi-monopole sur le biodiesel qui coûte 3 milliards par an. Il est vrai que taxes et réglementations découragent les agriculteurs et éleveurs, mais ce n’est pas nouveau. Quand l’agriculture sert à nourrir les machines aux dépens des humains. Le modèle agricole français servira-t-il encore à nourrir les êtres humains ?
En ces temps de spéculation sur les matières premières, notamment alimentaires, c’est la question que l’on peut se poser, alors que s’est ouvert à Paris le G20 agricole. « Nous voulons donner la parole aux paysans du monde entier. Nous avons des choses à dire en matière de lutte contre les variations de cours, l’arrivée des fonds spéculatifs, ou la constitution des stocks d’intervention », a lancé Xavier Beulin, président du premier syndicat agricole français, la FNSEA.
Sous son égide, la puissante organisation compte bien apparaître comme un interlocuteur de premier choix, après avoir largement influencé la politique agricole française depuis un demi-siècle. Mais qui est Xavier Beulin, le nouveau leader de la FNSEA ? Quelle vision de l’agriculture incarne-t-il ? Le monde selon Sofiprotéol préfigure-t-il l’agriculture du futur ? Agricultor : la FNSEA milite pour nous empoisonner.