Analyse d'un passage à l'antenne, par Pierre Bourdieu (Le Monde diplomatique, avril 1996) J’ai écrit ces notes dans les jours qui ont suivi mon passage à l’émission « Arrêt sur images ». J’avais, dès ce moment-là, le sentiment que ma confiance avait été abusée, mais je n’envisageais pas de les rendre publiques, pensant qu’il y aurait eu là quelque chose de déloyal.
Or voilà qu’une nouvelle émission de la même série revient à quatre reprises — quel acharnement ! — sur des extraits de mes interventions, et présente ce règlement de comptes rétrospectif comme un audacieux retour critique de l’émission sur elle-même. Beau courage en effet : on ne s’est guère inquiété, en ce cas, d’opposer des « contradicteurs » aux trois spadassins chargés de l’exécution critique des propos présentés. La récidive a valeur d’aveu : devant une rupture aussi évidente du contrat de confiance qui devrait unir l’invitant et l’invité, je me sens libre de publier ces observations, que chacun pourra aisément vérifier en visionnant l’enregistrement des deux émissions (1).
Ce que j’aurais voulu dire. «Non, la France ne traverse pas la plus grande crise sanitaire de son histoire» – Un peu d'air frais. L’historien et le citoyen ne font qu’un et, comme le disait Lucien Febvre, ils doivent participer à la manœuvre avec leurs compétences.
Si le citoyen doit être ému par ce qui nous arrive, l’historien doit être rigoureux. Il est d’abord là pour comparer avec le passé. Si cela peut paraître indécent il faut bien, pour le faire, utiliser des chiffres, aussi froids et inhumains fussent-ils. À ce jour le coronavirus a fait plus de 10.000 morts en France. C’est évidemment 10.000 de trop mais il faut savoir qu’ils représentent moins de 2 % des 580.000 décès annuels. Pour poursuivre cette macabre comparaison chiffrée dans le temps, il faut se souvenir que la canicule de 2003 fit 15.000 victimes.
Sans remettre en cause le principe du confinement, rien n’interdit cependant de s’interroger sur ses conséquences possibles actuelles et futures. Je serai plus disert sur les conséquences politiques et sociales du confinement. Qui de la Chine ou des États-Unis dirigera le monde après la pandémie? La politique étrangère de Donald Trump est une politique nationaliste, en repli face aux affaires du monde et opposée à l'idée de coopération internationale.
Cette attitude résonne particulièrement bien avec l'épidémie de Covid-19. De fait, l'une des mesures exigées des gouvernements pour protéger les citoyens est la fermeture des frontières. Ainsi, dès mi-mars, le président américain a décrété la fermeture des frontières avec l'Europe, sans même nous consulter. La crise du coronavirus permet donc un repli, un chacun pour soi encore plus marqué de la part de l'administration Trump. Dans le même temps, la Chine —qui semble avoir jugulé l'épidémie dans la région du Wuhan— envoie du matériel et des médecins dans le monde entier, se donnant ainsi l'image d'un pays altruiste, efficace et responsable.
Est-ce qu'une victoire de Joe Biden en novembre prochain pourra changer la donne concernant la politique internationale du pays? 2020-04-07 (Arte) - Le Dessous des cartes - COVID-19, une leçon de géopolitique - #04 - L'UE face au virus. L'être, l'avoir et le pouvoir dans la crise. Temps de lecture: 36 min La crise sanitaire que nous vivons est différente de toutes celles que les générations précédentes ont pu connaître.
Les convocations de la grande peste noire de 1348 ou de la grippe espagnole de 1918-1919 sont intéressantes en ce qu'elles nous permettent de repenser les conséquences des pandémies. Mais elles ne disent rien, pour autant, de la capacité de résilience d'une société dont l'économie est mondialement intégrée, et qui avait perdu presque toute mémoire du risque infectieux.
Si la crise actuelle est de prime abord différente, ce serait par la vitesse de propagation de cette maladie. Trois mois après le début de la crise sanitaire, près de la moitié de la population de la planète est appelée au confinement. L'autre différence structurelle entre cette crise sanitaire et les crises antérieures tient à son ampleur. Une crise de l'avoir Des crises économiques, nous en avons connu. Un choc sur l'offre et un choc sur la demande Deux voies sont envisageables.