Barbarie disent-ils… - Fondation Frantz Fanon Les décapitations filmées d’otages occidentaux en Irak et d’un randonneur français en Algérie suscitent légitimement un sentiment d’horreur et une condamnation unanime et sans appel. Ces assassinats insensés ne peuvent être le fait que de criminels pervers au service d’une idéologie déviante. Ces mises en scène macabres viennent à la suite d’images tout aussi insoutenables montrant des exécutions de masse d’hommes désarmés. L’émotion produite par ce théâtre de la cruauté est cependant froidement manipulée par des médias et des relais politiques en Occident. La qualification sans cesse reprise de « barbaries », perpétrées par des « barbares », répond à la volonté de déshumaniser les auteurs de ces atrocités. Hors du limès de la Civilisation, ils ne relèvent plus du droit commun et ne sont plus passibles des lois ordinaires. Ces assassinats médiatiques sont représentés par les organes de propagande comme des actes irrationnels d’une radicale altérité, quasiment non-humaine.
Migration, économie, développement : trois idées reçues ◊ Idée reçue n°1 : L'émigration nuit au développement des pays de départ Un médecin syrien exerçant dans un hôpital d’Île-de-France, un ingénieur en informatique sud-africain employé par une entreprise de la Silicon Valley. Ces exemples alimentent le mythe du brain drain, la fuite des cerveaux, qui voit dans la migration le transfert des compétences et des connaissances vers les pays du Nord, au détriment du développement des pays du Sud. Un mythe que relativisent aujourd’hui les économistes, pointant des effets de seuil. L’expatriation, montre ainsi l’économiste El Mouhoub Mouhoud, n’est dommageable au pays d’origine que si elle excède 15 à 20 % de la population. Certains pays comme la Chine n’hésitent pas à encourager les migrations. ◊ Idée reçue n°2 : Plus un pays se developpe, moins ses habitants partent Il n’y a aucune raison de partir d’un pays s’il se développe, serions-nous tentés de croire. ◊ Idée reçue n°3 : L'immigration coûte cher au pays d'accueil
"Ça fait bien longtemps que je ne prononce plus mon prénom quand je me présente au téléphone" "Le Monde" a demandé à un de ses journalistes, Mustapha Kessous, 30 ans, d'écrire ce qu'il racontait en aparté à ses collègues : les préjugés contre les Maghrébins, qui empoisonnent sa vie privée et professionnelle. LE MONDE | • Mis à jour le | Par Mustapha Kessous Brice Hortefeux a trop d'humour. Je le sais, il m'a fait une blague un jour. Jeudi 24 avril 2008. Le ministre de l'immigration et de l'identité nationale doit me recevoir dans son majestueux bureau. Trois mois plus tard, lundi 7 juillet, jour de mes 29 ans. Je pensais que ma "qualité" de journaliste au Monde allait enfin me préserver de mes principaux "défauts" : être un Arabe, avoir la peau trop basanée, être un musulman. J'en parle souvent à mes collègues : ils peinent à me croire lorsque je leur décris cet "apartheid mental", lorsque je leur détaille les petites humiliations éprouvées quand je suis en reportage, ou dans la vie ordinaire. Et pourtant, s'ils savaient à quel point la banlieue m'était étrangère.
Islamophobie: un mot pour «mettre en lumière un racisme latent» Tous les ans, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dénonce, dans des rapports sur la lutte contre le racisme dont le moins qui se puisse dire est que la presse et les médias dominants ne les survalorisent pas, de nouvelles aggravations, dans la France des années 2000, des ressentiments antimusulmans – et constate qu’ils se nourrissent notamment des proférations où des politiciens décomplexés flattent les instincts islamophobes de leurs clientèles. Et précisément : dans son nouveau rapport, qui vient tout juste d’être publié (1) – et qui porte donc sur l’année 2013 -, la CNCDH explique avoir «ressenti la nécessité» d’organiser «en son sein un débat sur le sens et l’usage» du «mot “islamophobie“», dont elle fait un compte-rendu édifiant, pour ce qu’il dit, notamment, de «l’instrumentalisation» qui est régulièrement faite de ce terme, à la fin, certaines fois, de le «discréditer». Une thèse fausse et mensongère Problème : elle est fausse, et mensongère.
Qu'est-ce que la mondialisation ? Depuis le début des années 1990, la « mondialisation » désigne une nouvelle phase dans l’intégration planétaire des phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels. Un examen attentif montre que ce phénomène n’est ni linéaire ni irréversible. « Avant, les évènements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres. » La constatation est banale, hormis le fait que celui qui la formule, Polybe, vivait au IIe siècle avant J. Dès l’Empire romain, une première mondialisation s’est organisée autour de la Méditerranée. Mais le processus n’est pas linéaire : la Première Guerre mondiale puis la grande dépression des années 1930 suscitent la montée des nationalismes étatiques, une fragmentation des marchés, le grand retour du protectionnisme. • L’internationalisation, c'est-à-dire le développement des flux d’exportation ; D’abord et avant tout une globalisation financière L'avènement des doctrines libérales Notes (1) F.
