Et à ce moment-là, les juges n'ont pas du tout leur mot à dire, ou bien, est-ce une question juridique ? Et du coup, le judiciaire a son mot à dire puisqu'il s'agit d'une interprétation de la loi. C'est cette question de la division entre la question politique et la question juridique et judiciaire qui, dans ces procès climatiques, est très intéressante. » Marta Torre-Schaub
« La justice environnementale, c’est la reconnaissance de l’existence d’inégalités environnementales : les classes sociales ne sont pas affectées de la même manière par l’impact du changement climatique. Les principales victimes des pollutions, de l’effondrement de la biodiversité, des catastrophes naturelles ou de l’épuisement des ressources naturelles, ce sont les classes populaires, dans les pays du Sud comme du Nord.
La justice environnementale comporte au moins deux dimensions. D’abord, c’est l’idée que le poids de la transition écologique ne doit pas être supporté par les classes sociales déjà fragiles économiquement – ce qu’a voulu faire Macron avec sa taxe. « Justice environnementale » signifie que doivent payer les coûts de la transition ceux qui en ont les moyens, et qui se trouvent par ailleurs être ceux qui polluent le plus : les riches.
« Justice pour le climat ! », de Judith Rochfeld : le réchauffement climatique en procès. Article réservé aux abonnés « Justice pour le climat !
Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne », de Judith Rochfeld, Odile Jacob, 198 p., 19,90 € (en librairie le 28 août). Peu de livres écrits par des universitaires contiennent autant de points d’exclamation, jusque dans leur titre, que Justice pour le climat ! C’est que son auteure, Judith Rochfeld, professeure de droit privé à la Sorbonne, ne prétend pas s’abstraire des passions, entre angoisse et espoir, qui animent toujours plus de personnes face à la catastrophe climatique.
Une lueur d’espoir vient des nouveaux mouvements civiques de résistance, notamment ceux portés par la jeunesse ou par des associations, voire des particuliers, qui demandent des comptes à l’Etat et aux entreprises en s’appuyant sur la justice. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les contentieux climatiques se multiplient dans le monde Il invitait aussi à la table, en plus des Etats, des « entités non parties » – associations, secteur privé ou villes. La justice climatique. C’est l’ancien ministre à la Transition écologique qui doit hoqueter : le président de la République française s’est rendu au One Planet Summit, où il s’est vu remettre le prix de « champion de la Terre ».
Rien de moins. La question du réchauffement climatique et de la transition écologique des systèmes de production, et plus généralement des modes de vie, est au cœur de tous les agendas nationaux. Michel Bourban, post-doctorant, en a fait ses sujets de recherche : la justice climatique, le financement de l’aide à l’adaptation au changement climatique, la réinvention des concepts normatifs.
Penser la justice climatique (PUF, 2018) fait le point sur la question du « partage du fardeau climatique », la dette climatique, ou encore les principes pollueur-payeur. Les catastrophes dues au dérèglement climatique sont désormais très concrètes. Écologie des pauvres, écologie des riches : quand les inégalités sont aussi environnementales. Les catastrophes naturelles et pollutions industrielles ne frappent pas de la même manière toutes les populations.
Au contraire. « Si vous voulez savoir où un stock de déchets a le plus de chances d’être enfoui, demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres minorités raciales », interpelle le sociologue Razmig Keucheyan dans son dernier ouvrage La nature est un champ de bataille. Saturnisme, mal-logement, précarité énergétique… Autant de facettes d’un « racisme environnemental » qu’il propose de combattre. En s’attaquant aux racines du capitalisme. Entretien. Basta ! Razmig Keucheyan [1] : Les inégalités sont classiquement associées à trois dimensions : les inégalités de classes, de genres (inégalités entre hommes et femmes) et ethno-raciales. Une des facettes de ces inégalités, c’est le « racisme environnemental »... « Le capitalisme ne mourra pas de mort naturelle »
Razmig Keucheyan est professeur de sociologie à l’université de Bordeaux.
Spécialiste d’Antonio Gramsci et penseur de la question environnementale, il est notamment l’auteur de Hémisphère Gauche (2010), Guerre de mouvement et guerre de position (2012) et de La nature est un champ de bataille (2014). Dans cet entretien, nous l’avons interrogé sur l’état actuel de nos démocraties, la manière dont la question écologique doit se poser, l’actualité de la pensée d’Antonio Gramsci, la reconfiguration de l’échiquier politique et l’actualité récente marquée par le mouvement des Gilets Jaunes. Entretien réalisé par Marion Beauvalet, retranscrit par Marie-France Arnal. Le Vent se Lève : Dans un appel à propos de la répression des mouvements sociaux en Grèce, vous avez dénoncé le phénomène d’escalade répressive que l’on peut constater aujourd’hui dans plusieurs pays. Qu’en est-il aujourd’hui de l’état de nos démocraties ? Lorsqu’arrive la crise, l’alchimie se dérègle. Qu'est-ce que le crime d'«écocide» ? Une entreprise française qui aurait déversé des tonnes de déchets toxiques, dans la mer ou dans une forêt en France ou à l’étranger, pourrait-elle, un jour, faire l’objet d’une condamnation pour crime d'«écocide» ?
Le Sénat débat ce jeudi soir d’une proposition de loi du groupe socialiste visant à créer cette «incrimination pénale spécifique pour la criminalité environnementale». Si le texte ne va vraisemblablement pas être adopté, il pose les bases d’une notion nouvelle qui va s’imposer aux dirigeants politiques et économiques dans les années à venir.
Inégalités environnementales. Droit et environnement. Ecologie et mobilité. Racisme. Gilets jaunes. Justice sociale.
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