[Les géographes face au covid] Sylvie Brunel : « Le virus a réaffirmé le rôle essentiel de la puissance publique » Pour ce deuxième épisode de notre série « Les géographes face au covid », nous avons tendu notre micro à Sylvie Brunel, professeur à Sorbonne Université, ancienne présidente d’Action contre la Faim et auteur d’une quarantaine d’ouvrages (dont le dernier en date Pourquoi les paysans vont sauver le monde est paru en 2020 aux éditions Buchet-Chastel).
Des orientations prises à l’échelle mondiale aux menaces pesant sur l’organisation des sociétés locales, Sylvie Brunel nous livre une analyse passionnante et distanciée de la crise sanitaire et de ses conséquences géographiques. En tant que géographe, quelles leçons tirez-vous de ces dernières semaines marquées par la crise sanitaire et par les mesures prises pour l’endiguer ? La cécité des grandes puissances face à l’arrivée de ce nouveau coronavirus a eu quelque chose d’effarant. Les mesures de confinement précoces se sont révélé les plus efficaces pour sauver des vies, comme en Nouvelle-Zélande, au Danemark ou au Maroc. [Les géographes face au covid] Paul Claval : « La crise sanitaire contraindra à repenser l’organisation de nombreux aspects de la vie sociale »
© Claude Truong-Ngoc, 2015 Plusieurs semaines sont passées depuis le début du déconfinement.
La vie tend désormais à reprendre, bon an mal an, son cours habituel. De Jules Verne aux classes préparatoires : entretien avec Pierre Ageron. Pour les géographes utilisateurs de Twitter, Pierre Ageron n’est pas un inconnu.
Très actif sur le réseau social, son compte est devenu au fil du temps une mine d’informations que des milliers d’internautes suivent désormais quotidiennement. Par-delà cette présence numérique, Pierre Ageron est avant tout professeur de géographie en classes préparatoires au lycée Fustel de Coulanges de Strasbourg et spécialiste des questions de transports. L’entretien qu’il nous a accordé est l’occasion d’évoquer l’enseignement de la géographie post-bac et les défis pédagogiques que celle-ci doit relever. Comment avez-vous découvert la géographie ? Comme beaucoup d’autres enfants, par la lecture du diptyque Tintin-Jules Verne où je suivais les pérégrinations des héros sur mon globe lumineux, en découvrant des noms exotiques comme le « détroit de Torres », Zanzibar ou Irkoutsk. Selon quelle(s) démarche(s) se construit votre enseignement de la géographie ?
En colle, l’inattendu positif peut survenir. Antoine Le Blanc : « Faire de la géographie, c’est situer, dans un sens très dense, très profond » Professeur des Universités en géographie à l’Université du Littoral – Côte d’Opale, Antoine Le Blanc a fait de la question des risques le thème central de ses travaux de recherche.
Toutefois, loin de se cantonner au seul monde universitaire, ce géographe touche-à-tout, président du Comité National Français de Géographie depuis 2016, s’est aussi donné pour mission de promouvoir la géographie à destination de tous. De Jules Verne aux classes préparatoires : entretien avec Pierre Ageron. Alain Miossec : « Faire de la géographie, c’est passer constamment du monde réel à ce que peut porter l’imagination » Géographie physique vs. géographie humaine. Cette distinction autour de laquelle s’est construite une part importante de la géographie française n’a pas trouvé chez Alain Miossec un fervent défenseur. Professeur émérite des universités et recteur d’académie honoraire, celui-ci n’a en effet eu de cesse, tout au long de sa carrière, de faire dialoguer deux branches bien moins irréconciliables que ne voudraient le faire croire certains Cassandre.
Entretien. Olivier Pliez : « Faire de la géographie, c’est essayer de porter une interrogation qui va au-delà des spécificités du terrain d’enquête » ©O.
