Mixité sociale : Pourquoi il y a urgence. N.
Vallaud Belkacem devrait présenter lundi 9 novembre des mesures concernant la carte scolaire. Elles ont déjà été très largement dévoilées à l'issue du comité interministériel qui s'est tenu aux Mureaux le 26 octobre. La ministre devrait annoncer la mise en place de secteurs multi collèges dans une dizaine de départements. Mais pourquoi imposer davantage de mixité sociale dans les établissements ? "Pour améliorer à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements", dit le communiqué du CIEC publié le 26 octobre, "le code de l’Éducation prévoit dorénavant que « lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés à l’intérieur d’un même périmètre de transports urbains ».
C. Ben Ayed: Les doubles discours sur la mixité sociale à l'école. Qui veut vraiment lutter pour la mixité sociale à l'école ?
On peut poser la question au vue des résultats de l'Ecole française. Dans un nouveau livre, à paraitre le 8 avril, Choukri Ben Ayed, sociologue, professeur à l'Université de Limoges, étudie de façon précise l'histoire de la notion de mixité sociale dans le monde éducatif depuis les origines de l'école républicaine. Sans concessions, il analyse les mesures prises ces dernières années pour la mettre en pratique qu'il s'agisse de "l'assouplissement" de la carte scolaire voulue par Sarkozy ou de la circulaire de janvier 2015 sur la sectorisation des collèges. Ce qu'il observe c'est le décalage considérable entre les discours et les actes avant ou après 2012.
Il indique des pistes pour sortir des ornières où la question s'enlise. Lutter pour la mixité sociale à l'école semble consensuel. Je ne pense pas du tout que ce soit consensuel. L'école et la fabrication inégalitaire des élites, un mal français ? Consacré à la formation des élites, le dernier numéro de L'Année sociologique analyse les processus de fabrication des élites dans plusieurs pays dont la France.
La remarquable synthèse d'Agnès van Zanten éclaire particulièrement le cas français. Ce qui caractérise la fabrication des élites en France c'est qu'elle est à la fois familiale et scolaire. Autrement dit, le système éducatif contribue aux mécanismes qui permettent aux classes favorisées de se réserver les positions d'élite et de bloquer l'ascension sociale des autres. A van Zanten montre en détail comment fonctionne ce "parrainage institutionnel" qui ouvre la porte des grandes écoles aux plus favorisés au nom de la méritocratie. Serait-ce le plus gros échec de la politique éducative de la gauche ? Deux articles de ce numéro de L'année sociologique (volume 66, 2016 n°1) contribuent à la connaissance de la fabrication des élites en France, les autres articles traitant d'autres pays (Angleterre, Etats-Unis, Suède..).
C Ben Ayed. Agnès Van Zanten : Accompagner la mise en place des réformes pour lutter contre les processus inégalitaires. Comment un système éducatif qui a la passion de l'égalité peut-il devenir une machine à reproduire les inégalités sociales ?
Agnès van Zanten revient sur la part de l'institution scolaire et sur celle des enseignants. Elle propose un accompagnement réel des réformes pour lutter contre les pratiques inégalitaire du terrain. On a l'impression que notre système éducatif est plus juste et que chacun a selon son mérite est-ce vrai ? Effectivement en France on a une grande passion de l'égalité et il y a plus qu'ailleurs la volonté de mettre en avant un idéal d'égalité et justice. Les concours représentent ce modèle. Peut on dire que cela commence dès le primaire ? Dans le primaire, on a diminué le redoublement mais les dispositifs de remédiation étant peu efficaces, ils participent plutôt d’une logique de séparation et de stigmatisation des élèves. Vous dites que le collège a un rôle ambigu. Dans le discours officiel on promeut le collège unique et l’absence de sélection. C'est vrai. Oui. L'enseignement privé : Un obstacle à la mixité sociale.
Dans son édition du 10 mai 2016, le journal La Croix publie un article au titre un peu stupéfiant : " Mixité sociale, le privé bon élève".
Le sous-titre est tout aussi surprenant et rappelle la vieille querelle public-privé: « Les collèges privés sont globalement plus « mélangés » que les établissements publics, soumis à une sectorisation ». L'article de la Croix présente une synthèse d'une étude de Pierre Courtioux, professeur à l’Edhec Business school. Il s'agit d'une étude interne à l’Edhec, non publiée dans une revue académique. À partir de calculs statistiques centrés sur les établissements définis comme socialement mixtes, Pierre Courtioux affirme que « le privé fait plutôt mieux que le public » en matière de mixité sociale. Cette conclusion est contestable car cette recherche pose un certain nombre de problèmes méthodologiques classiquement rencontrés lors de constructions statistiques relativement complexes.
Des collèges publics et privés fortement différenciés socialement Notes.