Masques de l’impuissance. L’hostilité au masque a plus d’un visage.
Parmi les opposants à son port obligatoire, on trouve des esthètes qui conçoivent mal de passer une journée entière sans rencontrer un sourire. Il y a aussi des libéraux qui placent leur indépendance individuelle au-dessus des règles sanitaires, des claustrophobes que cet enfermement angoisse, des sourds dont le seul espoir de communiquer réside dans la lecture du mouvement des lèvres des autres, des hypocondres qui se désolent de voir les rues prendre l’apparence de couloirs d’hôpital. Ignorant cette diversité, les médias ne parlent que d’une ribambelle d’adversaires du système qui voient dans la contrainte du masque une manière pour le gouvernement d’asservir les corps dans une période qui s’annonce tumultueuse. Les anti-masques, ces Français qui veulent rester « libres » Depuis le début de la crise sanitaire, le masque est entré dans nos vies et avec lui, un flot de questions et polémiques : y en aura-t-il pour tout le monde ?
Cette protection est-elle réellement efficace ? Ces dernières semaines, le mouvement s’est accéléré ; désormais, plusieurs villes l’imposent même en extérieur. La physionomie des rues change donc, et l’image, inconcevable il y a six mois, de flots de visages barrés de blanc déambulant sur les marchés estivaux se déploie un peu partout. Pourtant, parmi la foule, quelques irréductibles se repèrent. « Rester libre d’apprécier si oui ou non le masque est nécessaire » Illustration en cette matinée d’août ensoleillée, sur le parvis de la gare Montparnasse, à Paris. Installés à une table dans l’enceinte de la gare, Élisabeth et son mari affichent la même ambivalence. « Nous mettrons nos masques juste après avoir pris notre petit café », jurent-ils avant de glisser « très bien comprendre que d’autres personnes refusent de s’y plier ». Coronavirus : comment voir les émotions derrière les masques.
Correctement utilisé, le masque couvre le nez et la moitié du visage.
Comment les personnes qui le portent sont-elles perçues ? Votre perception – positive ou négative – de ceux qui portent un masque dépendra principalement de ce que vous pensez de cette mesure de protection. Si vous estimez qu’elle va trop loin, vous risquez de les trouver crédules, voire carrément idiots. En revanche, si vous êtes vous-même un adepte du masque, vous aurez probablement tendance à les juger plutôt sympathiques. Il est souvent utile de sourire aux autres pour apaiser les tensions sociales.
Dans une étude qui sera publiée prochainement, mes collègues et moi-même avons découvert que c’est loin d’être aussi difficile qu’on pourrait le croire : la capacité à reconnaître des expressions émotionnelles n’est pas plus mauvaise quand la bouche et le nez sont couverts. Lesquelles ? La peur et la surprise. Haut les masques ! Depuis plusieurs semaines, pas un jour ne se passe sans un article ou un débat sur le port du masque.
Où s’en procurer ? Quels masques ? Comment le mettre ? Et surtout, qu’est-ce que ça va changer au quotidien ? Voir le visage à moitié Cette dernière question est assez large, car il s’agit autant de savoir comment chacun d’entre nous va s’en accommoder, que de découvrir ce qui va être bouleversé dans nos rapports sociaux. Au fond, tout l’enjeu est là : il s’agit de savoir comment interagir quand on ne peut plus totalement compter sur ses expressions faciales. C'était mieux avant ! Comment vivre dans une société masquée ? Le déconfinement n'est pas synonyme de retour à la normale.
Parmi les nouvelles normes de distanciations sociales, le port du masque devient obligatoire dans les transports, les magasins et parfois au travail. Symbole de protection ou d'aliénation, la société française est-elle prête à se masquer ? Il est rare d'observer un tel retournement en si peu de temps. D'après historiens et anthropologues, le siècle des Lumières aurait, par souci d'égalité et volonté de combattre la dissimulation, repoussé l'usage du masque.
Il y a six mois encore d'ailleurs, forces de l'ordre et gouvernement souhaitaient interdire son port dans l'espace public. L'épidémie de coronavirus a changé radicalement la donne. Que perd-on à une telle contrainte ? Depuis le début du confinement, l'équipe du Temps du débat a rassemblé sur le site de France Culture, plus d’une trentaine de textes d’écrivains, d’artistes ou d’intellectuels du monde entier qui nous ont donné leur regard sur la crise en cours.
Va-t-on devoir se passer de contacts physiques dans les mois qui viennent ? Faudra-t-il inventer une nouvelle forme de sociabilité ? Le futur du toucher et du langage corporel. Avec les mesures de distanciation nécessaires en période d'épidémie de Covid19, il est fort possible que nous assistions à la disparition de la bise.
Comment évoluent nos contacts corporels en temps de confinement ? Nous en parlons avec Bernard Andrieu, philosophe du corps. Avec la distanciation sociale et le fait de ne plus avoir de rencontres physiques les uns avec les autres, le confinement transforme toute la relation que nous avons à ce que Bernard Andrieu appelle notre corps vivant, et au corps de l’autre. Plus de serrage de mains, ni de bises…Ces mesures d’hygiénisme social nous ont fait basculer notre époque dans l’haptophobie. Quelles conséquences à long terme ? Pour aller plus loin : Peut-on imaginer un monde sans bisous ? Bien avant les mesures de confinement, l’idée de se tenir à distance les uns des autres avait déjà bien infusé.
Plus de poignées de mains, d’embrassades, de tapes amicales, mais à la place un salut de la tête, un coucou de la main et un sourire entendu… On s’est dit que c'était là quelque chose de temporaire, l’affaire de quelques mois… Mais imaginez : et si c’était définitif ? Et si dorénavant les échanges tactiles, les accolades, les câlins : les bisous, c’était du passé, un souvenir du "monde d’avant" ? Serait-on pour autant moins proches les uns des autres ? L'art du bisou Faire la bise est une spécificité française.
Faire la bise est toujours déroutant : il y a très peu de fois, quand j’y pense, où je ne fais pas la bise en me disant que je fais la bise. Pas bisounours À quoi pourrait bien ressembler un monde sans bisous ? Au fond, un monde sans bisou, c’est possible. Que va devenir la bise après le confinement ? Juste avant le confinement, nous avions adopté des gestes alternatifs pour éviter de se faire la bise.
Désormais, nous sommes carrément confinés, mais après ? "La bise pourrait faire les frais de cette période de confinement", estime le sociologue et anthropologue David Le Breton. On dit bise, bisou, smack, bec, baiser. Port du masque. Masque. Anonymat. Masques contre le Covid-19 : le retour à l'anonymat ? Nos actus Masques contre le Covid-19 : le retour à l’anonymat ?
FacebookTwitterEmail Pour Gaspard Koenig dans Les Echos, les nouvelles nécessités sanitaires pourraient favoriser le retour de l’anonymat. Un signe encourageant dans le combat contre la surveillance généralisée. Alors que le Gouvernement réfléchit à la mise en place d’un système de tracking pour lutter contre la propagation du virus, Gaspard souligne que la probable généralisation du port du masque apparaît paradoxalement être une bonne nouvelle pour la protection de notre vie privée.
Et si ces mesures conduisaient à l’abolition de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ? « Sous réserve de résister à l’usage intrusif de la géolocalisation et du « tracking », les nouvelles nécessités sanitaires pourraient au contraire faire reculer la surveillance et nous rendre le luxe de circuler incognito… » Gaspard Koenig.