Article sur les destructions symboliques de statues lors des mouvements sociaux/révoltes (lesinrocks) Dans le sillon des manifestations contre le racisme qui se propagent depuis la mort de George Floyd, étouffé par un policier le 25 mai, des statues d'Edward Colston, Churchill ou encore Leopold II ont été déboulonnées ou dégradées.
Nous avons interrogé l'historien Emmanuel Fureix sur cet iconoclasme politique, une tradition héritée de la Révolution française. Deux semaines après la mort de George Floyd, un homme noir de 46 ans tué lors d'un contrôle de police à Minneapolis le 25 mai, le mouvement contre le racisme ne désemplit pas. Dans plusieurs villes, il a donné lieu à des phénomènes d'iconoclasme : des manifestants ont déboulonné la statue de l'esclavagiste Edward Colston à Bristol, ont souillé celle de l'ex roi des Belges Leopold II à Bruxelles, accusé d'avoir “exterminé” des millions de Congolais, ou encore tagué celle de Churchill à Londres pour apporter une précision : “Was a racist”.
Emmanuel Fureix - Il n’est pas inédit. Par ce geste, que réclament les militants ? Racisme : F.X. Fauvelle réagit au déboulonnage des statues. François-Xavier Fauvelle est historien et archéologue français spécialiste de l'Afrique.
En 2019, il est devenu le premier professeur du Collège de France à détenir une chaire permanente et intégralement consacrée à l'histoire de l'Afrique ancienne. Il répond ici aux questions de Sciences et Avenir. Sciences et Avenir : Qu'est-ce que ces événements vous inspirent en tant qu'historien ? François-Xavier Fauvelle : Je comprends aussi bien l'urgence qu'éprouvent certains à déboulonner une statue de personnage historique que le désir engendré chez d'autres de préserver la même statue du déboulonnement. Cette ambivalence est partagée par tout le monde : chacun peut être en même temps attaché à un monument et vouloir promouvoir la disparition d'un autre. "Les Egyptiens martelaient les inscriptions pour faire disparaître certains personnages" Déboulonnage de statues : "la République a suffisamment de symboles forts,
Faut-il déboulonner la statue de Colbert installée devant l'Assemblée nationale, à l'instar de celle de Léopold II à Anvers, en Belgique ?
Pour l'historien Frédéric Régent, si l'on veut comprendre l'esclavage, il ne faut pas occulter ce pan de l'histoire. Les récentes manifestations contre le racisme et la destruction de statues de personnages liés à l'histoire de l'esclavage, comme à Bristol le 8 juin dernier, ont relancé le débat sur les traces de l'histoire coloniale dans les pays qui ont participé à la traite négrière. Des rues, des établissements, des lieux portent le nom de personnalités de l'Histoire qui ont permis l'esclavage. Parmi elles, Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances sous Louis XIV et auteur du Code noir, un ensemble de textes juridiques qui régissait l'esclavage dans les colonies françaises. Rien qu'à Paris, quatre voies publiques portent son nom, ainsi qu'un lycée et une école privée. Que faire du Code noir pensé par Colbert ? Comment les anciennes villes négrières françaises travaillent sur leur passé. De grandes villes françaises ont prospéré grâce à la traite négrière et à l’esclavage aux XVIIe et XVIIIe siècles ; un passé qui ré-émerge aujourd’hui dans le sillage du mouvement né de la mort de George Floyd.
Dans plusieurs ville d’Europe et des États-Unis, les symboles de l’esclavagisme, du colonialisme ou du racisme sont mis à bas : statues, noms de rue, etc. En France, les cités portuaires associées à ce lourd passé ont commencé à mener un travail de mémoire mais cette réflexion demeure très récente et loin d’être terminée. Quelques chiffres et données clefs La traite atlantique a abouti à la déportation de plus de 12 millions de personnes d’Afrique vers les Amériques entre les XVIe et XIXe siècles, auxquelles il faut ajouter 7 millions de morts sur les chemins de traite (avant l’embarquement en bateau).
La traite a contribué à l’essor économique de ces ports et plus largement aux pays qui pratiquaient ce commerce. Nantes : un musée et un mémorial pour en finir avec le tabou. Colonisation. Bugeaud peut bien tomber de haut. Entre les premiers coups de canon contre Alger (juin 1830) et la reddition dans l’honneur de l’émir Abd El-Kader (décembre 1847), considérée comme étape ultime d’une première guerre d’Algérie, la France a envoyé sur la rive sud de la Méditerranée treize gouverneurs généraux ou commandants en chef.
C’est pourtant le nom du maréchal Thomas-Robert Bugeaud qui est devenu le symbole de la violence de la conquête. Il fit en Algérie deux séjours, 1836-1837 et, surtout, 1841-1847, au plus fort de l’affrontement avec Abd El-Kader. S’il ne reçut pas directement la reddition de ce dernier (il avait quitté la colonie deux mois plus tôt), il est entré dans la saga coloniale comme le « pacificateur » de l’Algérie. Le progrès pour Jules Verne On peut imaginer que l’image fut quelque peu différente du côté des conquis. C’est la loi du progrès.
La nomination, le 4 janvier 1841, du maréchal Bugeaud comme gouverneur de l’Algérie eut une signification claire. Razzias, incendies, enfumades.