» Marie-Laure Basilien-Gainche
« Les explications simplistes diraient que les sans-papiers existent pour les besoins du capitalisme et parce qu'ils permettent un coût du travail plus faible. Il y a une partie de vérité dans ces assertions mais beaucoup d’employeurs et d’organisations d’employeurs sont plutôt favorables aux programmes de régularisation, notamment parce que l'irrégularité entraîne de l’instabilité mais aussi parce que les employeurs ont une préférence pour le contrôle de la mobilité de la main d'oeuvre, qui est mis en place dans les systèmes de migration circulaire. » Sébastien Chauvin. Paris sportifs et jeux d’argent : le risque de dépendance pour les migrants. Il ne reste plus que quelques minutes à jouer entre l’Espanyol de Barcelone et le Bétis de Séville.
Les footballeurs barcelonais mènent au score par un but à zéro. Lamine a misé 50 euros en cours de partie sur une égalisation de Séville. Déplacement et liquidité. L’ONU les nomme les « déplacés internes », tous ceux qui ont été contraints de fuir leur territoire parce que leurs vies étaient en danger, à cause de la guerre, du terrorisme, de la violence généralisée ou de catastrophes naturelles, sans sortir des frontières nationales.
Chaque jour, ils sont de plus en plus nombreux à se « déplacer », très souvent, à l’intérieur de l’Afrique. Cette question de déplacement est au cœur du travail de Zygmunt Bauman, mort cette année. Vies perdues, vies en miettes, vies déplacées, vies-déchets, voici quelques façons de nommer la fragmentation qui atteint les sujets et leurs vies, dans la modernité liquide. Qu’est-ce qu’une société liquide ? La société hospitalière. C’est l’une des fractures qui commencent à se consolider de façon irréductible, pas seulement chez les critiques de la politique présidentielle, mais également chez les partisans de celle-ci, comme si c’était la frontière à ne pas dépasser…, j’ai nommé la politique de l’asile à l’ère de Macron.
Sur le déclaratif, des propos – somme toute – pragmatiques, encore empreints d’empathie et d’humanisme, même raisonnés ; dans les faits, des actes qui signent la fin d’une société hospitalière. Vaincre nos cœurs et tendre la main, de Guillaume Le Blanc (Flammarion, 2018), revient dans un texte-manifeste sur ce revirement français, électoraliste, adressé à la frange la plus extrême-droitiste d’entre nous.
Dès lors, la question de l’État de droit est bien aussi celle-ci : « Comment assignons-nous des vies à n’être que des vies frontières, jamais dedans, jamais totalement dehors ? » Que demandent Le Blanc et tous ceux qui pensent que la situation est indigne de la France ? La « mélancolère » selon Romain Noël. Les journaux sont désormais remplis de ces faits divers dans lesquels les « migrants » meurent, font naufrage, se cachent sous les essieux des camions, dorment sur les places urbaines, campent près des bourgades… En toute dernière date, le récit catastrophique, quasi journalier, des passeurs faisant commerce avec les femmes enceintes voulant accoucher à Mayotte, département français près des Comores.
Le « tout » monte sur une embarcation, à quasi-terme, et la suite est évidente, rajoutant à la catastrophe économique, sociale et morale, celle humanitaire. Plus près de nous, place Stalingrad ou encore porte de la Chapelle, les migrants prennent place comme ils peuvent et subissent le rejet des populations locales, n’étant nullement préparées pour un tel accueil. Marielle Macé est allée du côté du quai d’Austerlitz, et en a tiré ce petit opus sur ceux qui vivent aux « bords » des vies des autres. Le refus de l’autre est une haine de soi. Le Cnam se mobilise pour les migrants. Favoriser l’intégration des migrants en certifiant les compétences acquises dans la société d’émigration. Les troubles d’usage chez les immigrés et descendants d’immigrés français. Une étude publiée dans ACER, avec le soutien du Fond Actions-Addictions. Aux Etats-Unis, pays d’immigration s’il en est, et où le concept de communautés occupe une place très importante dans le vivre-ensemble, l’état de santé des communautés immigrées et de leurs descendants fait l’objet de très nombreuses études.
Au début des années 2000, une immense étude de cohorte appelée la National Epidemiological Survey on Alcohol and Related Conditions (NESARC), avait évalué l’état de santé addictologique et psychiatrique d’environ 40 000 sujets américains. Plusieurs études avaient porté sur les immigrés, et avaient notamment montré un phénomène appelé « the Immigrant Paradox » ou encore « the Immigrant Healthy Effect ».
Une telle investigation n’avait jamais été menée en France.
Réfugiés. Racisme. Habiter. Inégalités spatiales. Conditions de travail. Migrating. Emmanuelle Auriol. La statue de la Liberté. La course des migrants. Enfants migrants. Livres. Podcasts. Migrants. Refugee Food Festival. Pour sa troisième édition, le Refugee Food Festival parcourt l’Europe.
De Paris à Rome, les cuisines s’ouvrent aux réfugiés pour un menu exceptionnel au savoureux goût de rencontre et de solidarité. L’an dernier, les Parisiens étaient invités à déguster, dans huit restaurants de la capitale, un menu éphémère concocté par des cuisiniers réfugiés. L’enthousiasme fut tel que, après une édition Strasbourgeoise à Noël dernier, ce Refugee Food Festival aussi gourmand que citoyen remet le couvert, cette fois dans toute l’Europe.
L'immigration décomplexée [Le Moment Meurice]