Pliez, Tunisie, 2014 Olivier Pliez est la figure même du géographe de terrain. Sillonner le Sahara et le Sahel, chercher à comprendre son organisation humaine, replacer son terrain de prédilection dans une échelle plus globale, étendre ses hypothèses à d’autres contextes, tel pourrait se résumer la démarche et le parcours de recherche de celui qui est aujourd’hui directeur de recherche au CNRS et membre du Laboratoire Acteurs, Ressources et Territoires dans le Développement (ART-Dev). Alain Miossec : « Faire de la géographie, c’est passer constamment du monde réel à ce que peut porter l’imagination » François Mancebo : « Je ne sais si j’ai découvert la géographie ou si c’est la géographie qui m’a découvert »
Quelle idée de consacrer un « portrait de géographe » à un chercheur qui ne se définit pas lui-même comme géographe ?
Fernand Verger, une vie à explorer la compréhension du littoral. Professeur émérite à l’Ecole Normale Supérieure, géomorphologue spécialiste des zones littorales, pionnier français de la télédétection, Fernand Verger revient avec un nous sur son foisonnant parcours de recherche qui n’a cessé de s’enrichir des apports théoriques et technologiques qui marquèrent la géographie de ces dernières décennies.
Quels sont vos domaines et terrains de recherche ? Pourquoi vous être tourné vers eux ? Je me suis toujours intéressé aux littoraux et spécialement aux marais, sans doute par suite de promenades dans les marais vendéens au cours de mon enfance. Je me rappelle encore les parcours que je faisais avant la guerre, dans le marais de Monts inondé. Paul Claval : « Faire de la géographie, c’est apprendre à s’étonner face au spectacle du monde » Pour qui s’intéresse à la géographie, le nom de Paul Claval fait office de référence : du jeune étudiant fraîchement débarqué sur les bancs de l’université au géographe confirmé, ses travaux ont en effet marqué des générations de géographes.
L’interview-portrait que nous publions est l’occasion de retracer le parcours d’une des grandes figures de la géographie française, mais aussi les évolutions qu’a connu la discipline depuis le milieu des années 1950. © Claude Truong-Ngoc, 2015 Comment avez-vous découvert la géographie ? J’ai eu la passion des cartes et des livres de géographie depuis l’école primaire, à 7 ou 8 ans. Elle m’a suivi tout au long du secondaire – les deux prix au concours général de géographie que j’ai eus en première et en terminale en témoignent. Guy Di Méo : « Sur le plan théorique, je suis partisan d’un travail de bricolage » Guy Di Méo est Professeur des Universités Emérite à l'Université Bordeaux-Montaigne.
Figure centrale de la géographie française contemporaine, il revient avec nous sur son parcours personnel et scientifique qui, au croisement des différentes sciences humaines et sociales, n'a cessé de se redéfinir au fil des années. Lionel Laslaz : « Ma géographie est nourrie des interactions entre l’enseignement et la recherche » Lionel Laslaz est agrégé (2000), maître de conférences en géographie depuis 2006, habilité à diriger des recherches depuis 2016.
Hervé Théry : « Le Brésil est un pays anthropophage… » Pour qui s’intéresse à la géographie du Brésil, le nom d'Hervé Théry fait office de référence. Du jeune étudiant repéré par le géographe Pierre Monbeig à l'infatigable voyageur qu'il est devenu, Hervé Théry a permis aux géographes français d'ouvrir les yeux sur un pays en pleine mutation... et aux géographes brésiliens de découvrir la géographie française.
L’interview-portrait que nous publions est l’occasion de retracer le parcours d'un géographe qui n'a cessé de suivre les évolutions de la géographie depuis les années 1980, mais aussi celles du Brésil, pays émergent devenu "émergé". Comment avez-vous découvert la géographie ? Tardivement. Au lycée (qui allait alors de la 6e à la Terminale) j’avais consacré l’essentiel de mes efforts à ce que je jugeais être les matières principales, français, latin et allemand, et beaucoup moins aux matières « secondaires » comme l’histoire-géographie et ma seconde langue, l’espagnol.
