Paniques anticomplotistes, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 25 novembre 2020) « Hold-up », le documentaire qui se trompe de complot En quelques jours, le documentaire « Hold-up », réalisé par Pierre Barnérias, est devenu l’objet de nombreuses discussions : dans les « grands médias », où articles, chroniques et débats se multiplient pour tenter, parfois, de « comprendre » les fortes audiences du documentaire (déjà près de trois millions de vues selon un décompte de France Inter) et, souvent, de démontrer qu’il est empli de contre-vérités, d’approximations et de manipulations ; dans la population également, avec de nombreuses discussions sur les lieux de travail ou les réseaux sociaux, mais aussi dans les familles ou les cercles amicaux.
Avec un mot qui revient en boucle : « complotisme ». Nous ne proposerons pas ici une critique linéaire de Hold-up, ni une énième opération de « décryptage » de son contenu. Au sens strict, un complot.
Ravages du capitalisme néolibéral. Gestion calamiteuse et incurie criminelle de l'Etat. Autoritarisme. Renforcement des inégalités et des discriminations. Répression, racisme et violences policières. Surveillance de masse. Le monde d'après. « L'effet pangolin », une note confidentielle sur la crise africaine qui vient, par Frédéric Mantelin (Les blogs du Diplo, 9 avril 2020) Le pangolin.
Chacun connaît dorénavant ce petit mammifère placé sous les feux de la rampe à l’occasion de la crise mondiale du coronavirus. Suspecté d’avoir été à l’origine du passage du SRAS-CoV-2 de l’animal à l’homme, ce manidé insectivore, couvert d’écailles, dont les Asiatiques sont friands et qui prospère aussi en Afrique, a inspiré de nombreux chroniqueurs et éditorialistes du monde entier. Avec des titres volontairement percutants : « le syndrome du pangolin », « la double peine du pangolin », « le destin du pangolin », « la revanche du pangolin »… Jusqu’à s’inviter au cœur même des relations entre la France et le continent africain, par le biais d’une missive diplomatique française émanant du très sérieux Centre d’analyse et prospective stratégique (CAPS), et diffusée en date du 24 mars sous le titre : « “L’effet pangolin” : la tempête qui vient en Afrique ?
». Lire aussi « Covid-19, et la vie bascula », Le Monde diplomatique, avril 2020. « Une crise de trop pour les États ? Hartmut Rosa, Vincent Desportes, A. et F. Laugrand ... Surprise et ralentissement. Le temps que nous vivons est-il « hors de ses gonds » comme l’écrivait Shakespeare dans « Hamlet » ?
Alors que l’évènement est supposé remettre l’histoire en marche, celui que nous subissons depuis plusieurs semaines semble la ralentir et la figer. Ce temps qui était si précieux, denrée rare du management, s’est en effet brusquement ralenti dans un confinement inattendu. Le libéral Nicolas Bouzou y voit, dans « les Echos », un avantage pour les entreprises. "Si même des radios sont en télétravail, on voit mal en quoi des cadres d'entreprises de services ne pourraient pas l'être. (…) La crise est une occasion de se centrer sur l'essentiel, de libérer le management des niaiseries qui ont trop fait perdre de temps aux entreprises par le passé et de renforcer les trois piliers sur lesquels doivent désormais s'appuyer les organisations : le sens, l'autonomie/responsabilité, et l'autorité, qui, rappelons-le, est l'inverse de l’autoritarisme.
" Inégalités Accepter l'inattendu. Relance - Alessandro Pignocchi. Coronavirus, un saut de l’ange existentiel et politique. « Rien de plus faible qu’un système global qui devient unitaire.
A loi unique, mort subite. L’individu vit d’autant mieux qu’il se fait nombreux : ainsi des sociétés, ou même de l’être en général. » Michel Serres, Le contrat naturel. Réflexions sur la peste. Dès le 26 février, le philosophe Giorgio Agamben avait alerté sur l’instauration de l’état d’exception justifié par la menace du coronavirus (article publié dans Il Manifesto).
Son dernier texte paru sur le site Quodlibet questionne le rôle de la science dans la fabrique (religieuse) du consentement aux mesures de confinement. Se sentant malades de la peste, les animaux humains ne risquent-ils pas un plus grand péril, politique ? Les réflexions qui suivent ne concernent pas l’épidémie, mais ce que nous pouvons comprendre des réactions qu’elle suscite chez les hommes. Il s’agit donc de réfléchir sur la facilité avec laquelle une société toute entière a accepté de se sentir pestiférée, de s’isoler à la maison et de suspendre ses conditions normales de vie, ses liens de travail, d’amitié, d’amour, et jusqu’à ses convictions religieuses et politiques.
Et ce à quoi il convient non moins de réfléchir est le besoin de religion que la situation fait apparaître. Le virus de la peur. Il ne fait aucun doute que pour arrêter la propagation d’un virus très contagieux le confinement des populations est sans doute une mesure efficace, surtout au temps du flux mondialisé des contacts entre les gens.
Une mesure qui ne souffre d’aucune contestation possible, chacun/e ayant conscience de sa propre responsabilité à l’égard des autres, les plus fragiles en particulier. Il est de même évident et incontestable que les mesures contraignantes à l’encontre des populations, par crainte d’épidémie généralisée, sont liberticides : confinement chez soi, interdiction de sortie sauf pour aller travailler, faire des courses indispensables, se détendre les jambes et sortir le chien. Un régime pénitentiaire étendu à l’ensemble de la population. Travaille, consomme et reste chez toi. Un présent insupportable et un avenir qui se préfigure encore pire. Quelles seront les conséquences politiques et sociales au sortir de la crise épidémique ? Le Covid-19, la Chine et les autres, par Jean-Louis Rocca (Les blogs du Diplo, 25 mars 2020) Du point de vue de l’analyse de l’État et de la société chinoise, l’épidémie de Covid-19 apporte un certain nombre d’informations.
