Viralité et confinement, par Denis Duclos (Le Monde diplomatique, avril 2020) Il est étrange d’être un participant désarmé devant la montée d’un cataclysme et de s’en vouloir observateur.
Des passions contraires nous traversent. L’indifférence forcée et la peur incontrôlée : la première appelle à continuer comme si de rien n’était, la seconde à surveiller et à punir tout mouvement interdit. Laissons aux preux soignants (et spécialistes en infectiologie, épidémiologie ou virologie) déterminer la mesure de l’une et l’autre attitude. Après Pline l’Ancien (23-79 après Jésus-Christ) regardant les gens quitter tranquillement la pluie de cendres sur Pompéi sous des coussins — ces masques d’époque —, travaillons plutôt à repérer quelques traits parcourant notre « société-monde » en proie à la mathématique de la contagion.
Il n’y a pas à chercher loin pour le Covid-19. Taille de l’article complet : 1 494 mots. Les vertus sanitaires des films de contagion. Que recherche-t-on dans ces fictions tandis que la réalité, selon la formule consacrée, semble les dépasser ?
Bien sûr la peur ne prévient pas du danger et on pourrait, à juste titre, penser que ce n’est pas la peine de se rajouter une dose de psychose. Si chacun est appelé au calme et au civisme face aux nouvelles règles de confinement, pourquoi nourrir la panique ? A quoi sert par exemple de se plonger dans l’angoisse des hôpitaux débordés et les affres de la quarantaine en regardant Pandémie de Suong Soo-kim ? Bref pourquoi vivre le mal « au carré » ? Ma théorie c’est que les films de contagion peuvent avoir des vertus sanitaires. Remettre l'expertise scientifique au centre Appelé récemment à réagir, le scénariste du film Contagion, Scott Z. L'épidémie en littérature, à travers 6 grands romans. Déni, confusion, torpeur, sidération, panique, désarroi, impuissance… Créer à partir de la contagion permet de déployer le large éventail des affres humaines.
Illustrée en peinture par Raphaël, Rubens, Goya ou encore Géricault, l’épidémie inspira également de nombreux écrivains. Décrire la peste ou le choléra pour rappeler l’inéluctable contingence de l’existence. Dépeindre avec soin la mort d’un innocent pour figurer notre finitude. La littérature dénonce les dangers de l’omerta, à l’aube des pandémies, où la volonté de “ne pas affoler les populations” retarde les prises de décisions. Déclencheur de crises morales et spirituelles, l’épidémie ébranle la rationalité des uns et trouble la foi des autres : en plongeant ses personnages dans une quête désespérée de sens, la littérature d’épidémie expose leurs remords et leurs élans d’insouciance. Albert Camus, "La Peste" (1947) : les "vacances insupportables" Jean Giono, "Le Hussard sur le toit" (1951) : la "saloperie humaine" 1838. Philosophie de l'épidémie – série de podcasts à écouter – France Culture.
Contre les pandémies, l’écologie, par Sonia Shah (Le Monde diplomatique, mars 2020) Serait-ce un pangolin ?
Une chauve-souris ? Ou même un serpent, comme on a pu l’entendre un temps avant que cela ne soit démenti ? C’est à qui sera le premier à incriminer l’animal sauvage à l’origine de ce coronavirus, officiellement appelé SRAS-CoV-2 (1), dont le piège s’est refermé sur plusieurs centaines de millions de personnes, placées en quarantaine ou retranchées derrière des cordons sanitaires en Chine et dans d’autres pays. S’il est primordial d’élucider ce mystère, de telles spéculations nous empêchent de voir que notre vulnérabilité croissante face aux pandémies a une cause plus profonde : la destruction accélérée des habitats. Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où, parfois, ils n’avaient jamais été observés auparavant. Or ces derniers n’y sont pour rien. Ebola l’illustre bien. Les virus, les pauvres et "les moeurs civilisées" : pourquoi on s'est mis à chasser les germes.
Depuis la montée en puissance du Covid-19 et la multiplication des discours de l’exécutif sur les mesures face au coronavirus, nombre de commentaires pointent le retour de l’égalité et de l’intérêt général dans le discours politique.
Les termes “intérêt général” ne figurent pas explicitement dans le verbatim du discours prononcé lundi 16 mars par Emmanuel Macron, par ici. Mais il dit "je vous demande d’être responsables tous ensemble" et le texte de son allocution mobilise l’image d’une union sacrée. Cette image fait écho à celle d'un ciment transcendant entre les Français de tous milieux en temps de guerre - et Emmanuel Macron répète six fois “Nous sommes en guerre”. L’idée d’une union sacrée peut en partie être déconstruite, tant elle s’est imposée avec pas mal de raccourcis : durant la Grande guerre par exemple, la répartition des rôles sur le terrain militaire et au sein de l’armée était loin de se jouer complètement des origines sociales.