Aux États-Unis, les médias complices malgré eux de la désinformation ? Yochai Benkler est un des plus éminents spécialistes des médias et de la désinformation aux États-Unis.
Co-directeur, à Harvard, du Berkman Klein Center for Internet and Society, et co-auteur de Network Propaganda (Oxford University Press, 2018), il vient de publier une étude analysant en profondeur la campagne de désinformation sur les prétendues fraudes au vote par correspondance visant à saper la légitimité du résultat du scrutin. Nous avons souhaité l’interroger pour qu’il nous éclaire sur le rôle des médias, des réseaux sociaux et de la désinformation durant la campagne électorale. Pourquoi la « déplateformisation » de Trump était inévitable. L’invasion du Capitole, mercredi 6 janvier, par des supporteurs radicalisés de Donald Trump après que ce dernier les a invités à y marcher, a créé une onde de choc à travers le monde.
Dans la foulée, et sous la pression, les principales plateformes des médias sociaux ont suspendu les comptes personnels du président étatsunien encore en exercice, ouvrant ainsi un large débat sur la liberté d’expression en ligne et le pouvoir exorbitant des acteurs oligopolistiques de la Silicon Valley. Ces derniers, loin de constituer des pouvoir transcendants et autonomes, apparaissent désormais clairement pour ce qu’ils sont : des entités politiques qui font l’objet de luttes internes et externes avec comme enjeu rien de moins que le fonctionnement démocratique de l’espace public numérique. Facebook : une réaction quasi-immédiate Le compte Facebook de Donald Trump, suspendu le 7 janvier. Capture d'écran Facebook. Un revers majeur sur Twitter Twitter a dans un premier temps été plus prudent. Donald Trump et les médias sociaux : « La question de la régulation privée du débat public ne date pas d’hier » Le mercredi 6 janvier, une foule compacte de militants pro-Trump radicalisés partent à l’assaut du Capitole, après y avoir été incités par Donald Trump.
Le bilan à la fin de la journée est dramatique : cinq morts, dont un agent de la police du Capitole tué à coups d’extincteur et une partisane de Donald Trump mortellement blessée par un coup de feu. Dans les jours qui suivent, Le président américain en exercice voit ses comptes personnel suspendus (Facebook et YouTube) ou supprimés (Twitter). Raison invoquée : le président aurait enfreint leurs politiques de lutte contre l’incitation à la violence. Ce « bannissement », inédit pour un chef d’État, provoque de nombreux débats sur la régulation des médias sociaux et la modération des propos qui y sont tenus. Facebook, un média comme un autre. Régulation de la parole politique en ligne : les deux modèles antinomiques de Twitter et de Facebook. Le signalement sur les réseaux sociaux, un moyen de modération mais aussi de censure. Loi « Sécurité globale », pandémie de Covid-19, attentats terroristes, élections américaines… L’actualité récente a montré que l’espace public numérique se trouve désormais au cœur de toutes les controverses politiques, scientifiques ou culturelles qui traversent nos sociétés.
Le caractère agonistique de la composante politique de l’internet, loin d’un « marché des idées » où le « meilleur gagne », en fait un terrain de lutte où s’affrontent de multiples acteurs qui tentent d’imposer leur interprétation du monde. Ces acteurs, qu’ils soient des États, des organisations, des groupes informels ou des simples individus, déploient un large éventail de tactiques rhétoriques qui incluent l’argumentation rationnelle mais aussi le marketing, la polémique, le discours haineux, la propagande et la désinformation. Aux États-Unis, les médias complices malgré eux de la désinformation. Notre-Dame : « Youtube a montré les limites du fact checking automatisé » Jérémie Nicey est maître de conférences et responsable de la licence professionnelle journalisme de l’École publique de journalisme de Tours.
Il est également responsable scientifique du projet de recherche ANR VIJIE (Vérification de l'information dans le journalisme, sur internet et dans l'espace public), au sein du laboratoire Prim de l’université de Tours. Pouvez-vous expliquer ce qu’il s’est passé sur les vidéos montrant l’incendie de Notre-Dame sur Youtube ? Jérémie Nicey : YouTube a mis en place un dispositif qui associe une image avec un bandeau d’alerte et renvoie sur Wikipédia et d’autres organismes associés. Dans les deux pays dans lesquels il est actif, à savoir les États-Unis et la Corée du Sud, ce dispositif a associé les images de Notre-Dame de Paris en train de brûler aux événements du 11 septembre 2001, puisque, semble-t-il, les algorithmes ont détecté une similarité d'images. Le problème, évidemment, est que cela ne correspondait pas au bon événement.
Étude INA. En 20 ans, l’environnement est devenu un sujet d’information générale. Le numérique rebat les cartes du journalisme. Pourquoi une information ne sera jamais totalement objective. Dans le discours ordinaire de dénonciation des médias d’information, il est courant (et de bon ton) de crier à la trahison d’un principe de neutralité qui serait revendiqué par les journalistes, en montrant, exemples à l’appui, que bien souvent les auteurs de reportages s’affranchiraient de cette neutralité au profit de la défense implicite ou explicite d’opinions.
Dès lors, une posture de défiance a priori serait la bienvenue pour ne pas se laisser duper par une « pseudo-neutralité ». Pareille accusation repose-t-elle sur un certain bien-fondé ? A-t-on raison de penser mettre à mal la profession de journaliste en l’accusant de ne pas être neutre ? Et de façon générale, peut-on être neutre lorsque l’on entend relater la réalité, que l’on entend décrire des faits au sein d’un récit ?
Une opposition de deux presses : l’une engagée, l’autre neutre Avant tout, il faut rappeler que la presse a au moins deux histoires parallèles. Impossible neutralité Démonstration. Lucide honnêteté Arnaud Mercier.