Nous avons la possibilité de comparer les situations et les réponses face à une crise qui est, a priori, la même pour tous. La Relève et La Peste. Face au discours d’Emmanuel Macron comparant la crise sanitaire que nous traversons à une situation de guerre, de nombreuses voix s’élèvent pour rappeler que non, nous ne sommes pas en guerre.
Carnets de réclusion #1. La situation de confinement actuelle possède certaines ressemblances avec les épreuves d’un embastillement dont celles et ceux qui en sont sortis nous rappellent qu’elles ne se traversent pas si aisément et qu’il nous faut y porter quelque attention.
Au-delà des exercices physiques, des promenades quotidiennes et de nos indispensables échanges numérisés, la musique, la lecture, la réflexion et l’écriture peuvent devenir des viatiques appropriés, non seulement pour traverser les semaines, voire les mois qui viennent, mais surtout pour qu’une fois cet obstacle franchi, nous puissions solder les comptes avec les pouvoirs en place, sur tous les plans. Car tout un chacun aura remarqué que cette pandémie se double d’une crise financière [1] et qu’elles arrivent au moment où, ici comme ailleurs, des fissures se dessinent dans les systèmes de domination et d’exploitation. Il va sans dire que ces pouvoirs tenteront d’instrumentaliser la situation à leur profit. On le savait avant Machiavel. Entretien avec un jeune retraité de la recherche pharmaceutique. Face aux accès de conspirationnisme qui fleurissent à chaque fois qu’une population en danger se trouve réduite à l’impuissance, face à un amateurisme gouvernemental qui ne trouve que les coups de menton autoritaires pour refouler l’évidence de ses propres errements et accuse sa propre population de la « mise en danger la vie d’autrui » dont il est lui-même l’artisan, nous avons choisi de nous tourner vers un médecin ami de lundimatin qui, après une carrière de généraliste, a passé trente ans à développer plusieurs des molécules-phares de l’industrie pharmaceutique française.
Jeune retraité, nous avons jugé qu’il était assez détaché des intérêts de ses anciens employeurs pour nous livrer une analyse dessillée de la situation comme des pistes thérapeutiques possibles. Depuis la Chine: De l’imaginaire viral à l’ethos épidémique. Cependant, deux grandes tendances se dégagent : d’un côté, celles et ceux qui voient dans l’épidémie l’occasion pour le pouvoir de pousser encore plus loin la restriction des libertés publiques. Cette tendance est incarnée par une tribune du philosophe Giorgio Agamben dans Il Manifesto et s’appuie essentiellement sur les informations qui nous reviennent de la gestion chinoise.
De l’autre, une critique de la mauvaise gestion de la situation sanitaire par l’État, accessoirement mu par ses seules priorités économiques. Le gouvernement sous estimerait le problème et ne mettrait pas en place les mesures adéquates (il serait aussi directement responsable de l’incapacité des services de soin à faire face à la crise). Cette tendance présuppose deux raisons à cette sous gestion : l’amateurisme du pouvoir en place ou au contraire son cynisme sans limite qui le pousse à choisir le déni plutôt que de risquer un ralentissement de la productivité et de l’économie. Rome, ville fermée, par Geraldina Colotti (Les blogs du Diplo, 20 mars 2020) C’est dans des moments comme ceux-ci, lorsque les nouvelles tristes se suivent et que chacun reste seul avec ses anticorps, que l’existence du Diplo paraît encore plus précieuse que d’habitude. Une boussole qui, face à une pandémie qui vous coupe le souffle, vous aide à ne pas haleter.
Le choix de la raison, qui vous invite à observer avec les bonnes lentilles, en saisissant les connexions sans chevaucher les plans. Lire aussi Anne-Cécile Robert, « Le “Diplo”, un réseau élargi et solidaire », Le Monde diplomatique, février 2020. Ici en Italie, dans un pays semi-libre ou en résidence surveillée, travailler sur le prochain numéro de notre publication internationale perd son côté rituel. Puisque nous sommes seuls. Puisque nous voilà réduits à nous-mêmes, enclos et retranchés, astreints à un isolement en passe de devenir synonyme d’inaction, de stagnation, propice en apparence à la seule inquiétude, au repli, au malaise, puisque cet isolement – que la rhétorique hygiéniste et militaire nomme « confinement » – est en train de devenir notre quotidien imposé,
Avant le BIG-ONE - Prémices d’une catastrophe sanitaire. #234. Monologue du virus. Les virus, les pauvres et "les moeurs civilisées" : pourquoi on s'est mis à chasser les germes. Depuis la montée en puissance du Covid-19 et la multiplication des discours de l’exécutif sur les mesures face au coronavirus, nombre de commentaires pointent le retour de l’égalité et de l’intérêt général dans le discours politique. Les termes “intérêt général” ne figurent pas explicitement dans le verbatim du discours prononcé lundi 16 mars par Emmanuel Macron, par ici.
Mais il dit "je vous demande d’être responsables tous ensemble" et le texte de son allocution mobilise l’image d’une union sacrée. Cette image fait écho à celle d'un ciment transcendant entre les Français de tous milieux en temps de guerre - et Emmanuel Macron répète six fois “Nous sommes en guerre”.