Bibliothèque et territoire. Connaissances, méconnaissance et ignorance religieuses aujourd’hui. L’histoire se passe au début du XXIe siècle, au mois de février 2001, plus précisément le jour des Cendres.
La présentatrice d’une chaîne de télévision française conclut son bulletin météo en lançant chaleureusement aux téléspectateurs : «… et bonne fête à toutes les Cendres ». Des anecdotes comme celle-là, tout le monde, à commencer par les conservateurs de musée ou les professeurs de français ou d’histoire, pourrait en citer des quantités. Et chacun s’accorde à déplorer l’ignorance religieuse contemporaine. Mais de quelle ignorance parle-t-on exactement ? Cette ignorance est à la fois apparemment facile à observer et en réalité difficile à définir. Paradoxalement, plus un individu sait des choses, plus il s’éprouve ignorant : il mesure l’ampleur de ses lacunes et se représente la totalité des savoirs possibles, comme un marin se représente la ligne d’horizon sur l’océan : elle recule à mesure qu’il avance.
État des lieux Culture religieuse et modernité La montée de l’individualisation. Liberté j’écris ton nom. Ces livres font la promotion de l’infidélité et appellent à désobéir à Allah.
(Un combattant de Daech à propos de la bibliothèque de Mossoul en janvier 2015.) L’homme est né libre et partout il est dans les fers. (Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social.) Les 7 et 9 janvier derniers, 17 personnes étaient sauvagement assassinées par des terroristes islamistes français, les unes parce qu’elles auraient insulté le Prophète avec leurs crayons, les autres parce qu’elles étaient juives, les dernières dans l’exercice de leur fonction de policier. Les meurtres sont liés : la haine de la liberté d’expression et l’antisémitisme (quand bien même il se dissimule sous « l’antisionisme 1 ») relèvent ici d’une seule et même idéologie terroriste, dont la guerre sainte/djihad entend conduire à la domination du califat et de sa charia sur le monde entier. La liberté de l’écrit en France : la loi Une étude du dispositif législatif se doit de distinguer deux modes d’exercice de l’interdit.
Politique Obscénité. Les Bibliothèques publiques et le fait religieux. Je dirige une bibliothèque dont le document le plus ancien est L’Évangéliaire de Cysoing, un manuscrit enluminé du XII e siècle.
Il est contenu dans un beau boîtier de métal fleurdelisé. Je songe parfois que s’y trouve enclos le ferment des six cent mille livres dont j’ai la responsabilité. Quelle place pour le fait religieux dans les bibliothèques publiques ? Le terrain n’est pas vierge : deux numéros récents, l’un du Bulletin des bibliothèques de France 1 et l’autre du Bulletin d’informations de l’Association des bibliothécaires français 2 ont été consacrés aux relations ambivalentes qu’entretiennent les bibliothèques publiques avec le fait religieux.
Les contributions publiées alors sont toujours d’actualité, en particulier celle de Jean-Luc Gautier-Gentès 3 et celle de Dominique Arot 4. Avec circonspection mais détermination, les deux auteurs en appellent à une conception moins crispée de la laïcité dans les espaces publics que constituent les bibliothèques, mettant en avant le concept de pluralisme, plus conforme à l’évolution de la société, à l’état des pratiques religieuses et aux attentes du public. Un service minimum Pourquoi cette prudence ? Le débat est en effet miné. Il a paru judicieux de voir sur le terrain ce qu’il en était exactement.
Un déséquilibre de l’offre À ce constat, il faut apporter des nuances. La classification. Bibliothèque et laicité. Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? Combien de bibliothèques ont-elles été incendiées en France au cours de ces vingt dernières années ?
J’ai recensé 70 bibliothèques incendiées ce qui laisse supposer qu’il y en a en réalité plus car de nombreux cas m’ont été rapportés par des bibliothécaires alors que la presse n’en avait pas parlé. Ces incendies ont lieu exclusivement dans des cités HLM et les grands ensembles, jamais dans les quartiers pavillonnaires. En revanche, il n’y a pas de prééminence dans une région particulière : on en recense en Ile-de-France mais également à Brest, à Lyon, à Marseille, à Grenoble… C’est une forme de conflit spécifique aux grands ensembles et cela correspond à l’historicité des émeutes ou des violences urbaines comme on les appelait à l’époque. Comment peut-on expliquer ces actes de violence ?
Laïcité et fait religieux dans les bibliothèques publiques. Il est normal que les questions liées à la laïcité, au fait religieux et convictions spirituelles se posent régulièrement dans les bibliothèques publiques, équipements culturels et documentaires ouverts à tous, se voulant lieux d'échanges et de débats dans la cité.
Ces sujets prennent aujourd'hui un relief particulier et suscitent des interrogations. Le rapport rappelle le cadre juridique concernant les droits et devoirs des personnels et usagers, aborde les questions de politique documentaire ainsi que les aspects d'action culturelle. Il souligne l'importance de politiques d'accueil explicites et cohérentes, de démarches de médiation culturelle et numériques adaptées.