Quels sont vos domaines et terrains de recherche ? Hervé Théry [3] Magali Reghezza-Zitt : « Faire de la géographie, c’est d’abord une façon de regarder le monde » Maître de conférences HDR à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm et membre du Laboratoire de géographie physique de Meudon, Magali Reghezza-Zitt revient pour nous sur son parcours, son rapport et sa manière de concevoir la géographie. L'occasion d'interroger les évolutions d'une discipline de moins en moins "disciplinée" et de plus en plus ouverte à d'autres influences scientifiques. Olivier Lazzarotti : « Le travail scientifique est moral, politique et anthropologique »
Pour qui s’intéresse à la géographie, le nom d’Olivier Lazzarotti, Professeur à l’université de Picardie Jules Verne, est plus que familier. De son penchant pour l’histoire antique à ses travaux sur la notion d’habiter, en passant par Schubert et sa découverte du monde chinois, l’interview-portrait que nous publions ici est l’occasion de retracer le parcours d’un géographe dont les recherches ont permis à la géographie francophone de se transformer et de se doter d’outils intellectuels nouveaux.
Photographie prise le 2 novembre 2017 à « Village de Pierre » (Shilin cun, 石林村, Guangxi, Chine) © Benjamin Taunay. Comment avez-vous découvert la géographie ? Initialement, je veux dire après le bac, soit à l’automne 1977, je me suis tourné vers l’histoire, avec l’idée lointaine de faire de l’Antiquité, grecque notamment, mon époque de prédilection. Jean-Louis Chaléard : « Je suis devenu géographe peu à peu, en suivant un chemin inégalement balisé, avec des bifurcations » Contact ville-campagne en périphérie est d’Abidjan (Côte d’Ivoire, avril 2012, ©Chaléard) De son intérêt premier pour la Côte d’Ivoire à la découverte de l’Amérique andine, de sa volonté de généralisation à son retour en Côte d’Ivoire, le cheminement scientifique de Jean-Louis Chaléard s’est toujours donné pour but la compréhension des processus socio-spatiaux dans les pays des Suds.
L’entretien qu’il nous a accordé permet de retracer le parcours d’un géographe dont la géographie « est d’abord une vision globale du monde ». Comment avez-vous découvert la géographie ? Je n’ai pas vraiment « découvert » la géographie, au sens où on découvre une nouvelle théorie ou une terre inconnue. Il est plus juste de dire que je suis devenu géographe peu à peu, en suivant un chemin inégalement balisé, avec des bifurcations.
Les premiers contacts furent ceux de mon enfance. Christine Chivallon : « La géographie possède de nombreuses clés de compréhension des manières d’associer la pensée, les représentations, le vivant et la matière ». Laurent Jégou. Du texte à la carte, éloge d’une géographie vagabonde. © M. Baron, L. Hovig Ter Minassian : « Je suis tout autant intéressé de faire de la science sociale, que de la géographie » Rodolphe de Koninck : « La géographie est non seulement la description de l’écoumène, mais aussi sa critique constructive » Jean-Louis Tissier : « Un géographe peut dessiner les éléments de son bassin-versant et s’identifier comme confluence »
Source : Chris Lawton. Vincent Berdoulay : « S’intéresser à l’épistémologie, c’est pour moi une façon de rester pleinement géographe » Philippe Boulanger : « Il revient au géographe d’apporter une plus-value à l’analyse d’une situation pour aider à la décision » Aurélie Delage : « Être géographe, c’est une attitude, une façon d’aborder les choses, à la fois humble et débrouillarde, avec pour entrée privilégiée l’espace »
Concrete Plant Park, Bronx (New York City). 05.10.2013. Crédit photo : Aurélie Delage. Si géographes et urbanistes se regardent parfois en chiens de faïence, le portrait d’Aurélie Delage montre que les deux disciplines ne sont pas si éloignées que ne le pensent certains. Pour l’amour du globe. Entretien avec Alain Sauter, fabricant de globes terrestres et géographe. Atypique. Ainsi pourrait se résumer le parcours d’Alain Sauter.