Y a-t-il une place pour les numéros deux sur Internet? La mise en réseau de tout et de tous va accroître les inégalités pour une raison simple, très étudiée mais dont peu de gens ont conscience: elle favorise les «superstars» de l’économie dans tous les domaines et concentre le pouvoir en quelques «nœuds» du réseau.
S’il est bien un mythe de l’Internet qui a la vie dure, c’est celui selon lequel sa forme de réseau décentralisé a aussi permis de décentraliser le pouvoir et de mieux le (re)distribuer. On prend alors l’exemple de l’artiste de l’ère Internet qui, depuis sa petite chambre et avec son petit ordinateur portable, va toucher un immense public en publiant sa musique, ses dessins ou son film sans l’entremise d’intermédiaires comme les éditeurs, et va donc court-circuiter plusieurs échelons de la chaîne de production des industries culturelles. Pensons à Norman [qui] fait des vidéos.
A qui profite l'économie collaborative. Les inégalités ne sont plus un sujet tabou.
Dans le sillage de Piketty, nombreux sont ceux qui s’inquiètent aujourd’hui ouvertement de leur grand retour, et ce, quel que soit le bord politique. L’économie collaborative – qui remet entre autres choses le rôle de la possession en question – pourrait-elle constituer une partie de la solution, ou est-ce tout le contraire ? Les discussions autour du capital et des inégalités avaient été un peu oubliées depuis les années 80 et semblaient même légèrement ringardes tant on a voulu voir un dépassement du capitalisme et des analyses de classes.
Piketty remet ces questions au centre des débats. Il montre de manière incontestable que le capital n’est pas mort, comme on a pu le croire pendant les Trente Glorieuses et, qu’au contraire, il est en pleine reconstitution. L’économie collaborative sera-elle une de force de convergence ou de divergence dans la dynamique de répartition des richesses ? Source: INSEE Article initalement publié sur Ouishare.
Documents de référence. Modèles. Monétisation. Études de cas. Crowfunding. De l’utopie numérique au choc social, par Evgeny Morozov (Le Monde diplomatique, août 2014) Dans la « salle de bains connectée », la brosse à dents interactive lancée cette année par la société Oral-B (filiale du groupe Procter & Gamble) tient assurément la vedette : elle interagit — sans fil — avec notre téléphone portable tandis que, sur l’écran, une application traque seconde par seconde la progression du brossage et indique les recoins de notre cavité buccale qui mériteraient davantage d’attention.
Avons-nous brossé avec suffisamment de vigueur, passé le fil dentaire, gratté la langue, rincé le tout ? Mais il y a mieux. Comme l’affiche fièrement le site qui lui est consacré (1), cette brosse à dents connectée « convertit les activités de brossage en un ensemble de données que vous pouvez afficher sous forme de graphiques ou partager avec des professionnels du secteur ». Ce qu’il adviendra par la suite de ces données fait encore débat : en conserverons-nous l’usage exclusif ? «Une économie du partage entre utopie et big business» Chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Damien Demailly coordonne le programme «Nouvelle Prospérité» et étudie l’impact des nouvelles formes d’économie collaborative.
L’économie du partage devait redonner du pouvoir au consommateur et l’on se retrouve face à des géants comme Airbnb… C’est la grande désillusion ? Non, parce que dans les faits, l’économie du partage a toujours porté en elle cette contradiction entre utopie et big business. D’un côté, il y a une vision libertaire née de l’Internet social qui réunit des gens désireux d’échanger des biens et des services en pair à pair pour renouer du lien, redonner du sens à la consommation, au travail.
En résumé : «Je partage mon logement, je te prête ma voiture ou ma tondeuse en échange d’un service, on jardine ensemble parce que c’est cool et que c’est bon pour le vivre-ensemble et l’environnement.» Dans les faits, on assiste donc surtout à une extension du domaine marchand ?