Dominique Méda : "Dans les consciences des citoyens fermente une révolution" La Tribune : La métaphore guerrière et la dialectique belliqueuse sont abondamment employées, en premier lieu par le chef de l'Etat, pour caractériser la nature du combat contre l'épidémie de coronavirus.
Une métaphore qui peut être, comme l'estime votre confrère Michel Wieviorka, inopportune, mais qui n'est pas sans enseignement. Notamment, par le biais de l'histoire, sur une nécessité : "l'après", s'il est souhaité disruptif, se pense, se débat, se prépare et s'organise "pendant". Dans un premier entretien (21 mars), vous affirmiez que la crise du coronavirus nous dictait de "tout repenser". Il est donc "déjà" temps de s'y pencher ?
Dominique Méda : Tout à fait. "Demain ne devra jamais été identique à ce que nous subissons et au terreau qui a conduit à la guerre" : voilà comment ces contributeurs ont, "pendant", pensé "l'après", et notamment des changements radicaux qui ont constitué les principes de la Reconstruction. Absolument. Je veux prendre le Président de la République au mot. Pierre Dardot et Christian Laval : « Aucune souveraineté d’Etat au monde ne permettra de prévenir les pandémies » Pierre Dardot et Christian Laval publieront le 27 août Dominer, une grande « enquête sur la souveraineté de l’Etat en Occident », aux éditions La Découverte (750 pages, 25 euros).
Pierre Dardot est philosophe et chercheur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, Christian Laval est professeur émérite de sociologie au sein de la même faculté. Ils animent tous deux le groupe d’études et de recherche Question Marx, qui entend contribuer au renouvellement de la pensée critique, et ont notamment publié ensemble La Nouvelle Raison du monde (La Découverte, 2009), Marx, prénom : Karl (Gallimard, 2012) et Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle (La Découverte, 2014). Face à la crise sanitaire, le président de la République, Emmanuel Macron, a affirmé vouloir « rebâtir notre souveraineté nationale et européenne ».
Dominique Méda : "La crise du Covid-19 nous oblige a réevaluer l'utilité sociale des métiers". Pour l’Eco.
La crise sanitaire du Covid-19 semble redonner un statut à ceraines professions essentielles à notre vie de démocratie et de société : personnels soignants, agriculteurs… La pandémie peut-elle conduire à réinterroger la valeur travail ? Dominique Méda. Cette crise va nous donner l’occasion d’une double réflexion : sur le rôle social du travail, d’une part, et sur l’importance relative accordée aux différents métiers, d’autre part. Concernant le travail, le confinement va confirmer, comme l'ont fait de nombreux sociologues (1), le caractère très structurant de son rôle dans notre vie. Le travail, même à distance, va peut-être détourner notre esprit de ce moment angoissant. Mais il s’agit aussi d’un moment opportun pour prendre en considération l’importance sociale des différents métiers.
Crise sanitaire et inégalités sociales. Etat d'urgence et libertés publiques. Thomas Porcher : « Cette crise est un moment idéal pour faire passer les pires lois » L'épidémie de Covid-19 et le confinement de la population rendent-ils une nouvelle crise financière inévitable ?
Que peut l’État face à la situation sanitaire inédite qu’il traverse aujourd'hui ? Entretien avec l’économiste Thomas Porcher, auteur du livre Les Délaissés (Fayard, 2020). Gilets jaunes, banlieusards, agriculteurs et cadres déclassés. Voilà les quatre catégories — pour le moins hétérogènes — que Thomas Porcher mobilise dans Les Délaissés (éditions Fayard, sorti le 26 février 2020) pour évoquer une France « archipel » où tous ne partagent pas forcément les mêmes intérêts mais ont pour point commun d’être « délaissés » par un système économique de moins en moins accepté, et qui ne profite qu’à une minorité. Le triptyque « mondialisation-financiarisation-austérité », pour reprendre les termes de l’économiste, arrive-t-il pour autant à bout de souffle avec la crise sanitaire inédite que traverse actuellement l’Europe ?
Mais il ne faut pas faire comme si on découvrait ça ! Coronavirus, néo-conservatisme et totalitarisme : le cas de la Chine. « Une crise nous force à revenir aux questions elles-mêmes et requiert de nous des réponses, nouvelles ou anciennes, mais en tout cas des jugements directs.
Une crise ne devient catastrophique que si nous répondons par des idées toutes faites, c'est-à-dire des préjugés. Non seulement une telle attitude rend la crise plus aigüe mais encore elle nous fait passer à côté de cette expérience de la réalité et de cette occasion de réfléchir qu'elle fournit ». Appliquée à la crise pandémique que nous vivons, cette phrase implique deux choses. D'une part de s'interroger sur les réponses apportées à la crise par les gouvernements et les sociétés. D'autre part d’essayer de tirer parti de « cette expérience de la réalité » pour mieux réfléchir à nos objets de recherche.