Génocide au Rwanda : la bataille des archives entre historiens et militaires français. C’est l’histoire d’une double trahison et, peut-être, d’un rendez-vous manqué avec l’histoire.
Tout commence il y a un an, lorsque, après la publication dans Le Monde d’une série d’articles sur les derniers secrets de la France au Rwanda, Emmanuel Macron est sollicité par un de ses amis dans un SMS laconique : « Tu as vu les articles du Monde ? Es-tu prêt à recevoir Stéphane Audoin-Rouzeau pour parler du Rwanda ? » « Oui », répond le président. Si le rendez-vous n’a finalement pas lieu, l’historien de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste des violences de masse et de la première guerre mondiale, écrit une note résumant les reproches faits à la France dans le dossier rwandais.
Le Mémorial du génocide de Kigali, passage incontournable pour Emmanuel Macron. Sous un ciel de printemps, des employés du Mémorial du génocide de Kigali taillent les haies, nettoient les parterres de fleurs et lessivent les sols.
Jeudi 27 mai vers 10 heures, Emmanuel Macron devait visiter le site situé à Gisozi, un district au nord de la capitale rwandaise, et tout doit être impeccable. Le déplacement du président français au Rwanda – suivi le lendemain par une visite officielle en Afrique du Sud – est considéré par l’Elysée comme « une étape finale de normalisation des relations » entre Paris et Kigali, après un quart de siècle de tensions parfois vives. Le Rwanda a émis un mandat d’arrêt international contre Aloys Ntiwiragabo, accusé de génocide. Le Rwanda a émis un mandat d’arrêt international contre Aloys Ntiwiragabo, chef des renseignements militaires pendant le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Une enquête préliminaire pour crimes contre l’humanité a été ouverte récemment contre lui, en France, où il pourrait résider. « Nous avons émis un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Aloys Ntiwiragabo, soupçonné de génocide », et qu’un média français affirme avoir retrouvé en France, a déclaré mardi 25 août à la presse le procureur général rwandais, Aimable Havugiyaremye. « Nous avons enquêté sur son cas et nous travaillons avec l’unité française chargée de combattre les crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a-t-il ajouté. Lire aussi Un ex-haut responsable rwandais visé par une enquête en France pour « crimes contre l’humanité » L’enquête en France a été ouverte fin juillet à la suite d’un article de Mediapart affirmant avoir retrouvé cet homme, âgé de 72 ans, près d’Orléans (Loiret).
M. 7 avril-17 juillet 1994 : retour historique sur le génocide des Tutsi au Rwanda - Les actualités de l'École des lettresLes actualités de l'École des lettres. Depuis longtemps organisé et souverain, le Rwanda devient une colonie allemande après la Conférence de Berlin qui s’est tenue de novembre 1884 à février 1885 pour organiser la conquête de l’Afrique par les grandes puissances européennes.
Pendant la Première Guerre mondiale, le pays passera aux mains de la Belgique et ce jusqu’en 1962, lorsqu’à la suite de la « révolution sociale » de 1959 des milliers de Tutsi prennent le chemin de l’exil et s’établissent dans les pays limitrophes du Burundi, du Congo, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Les théories raciales au cœur de la conquête coloniale Durant la colonisation, les Belges se sont surtout appuyés sur les Tutsi au détriment des Hutu et des Twa, leur offrant les postes les plus en vue de l’administration indigène et auprès des administrateurs coloniaux. Rwanda : la commission Duclert conclut à une faillite militaire et politique de la France de 1990 à 1994.
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Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ». Un naufrage politique, militaire, diplomatique, administratif, intellectuel et éthique. Un aveuglement idéologique de François Mitterrand et de ses conseillers, imposé au reste de l’appareil d’Etat. Un révélateur des stéréotypes coloniaux et d’une lecture purement ethnique qui ont irrigué la politique africaine de la France. Vincent Duclert : « Le dossier rwandais a été contaminé par le mensonge, la manipulation et la passion » Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien.
Chaque samedi, à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ». Chercheur et ancien directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA, CNRS-EHESS), Vincent Duclert, président de la commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, a remis, vendredi 26 mars, au président Emmanuel Macron, le rapport final intitulé La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994).
Enseignant à Sciences Po, ce spécialiste de la IIIe République, de Jaurès et du concept de génocide avait présidé une mission d’études sur les génocides et crimes contre l’humanité sous l’ancien président François Hollande. La question de la complicité d’un génocide est posée au juge.