Coronavirus : « Nous devons rester des citoyens engagés et critiques » Tribune.
La situation présente est hors du commun, en elle-même et par les conséquences économiques et sociales qu’elle entraînera. Mais elle n’a, à elle seule, aucun pouvoir de créer un avenir différent ; cet avenir dépendra surtout de notre capacité d’en tirer des enseignements et d’agir en conséquence. Un premier enseignement a trait à la façon de considérer la société et les activités qui la constituent. L’image d’une société d’hypermobilité conduite par des chefs de file, présente depuis quelque temps dans le discours public, a fait oublier ce que les événements d’aujourd’hui rappellent avec force : nous devons aux postiers, caissières, ouvriers saisonniers, soignants, surtout, et à beaucoup d’autres, que les besoins de base, les biens et services publics (santé, éducation, information), conditions de la liberté de chacun, soient quotidiennement assurés.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : « Le surgissement des travailleurs invisibles » Jacques Toubon : « Les inégalités deviennent encore plus criantes avec l’état d’urgence sanitaire » Dans un entretien au Monde, Jacques Toubon, Défenseur des droits, estime que les mesures coercitives prises par le gouvernement pour faire face à l’urgence sanitaire respectent « pour le moment » l’Etat de droit.
Mais il appelle à « réfléchir au rôle futur des services publics », alors que l’égalité dans l’accès aux droits est actuellement mise à mal par la crise du coronavirus. Quels problèmes de droit pose la crise sanitaire et le confinement général de la population ? La crise sanitaire actuelle nous impose trois défis. Les libertés publiques à l’épreuve du coronavirus. La progression fulgurante de l’épidémie de Covid-19 le confirme chaque jour un peu plus : le respect des libertés publiques fondamentales des citoyens, principe au cœur des démocraties, est difficilement compatible avec la gestion sanitaire d’une crise de cette ampleur. « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre », écrivait Blaise Pascal.
Les pouvoirs publics viennent d’en faire l’amère expérience, ce qui les conduit à durcir jour après jour les restrictions de rassemblement et de déplacement des populations pour tenter d’enrayer la transmission du virus. Des mesures liberticides prises dans un cadre parfaitement légal, celui du droit d’exception. Lire aussi Coronavirus : Emmanuel Macron déplore que trop de Français prennent « à la légère » les consignes de confinement. Covid-19 Santé et libertés publiques. Ep 6. Sceaux…toujours plus haut! Le Conseil d’Etat a tranché : un maire ne peut rendre obligatoire, par arrêté, le port du masque.
Retour sur un épisode du confinement, dont les médias nationaux se sont fait l’écho : l’exemple de la ville de Sceaux, dont le maire a, le premier, publié un tel arrêté. Au delà du cas de la ville de Sceaux, la décision du Conseil d’Etat envoie un message aux maires : ils ne peuvent pas surajouter d’autres mesures restrictives de liberté, des mesures contraignantes autres que celles imposées par l’état d’urgence sanitaire. Le 6 avril dernier, Philippe Laurent, maire de Sceaux, a pris un arrêté municipal portant obligation de porter un « dispositif bucal et nasal » à toute personne de plus de 10 ans sortant sur le territoire de la ville.
La crise sanitaire ne justifie pas d’imposer les technologies de surveillance. Chacune des crises qui a marqué le 21e siècle ont été l’occasion d’une régression des libertés publiques.
Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont vu l’Europe adopter la Directive sur la rétention des données de connexions électroniques et l’obligation faite aux opérateurs de stocker celles de tous leurs clients. Les attentats terroristes qui ont touché la France en 2015 ont permis le vote sans débat de la loi renseignement. Usage de la force, placement en garde à vue, fouilles, et nouveau délit lié au non respect du confinement. Dans le contexte de crise sanitaire actuelle, les autorités françaises ont adopté des mesures de confinement destinées à freiner la pandémie de Covid-19.
Le Parlement a voté une loi habilitant le gouvernement à agir par ordonnances et à prendre diverses restrictions dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire. Des restrictions de circulation ont notamment été édictées pour faire face à cette situation exceptionnelle. L’état d'urgence sanitaire menace-t-il les libertés fondamentales ? La médiatisation anxiogène de l’épidémie de coronavirus a dans un premier temps éclipsé tout débat de fond sur le fondement juridique des mesures mises en œuvre et sur le cadre légal des dispositions adoptées par le pouvoir exécutif pour tenter de l’endiguer.
Pourtant l’atteinte qu’elles portent à nos droits fondamentaux est considérable. François Sureau : "Les Français ne sont pas un troupeau de moutons ou une garderie d’enfants" François Sureau, écrivain et avocat, est l'invité du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé à 8h20.
Il évoque le confinement actuel, et ses inquiétudes sur ses conséquences à plus long terme sur notre démocratie et nos libertés. "[Le confinement] est d’abord une épreuve intime, personnelle", explique François Sureau. "Ces derniers jours, un de mes plus vieux amis a vu sa femme mourir à l’hôpital et avec sa fille n’a pas été autorisé à assister à la levée du corps. Comme des millions de Français, ils sont dans le même état que moi, je me fais du souci pour mon père en EHPAD avec un personnel qui s’occupe de lui, incroyablement dévoué, qui veille aux portes dans une atmosphère de forteresse : si le coronavirus rentre, ils mourront par dizaines.
" "La vie l'emportera" "Ce qui me frappe, c’est l’inquiétude que nous avons sur l’état dont nous sortirons de cette pandémie", réfléchit l'avocat. Il reste donc optimiste : "Chaque épreuve porte en elle-même la capacité d’en sortir.