Technique, méthode et constance : la réussite sportive n’est pas une une question couleur de peau Pour s’imposer au plus haut niveau dans un sport, il est nécessaire d’avoir un impératif de succès et de disposer des moyens pour réussir. La surreprésentation d’un groupe social ou d’un genre dans la pratique et la réussite d’une discipline sportive n’est donc pas un phénomène naturel. Chaque sport a sa classe sociale privilégiée et une orientation de genre. Il a aussi ses pays, en fonction de leur position économique et/ou de leur localisation géographique. La boxe, par exemple, est un sport très majoritairement ouvrier. La boxe professionnelle, qui permet très rarement à un athlète de gagner beaucoup d’argent, est aussi le révélateur de la composition de la population se situant au bas de l’échelle sociale d’un pays. Durant les années 80, les conservateurs américains ont repris la vieille thèse raciste selon laquelle les afro-américains dominaient la boxe pour des raisons physiologiques. Au-delà de la classe sociale, le genre oriente également fortement la pratique sportive. J'aime :
Les féministes et le garçon arabe Les débats récents sur le sexisme en banlieue et le port du foulard à l’école ont suscité, parmi les intellectuels, les journalistes, les politiques ou les militants, de nombreuses professions de foi féministes. Nacira Guénif-Souilamas et Eric Macé incitent, dans ce livre, à ne pas se réjouir trop vite face à ce qu’ils appellent le « féminisme républicain ». Le terme donne en effet à réfléchir. Car la République, loin d’entretenir avec le féminisme une connivence « naturelle », cimentée par un même désir d’égalité, n’a cessé de résister au mouvement d’émancipation des femmes. Celles-ci ont dû le plus souvent arracher leurs droits (que ce soit le droit de vote, l’égalité juridique entre mari et épouse, ou encore le droit à disposer de son corps) à une classe politique majoritairement masculine, et, à de rares exceptions, peu sensible aux idées féministes. Le propos des deux auteurs n’est pas seulement de rappeler que cette rhétorique républicaine constitue une négation du passé.
Vers un monde unique ? La mondialisation culturelle provoque des conflits, mais aussi une richesse d’interactions, source de diversité. L’évidence est là : le monde semble s’homogénéiser au fur et à mesure que les processus de globalisation assurent son unité. Passe encore que les marchés des biens et des capitaux connaissent une intégration croissante. Mais est-il acceptable que celle-ci concerne également ce qu’il est convenu de nommer la « culture », au risque de compromettre son « authenticité » ? Pour autant, le sentiment de dépossession culturelle que nombre de nos contemporains éprouvent au vu de ces évolutions est-il fondé ? Or ces phénomènes d’unification culturelle ont, à l’époque, suscité des alarmes comparables à celles qu’endurent nos pourfendeurs contemporains de la globalisation. Cependant, l’ancienneté des processus de globalisation culturelle et la permanence des craintes qu’ils ont soulevées ne suffisent pas à disqualifier les critiques actuelles de la mondialisation. Jean-François Bayart,
Roms, vie entrouverte à Marseille - Libération C’était le 22 janvier au matin. Une jeune femme se présente au centre de soins de Médecins du monde (MDM) à Marseille. Rom originaire de Roumanie, Elena a mal derrière l’oreille et tient à la main un plomb, que son mari lui a retiré de la tête. Quelques jours plus tôt, un homme lui a tiré dessus depuis sa fenêtre parce qu’elle faisait les poubelles. Personne n’en a entendu parler. Personne n’a porté plainte. Ces passages à l’acte se multiplient. «J’ai envie de leur mettre le feu» Le bidonville du chemin du Ruisseau-Mirabeau n’est pas grand. En face, il y a une petite cité, la «résidence SNCF», où vivaient des cheminots, partis depuis longtemps. Jusqu’à huit expulsions en un an Sur le campement des Roms, il n’y a pas de toilettes, pas d’eau, pas de poubelles ni de containeurs. Les familles sont arrivées en juin, après l’évacuation d’un quartier voisin, Saint-Antoine. Citta, lui, est parti acheter un groupe électrogène, pour son radiateur et son frigo. «Pourquoi il pleure, ce cafard ?»
Une parole étouffée Pierre Tevanian : Tout, n’importe quoi et son contraire a déjà été dit et écrit à propos du voile et des femmes qui le portent. L’encre a coulé, les arguments se sont opposés, les invectives ont proliféré, mais dans ce déluge de paroles, une chose a manqué : la voix des principales concernées. Que ce soit dans les grands médias ou dans les débats internes au monde politique, syndical et associatif, et même à la « Commission Stasi » [1], les femmes qui portent le foulard n’ont pas eu voix au chapitre – et les adolescentes encore moins ! Avant la loi du 15 mars 2004, prohibant le port du voile à l’école, et avant les centaines d’exclusions et de dévoilements forcés qu’elle a entraînée [2], la première injustice est là : dans cette distribution inégale de la parole, dans cette discrimination entre ceux qui ont le droit de parler et celles qui ne l’ont pas. Ismahane Chouder : Le plus urgent était pour nous de reprendre la parole, ou plutôt de la prendre [3] ! Ismahane Chouder : Oui.
Que nous reste-t-il de sacré ? Le médiologue qu'est Régis Debray fait son miel de nos crédulités. Ainsi, un moderne pourrait croire que nous sommes désormais vaccinés contre les rites, exempts de toute sainte vénération, Nietzsche et l'Internet étant passés par là. Dans son nouvel essai, "Jeunesse du sacré", Debray nous invite à reconsidérer le paysage. Pour peu qu'on sache le dissocier du divin, le sacré, ce "revenant indocile", est partout. Qu'est-ce que le sacré ? Debray montre comment il entre du sacré sécularisé dans nos cultes laïques. A le lire, on constate que l'ancien compagnon de Che Guevara est devenu un émule de Malraux, celui des "Voix du silence", l'humour en plus. Régis Debray : Non. Quelle est la raison de cet escamotage ? La sacralité, c'est un peu, pardonnez-moi l'expression, le thermomètre dans le cul d'une société. En tout cas, vous, vous n'escamotez pas - le sacré est l'un de vos objets d'étude depuis plusieurs années ! Bien sûr que non. Vous avez raison, le sacré est un mutant. Non.